Sortie du 21 octobre 2024 par François Lannes Crête de la Plane (2340m) - Versant sud, par la vire Hélicoïdale
Une nouvelle randonnée du Vertige ne pouvait être complète que s'il y avait concomitamment une nouvelle arche documentée. Voilà la chose maintenant faite !
Itinéraire, carte // Fiche topo
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Conditions météo
Temps beau, suffisamment pour se risquer dans les pentes compliquées.
Quelques nuages blancs ont partiellement terni le ciel.
Pas de chaleur, en cette mi-octobre, ce qui est une bonne affaire dans un versant sud.
Récit de la sortie
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Les études de l’hiver 2023-2024 ne s’étaient pas limitées à l’intuition de la vire Hélicoïdale. Non.
D’autres idées avaient pris corps dans cette montagne de Barges.
Voici ce que j’en écrivais, l’année dernière, après deux mois de fièvre…
Mi-décembre 2023 :
L’infection a légèrement baissé d’intensité. Mais elle est toujours présente quand même…
Les 100 photos d’octobre sont devenues environ 150 maintenant. J’ai vraiment raclé tous les fonds de tiroirs. Du coup un classement sérieux était nécessaire, et est venu étoffer le dossier « Dévoluy - Montagne de Barges ».
Il y a d’abord les 2 sous-dossiers « crête de la Plane » et puis « crête de Foisse ».
Ces sous-dossiers comportent eux-mêmes des sous-sous-dossiers « versant sud » et aussi « versant nord », auxquels s’ajoutent encore les « vues de proche » et les « vues de loin ». Et pour finir, il y a les « vues d’hiver » car avec la neige, certains reliefs sont mieux lisibles que lorsqu’ils sont photographiés en herbe, l’été.
Bref, tout un arsenal d’informations.
Il faut dire que la majorité des photos récoltées a été extraite du site Altituderando !
Et en particulier, ce sont les auteurs suivants (classés par ordre alphabétique) dont les contributions m’ont bénéficié : Agarock ; Anic-Jicé ; BA42 ; bibox ; Dyn’s ; Guy Abert ; Laurence ; michel ; Mick1018 ; Nicolas Galy ; Ozenn ; PatdeGap ; Peyuko ; rab04 ; Stan73 ; ThF ; Yougs.
Que chacun soit remercié pour son apport photographique qui m’a été particulièrement utile dans cette étude au long cours pendant les trop nombreuses soirées d’automne.
Cela fait maintenant 60 soirées que cela dure.
Je crois que plus aucune de ces photos ne m’apprend aujourd’hui quelque chose de nouveau.
Je les regarde en boucle, espérant malgré tout capter une information utile supplémentaire. Mais rien n’arrive plus.
J’ai pressé les pixels jusqu’à l’infinitésimal.
L’enthousiasme est épuisé, fini. Il ne reste que le factuel, assez insipide.
Il reste surtout la très longue perspective des au-minimum-cinq-mois-à-venir – 150 nuits ! – c’est-à-dire de mi-décembre à mi-mai – et ce dans le meilleur des cas – avant de pouvoir aller sur place, marcher, découvrir.
C’est long !
C’est dur !
Le résultat de cette fièvre c’est un certain nombre de projets – de rêves devrais-je écrire – projets même tracés sur une photo pour le cas tout à fait improbable où je viendrais à les oublier. Des projets difficiles à réaliser, ambitieux, certainement trop difficiles pour quelques-uns d’entre eux, ou trop dangereux aussi probablement. Tout cela ne pourra être tranché qu’en allant sur place, et en mesurant à l’aune de l’intuition, de l’observation, de la réflexion également, la faisabilité de chacun.
Je me souviens de l’expérience du versant nord-est du Chamousset. C’était l’automne 2019. Les études en hiver avaient conclu à neuf itinéraires potentiels ; mais, l’été suivant, seulement quatre d’entre eux avaient vu la réalisation concrète se faire. La difficulté technique avait bloqué l’exploration des autres tracés.
Il en sera forcément de même ici, à la montagne de Barges : tout ne sera pas possible. Je le sais d’avance, d’expérience, même si cela ne me plait pas…
Ces projets-rêves, je leur ai attribué un petit nom.
