Sortie du 30 juin 2022 par François Lannes Le Gros Cornillon (1773m), par l’éperon nord-est

Une tentative pour aller plus haut encore...

Itinéraire, carte // Fiche topo

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Conditions météo

MétéoFrance prévoyait du beau temps jusqu’à 18h.
Mais le matin tôt (7h 30), le ciel était très brumeux, le soleil voilé, et un petit vent soufflait dans les feuillages....

Récit de la sortie

.L’histoire du Gros Cornillon n’est pas finie.
En fait même, elle n’en est qu’à sa première partie. Et il en reste un bout à finir.
C’est à ce bout-là que me pousse les envies de cette montagne, et la sortie de ce jour.

Lors de la sortie du 14 juin passé, le parcours de l’éperon nord-est avait mené à l’Âne, à 1773 m d’altitude. La suite de cette progression consisterait alors à franchir un redoutable ressaut rocheux, de probablement 150 mètres de dénivelé (entre 1900 et 2050 mètres), dans lequel le cheminement n’apparaît ni évident, ni facile.
Une étude fouillée, à l’aide de photos, a permis de supposer comment pourraient se tenter les essais de franchissement, mais sans garantir aucunement la réussite de ces tentatives. L’obstacle est de taille, le bougre !

Il y a déjà dans ce ressaut, une évidente difficulté technique à surmonter.
Mais, ce n’est pas tout. En plus de cette difficulté de franchissement, s’en ajoutent deux autres.

La première difficulté c’est l’éloignement de ce ressaut par rapport à la vallée.
En effet, il faut monter 1200 mètres de dénivelé pour y arriver, et encore n’en est-on alors qu’à son pied. Ce n’est quand même pas une paille 1200 mètres ! Et c’est à partir de là, seulement, que commence la difficulté technique.
Mes habitudes de tels dénivelés sont anciennes, hélas ; cela fait au moins dix ans que je ne les ai pas pratiquées… Cela veut dire qu’il va falloir forcer sur la mécanique du bonhomme pour y parvenir, tout en évitant de lui faire couler une bielle. Un savant dosage à faire, quoi, et à la limite qui plus est.

L’autre difficulté tient au risque de pluie.
Les passages terreux, et raides, qui se situent à chacune des sorties des câbles imposent que le sol soit absolument sec pour emprunter ce sentier. Cela s’entend pour la montée, déjà, mais surtout pour la descente, car il n’est pas du tout raisonnable de vouloir descendre là par temps de pluie. Le risque est trop grand de glisser et de sauter la barre rocheuse.

Il y a trois passages terreux sur le parcours : à 1000 m d’altitude environ pour le premier, puis à 1300 m environ, enfin à 1500 m environ le dernier.
Comme, du ressaut rocheux tout en haut jusqu’au passage dangereux le plus bas, il faut compter 2 heures de descente, il s’agit de ne pas se faire coincer en cours de route par ne serait-ce qu’une petite pluie, qui surviendrait impromptue. Il faut donc pouvoir anticiper la décision de redescendre, et savoir la prendre assez tôt en amont de ce risque de pluie potentiel.

Sauf que, pour corser cet aspect de la situation, le feuillage de la forêt occulte complètement le ciel et les éventuels nuages qui s’y déplacent. Il est donc quasiment impossible de surveiller les évolutions du climat lors de la montée. Ce point particulier alimente forcement le stress en cas de journée instable.
Et pour finir, dernier inconvénient, si des pluies viennent de l’ouest, leur arrivée est masquée par la montagne elle-même, et elles nous tomberaient dessus sans prévenir. Il est hors de question de se faire surprendre ainsi.

Or justement, la météo actuelle n’est pas stable.
De rares jours de soleil sont encadrés de nombreux jours de pluie. La fiabilité des prévisions est faible. C’est-à-dire que la position des jours de soleil est fluctuante dans la semaine. Et pour clore le tableau, les pluies sont annoncées venant de l’ouest justement.

Bref…
Tout est compliqué en ce moment.
Moi qui attends depuis maintenant 15 jours de pouvoir faire cette sortie exploratoire sur l’éperon, je commence à bouillir, à la maison. Cette impatience a poussé à prendre la décision de partir quand même aujourd’hui, jeudi 30 juin. Mais je sais bien que c’est à peine raisonnable, car le créneau de soleil est réduit : seulement un jour et demi de beau sont annoncés, mercredi et jeudi. Et pluie juste derrière, jeudi en fin de journée… !
Il faudra la jouer fin, pour ne pas tomber dans un piège qui se refermerait, mais j’ai trop envie de sortir.

Toutes ces difficultés cumulées me mettent la pression. Il faut vraiment que tous les paramètres soient au top pour que le programme conçu pour cette journée puisse se réaliser sans dégât. J’ai bien pesé le pour et le contre, et ai conscience que la marge est étroite.

Réveil tôt ce matin.
Départ à pied : 5h 38.

La respiration est lourde. La transpiration est importante.
Que se passe-t-il ??
Pourtant le sac a été allégé au maximum, le rythme des pas est lent, et les enjambées sont courtes dans cette montée.
Alors : que se passe-t-il ??

Sur le sentier, je suis étonné de trouver d’assez nombreuses branches en travers. Le nettoyage avait été fait correctement la dernière fois, il y a quinze jours. Cela veut donc dire que la forêt perd des bouts de bois au fur et à mesure des vents qui soufflent, des jours qui passent, ou du soleil qui tape : elle se desquame. Un peu comme nous, finalement, après un coup de soleil sur les épaules.
Le problème c’est que, compte tenu que le nombre des arbres est immense, cela fait quand même une bonne quantité de ces morceaux de branches au sol. Ils sont petits, certes, mais trop nombreux à mon goût. Il devient évident que je ne gagnerai pas ce combat, celui du nettoyage, face à la forêt… !
Déception.