Cela les rend plus proches, peut-être presque accessibles, un peu comme si nous étions déjà intimes.
Donc, il y a : « Les couloirs infernaux » ; « La porte cachée » ; « Le grand pilier » ; « Les pentes centrales » ; « La sente des chamois » ; « Le passage du milieu » et enfin « Les vires Hélicoïdales ».
Hormis les pentes centrales, tous les autres cheminements devraient pouvoir se parcourir sans l’aide d’une corde. Mais la corde sera quand même dans le sac « au-si-en-cas-ou » une retraite s’impose. Par contre, prendre 2 piolets paraît une nécessité pour tous.
Il y a d’autres possibilités d’itinéraires encore. Elles sont de moindre attrait car trop latérales par rapport aux sommets, ou bien manquant de logique dans leur cheminement. J’en ai bien vu trois ou quatre dans ce cas-là, mais il n’est pas sûr que j’aie le temps, ni même l’envie d’aller vérifier ce qu’elles offrent.
Voilà le constat dressé en cette mi-décembre.
À force de regarder les photos, de vérifier sur Géoportail, de comparer les reliefs avec des angles de vue différents, ces tracés me sont devenus familiers. J’en connais les passages difficiles, tout du moins ce que je suppose en être les passages difficiles. Bien des repères de terrain, dans ces deux versants à la complexité non négligeable, sont maintenant compris et assimilés. Ils fournissent une certaine confiance, construite par le fait justement de les avoir saisis d’avance, confiance qui devrait générer une meilleure sérénité lorsque je serai pour de bon dans l’un ou l’autre de ces cheminements.
Ce qui était l’inquiétude initiale de l’inconnu est progressivement remplacée par une impatience douce, celle de me trouver dedans – pour de vrai – sur les pentes d’herbe, impatience qui est le signe de l’accoutumance et de la familiarité avec ces lieux, sans pourtant y être encore allé. Ce sont là des signaux positifs. En tout cas, c’est ce que j’espère…
21 octobre 2024 :
Voilà.
Aujourd’hui, le programme est d’aller voir ce qu’il en est de l’itinéraire au petit nom de « La sente des chamois ». Il se place à gauche de la vire Hélicoïdale – je veux dire à l’ouest – dans la dernière partie du versant de la Plane, côté pic de Bure.
Il s’agit du repérage d’une vague trace de bêtes, qui biaise la barrière de falaises inférieures de droite à gauche, pour aller chercher le point de faiblesse, puis qui redresse son cours et qui va droit au point haut de la Plane. La trajectoire est assez simple. Mais la difficulté de ce « point faible » n’est pas analysable à distance. Le passage difficile devrait être assez court quand même. Ensuite, dans les pentes d’herbes, cela peut s’avérer raide, mais devrait quand même être accessible… !?
Ce matin du 21 octobre, la météo est annoncée comme stable pour la journée. Le créneau paraît bon. Et effectivement, en quittant la voiture, le ciel est complètement dégagé : je suis heu-reux !
Après le col de Rabou la descente côté sud est très agréable.
Pour rentrer dans le vallon de la Lauze (appellation toute personnelle pour ce lieu), celui qui est coincé entre la crête de la Lauze à l’ouest et la Tête du Château à l’est, il faut atteindre le point IGN côté 1591 mètres, au carrefour de deux sentiers. Le sentier du haut amène rapidement au vallon.
L’entrée dans ce vallon de la Lauze est merveilleuse.
Les reliefs tout en rondeurs, l’herbe encore verte au centre, les feuillages aux arbres qui ont pris les couleurs de l’automne, le calme montagnard dans sa plus complète réalisation (le troupeau des vaches est déjà redescendu) créent l’impression d’arriver au paradis.
Une habitation était existante, jadis, mais elle n’est plus que ruines aujourd’hui (photo de Dyn’s).
Le petit ruisseau, qui court au centre du vallon, a repris tous ses droits après les pluies des derniers jours, ainsi qu’après un été pas trop aride : il frétille sur le gazon et glougloute contre les pierres.
La montée vers le col de la Lauze (autre nom très personnel) se fait sans difficulté. La vue s’élargit vers le bas, mais se restreint vers le haut… Et le « passage clé » s’annonce, plus très loin maintenant.
Au bout de ces dernières dizaines de mètres il faut bien admettre que je n’aurais pas la clé pour franchir l’obstacle : un caillou bien délité, une exposition non négligeable, un balcon plus que radin en largeur, me tiendront en respect. Cette fois-ci, je ne vais pas tenter le diable : demi-tour, et sans regret.
Alors comme occupation de repli pour cette journée insuffisamment remplie, je pense à traverser à droite (vers l’est, donc), au pied des falaises, et d’aller retrouver la vire Hélicoïdale : il m’avait été suggéré de réaliser l’itinéraire à la montée, entièrement, puisque je ne l’avais fait qu’à la descente…
Pourquoi pas : c’en sera l’occasion !
Et ce d’autant plus qu’il y a une vérification à faire dans ce versant, un peu plus haut dans les pentes. D’après mes photos précédentes, il semblait qu’une arche rocheuse soit cachée au sein de tous ces éperons. Rien n’est sûr, mais la validation se doit d’être faite : c’est maintenant ou jamais !
Sur la vire, les auvents sont bienvenus, pour se mettre un instant à l’abri du soleil, soleil encore assez fort en ce midi de la journée. Toute la remontée se déroule bien, facilement y compris le petit mur pour lequel plus aucune angoisse ne me serre. Il n’y a que le souffle qui, lui, ne suit pas la cadence : il faut y aller à l’économie !
Le sommet de la vire…
Le petit éperon herbeux…
Le Trottoir vers la gauche…
Voici le moment de redresser la trajectoire, droit vers le haut dans la pente herbeuse.
Diable !
Elle est bien raide, cette pente !
C’est vrai : vue par en dessous, elle apparaît très sévère !
Je n’en reviens pas de cette impression de difficulté, alors qu’à la descente elle n’avait absolument pas paru en avoir. C’est là que, en faisant le comparatif entre la vision vers le bas d’avec celle vers le haut je comprends mon subit problème.
Vues du dessous, les nombreuses marches de terre existantes, qui avaient tant facilité la descente, sont maintenant masquées par les touffes d’herbe. On n’aperçoit aucune de ces marches. Et on ne voit à la place qu’une fourrure d’herbes, lisse et rebutante, dont il n’est pas possible de comprendre comment elle va pouvoir être remontée.
Vues par-dessus, à contrario, les marches sont tout à fait visibles et du coup le moral reste au beau fixe, ce qui fut le cas lors de la descente. Heureusement donc que la solution m’est connue, et qu’en navigant par zigzags, de marche en marche, la montée redevient simple.
Une fois rendu au niveau de l’Autoroute, avant de bifurquer vers la gauche, il faut faire un détour à droite, à la recherche de l’arche…. (mais non : pas l’arche « perdue » !), l’arche potentielle.
Dans un cheminement qui devient de plus en plus délicat, voire difficile, il faut contourner un éperon. Et juste derrière, comme imaginé, l’arche est là !
Elle n’est pas très grosse : probablement quatre mètres de hauteur, et deux bons mètres en largeur pour son ouverture.
Par contre, c’est son esthétique qui marque d’emblée. Elle est un peu penchée vers la paroi supérieure, comme si elle cherchait du repos. Son pied extérieur s’appuie sur une table plane très réduite. Ce pied, constitué de disques calcaires horizontaux, empilés les uns sur les autres, va en rapetissant vers le bas. On craint que, par cette fragilité de constitution, ce pied finisse par lui faire défaut, un jour, et que sa vie millénaire s’arrête tout d’un coup. Il était temps de venir la voir !
Arrivé par le côté gauche (l’ouest donc), la photo n’est pas sous le meilleur angle : en effet la dimension de l’arche en est toute ratatinée et rend très mal l’esthétique.
Le photographe eut envie de voir cette arche par l’autre côté, ce qui semblait procurer une meilleure perspective.
Le randonneur, lui, a fait la tête face à cette demande. C’est une demande qui s’avère légèrement inconsciente, pour ne pas dire plus. Le terrain est vraiment raide là autour, caillouteux à souhait, avec un rocher à consistance d’une pile d’assiettes. Et le randonneur est fatigué, de surcroît !
Dans ce sens – de l’ouest vers l’est – la traversée de l’arche n’est pas envisageable car il y a une haute marche rocheuse à descendre qu’il n’est vraiment pas raisonnable de franchir dans ce sens-là. Il faut donc faire un contour par dessous, d’une quinzaine de mètres à peu près, éviter une dalle calcaire affleurante et pourrie, puis remonter sur l’autre versant. L’effort va être conséquent !
Au final, en fait, à force d’arguments, c’est le photographe qui eut gain de cause…
Quant à la traversée sous l’arche, dans le sens de l’est vers l’ouest, moyennant un bon déblayage des abondants cailloutis, la haute marche fut franchie, par un mouvement d’opposition des bras, synchronisé avec de petits pas successifs, plus une enjambée maximale, et le tout prestement exécuté.
Ouf !
La suite était connue : l’Autoroute, le Trou de Barges, le point haut de la Plane.
Le repos sommital du randonneur fut mieux qu’apprécié.
Et une agréable discussion avec un couple d’autres randonneurs arrivés aussi sur les lieux fit office de remontant.
Ainsi la journée n’avait pas été complètement perdue, même si le programme du jour avait dû être adapté. Il reste malgré tout encore une chose à vérifier dans cette partie centrale du versant sud, une chose dont il n’est pas possible de savoir – sans aller sur place – si ce sera une déconvenue ou une réussite. Pour cet automne, en tout cas, l’affaire est certainement close : la pluie, le froid bientôt, la neige ensuite, mais aussi les autres occupations de la vie feront qu’aucun créneau ne se présentera plus en 2024.
Et puis, qu’en sera-t-il des possibilités de 2025 pour de telles sorties ?? La carcasse, le souffle… ???
Le sentiment d’un compte à rebours serre le ventre car, comme l’escalade en son temps, qu’il a bien fallu arrêter parce que c’est un sport trop exigeant pour les muscles (les bras, les épaules, le dos), la Randonnée du Vertige va subir – elle aussi – le même sort d’une mise au placard, alors que tant d’idées restent encore présentes à l’esprit, présentes à l’envie.
C’est bien lui, le Grand Toboggan, dont chaque étage se descend inexorablement, dont chaque baisse suivante est plus petite que la précédente puisque l’on se rapproche à chaque fois du bac à sable, comme dans une sinusoïde dont les amplitudes se réduisent, pressées vers la valeur zéro, c’est lui contre lequel je tâche de résister et dont je n’aurais pas envie de lui laisser le dernier mot tout de suite.
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Photos
Auteur : François Lannes
Avis et commentaires
Bonjour à tous trois,
.......et merci pour vos agréables commentaires.
@BA42 :
Oui, tu avais suggéré cette idée de faire cet itinéraire à la montée. Il a fallu ce concours de circonstances dans lequel la montée par l’autre itinéraire, de gauche, " la sente des chamois ", n’a pas pu se réaliser, pour que j’en profite pour faire dune pierre deux coups !
L’arche n’avait pas été documentée avec photos de sous sa voûte. Mais comme elle se voit de la crête de la Plane, il est logique qu’elle ait déjà été vue avant.
Ton mot "terrible " me concerne de plus en plus, et cela me fait ....... pas du bien... !
@ vermetoiz et jean331,
Merci pour vos qualificatifs très agréables à recevoir. Ce genre de sortie est particulièrement propice à avoir l’envie d’écrire, et à tâcher de prêter attention au récit.
Bonjour François
Je pense avoir suggéré ce retour à la vire dans le sens de la montée.
L’arche, c’est une découverte ?
Quand à la métaphore du toboggan, à mon âge, c’est plutôt celle du bac à sable.
Et c’est terrible...
Pareil que jean331, rien à ajouter.... un régal !
Magnifique texte ! La passion transpire à chaque ligne et quelle méticulosité dans le choix des termes employés, toujours très évocateurs. Quant au dernier passage avec la métaphore du toboggan, il est terriblement émouvant. Merci, c’était un régal à lire...
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