Au bout d’une heure et quart de montée, il faut un arrêt pour boire et grignoter.
Tout en reposant, je cherche à voir, à travers les feuillages, le ciel dont le soleil me semble absent : et oui, il est masqué derrière quelques nuages. A surveiller, tout ça.

Au promontoire des 1250 mètres, le ciel ne me donne pas meilleure impression…
Toujours nuageux d’un gris qui s’épaissit. Aie aie aie…

Et la forme physique qui n’est toujours pas au top.
Que faire… ???

Les réflexions de ces derniers jours, et l’analyse des difficultés de l’itinéraire, commencent à miner le moral.
Un premier constat est que les jambes ne porteront pas jusqu’en haut, aujourd’hui : ça c’est clair.
Mais si en plus Héra, déesse de la belle saison, ne veut pas non plus m’aider en laissant ce gris partout, alors je deviens tout fragile sur cet éperon.

Tant pis, je prends la décision : stop ici pour aujourd’hui !
Il n’est pas question de prendre des risques avec le climat, qui plus est si je ne me sens pas en forme olympique.
Stop, donc.

Dans cette décision, le moral y gagne ce que les regrets y laissent : l’un monte là où les autres s’alourdissent. C’est une loi de la physique élémentaire, et cela s’appelle « les vases communicants ».
J’y suis hélas habitué. La montagne force à ce petit jeu assez régulièrement.
Bof.

Du coup, il devient possible de faire un peu de tourisme, et en l’occurrence d’aller voir plus en détails les ruines qui se trouvent là, sur ce promontoire. Elles sont à trente mètres seulement.

Cette ancienne maison est construite sur un replat - lui-même fabriqué par les anciens - de façon à s’appuyer contre un gros rocher. Cela économise ainsi le quatrième mur qui n’est plus à fabriquer !
De ces murs il ne reste plus que les deux angles, qui font un mètre cinquante de hauteur, composés de pierres grosses et lourdes. Ces pierres ne sont même pas taillées afin qu’elles tiennent mieux empilées. Non, elles sont brutes de nature, et cela a obligé à les caler entre elles avec d’autres cailloux plus petits. Mais du coup, l’équilibre en est bien précaire, et il est à craindre que dans quelques décennies, il ne restera plus grand-chose de tout cela.

Par une photo prise du haut du gros rocher (six mètres de haut environ), on peut voir l’emprise au sol : cela forme un carré d’environ huit mètres de côté. Les murs sont quasiment complètement tombés. Et des arbres ont poussé maintenant dans cette surface : trois en plein milieu de la maison ; quatre autres ont poussé carrément sur le mur ouest ; d’autres enfin sont à l’extérieur, juste au bord. La nature reprend ses droits.

En tournant autour des murs, je tombe par hasard sur un vieil outil en fer, bien piqué de rouille. Le manche bois a disparu. Il s’agit d’un outil de paysan, et j’hésite à le nommer. Après quelques recherches sur internet j’arrive à une conclusion que cela pourrait s’appeler une sape, ou bien une serfouette-cœur… ???
Si c’était bien le cas, cela pourrait vouloir signifier que des paysans travaillaient ici le sol, hypothèse qui semble vraiment hallucinante car il y a si peu d’épaisseur de terre. Que pouvaient-ils bien travailler ?
Un article internet expliquait que la serfouette servait à travailler la vigne. Y aurait-il eu des pieds de vigne ici, à 1250 m ?? Non…
La perplexité règne en maître dans toutes ces réflexions.

Soudain, un coup de vent plus marqué que les autres, là-haut dans la canopée, fait un bruit inquiétant. Les branches ballottent.
J’écoute…
Un deuxième coup de vent passe.
Hou la la…
Ça ne sent pas bon tout ça.
Le ciel est toujours gris.
La pluie, annoncée pour la fin de journée, aurait-elle pris un quelconque TGV, et serait-elle en avance sur son horaire de MétéoFrance ?
Tout est possible.

Le doute s’immisce et, sans hésitation, je décide la retraite. Hors de question d’être piégé par la pluie !
Il doit falloir une vingtaine de minutes pour passer le câble en-dessous. En partant de suite, il est possible d’éviter les gouttes avant que le passage terreux ne devienne glissant.
En une marche rapide, presque un petit trot, je file vers le bas. L’angoisse me prend, mais il faut rester vigilant, et ne pas trébucher. La trace, qui est déjà bien pentue, empêche d’aller très vite. Les feuilles au sol, elles aussi, car elles font riper les semelles. Bref, il faut aller vite, mais lentement.

Arrivé au passage en question, je le franchis.
Calmement.
Et tout va bien.
Pas de pluie.
Plus de vent non plus.
Tiens…
Bizarre.

Quoi qu’il en soit, je finis plus sereinement le sentier, et en profite pour aller voir cette « Ancienne voie romaine » qui est indiquée sur IGN. Et effectivement, il y a là un passage taillé dans la falaise, plus ou moins large (entre 50 centimètres et 1.50 mètre), cinq mètres environ au-dessus de l’altitude de la plaine des Sables, et qui fait trois à quatre cents mètres de long. C’est surprenant.
Des visites sont même organisées.

En arrivant à la voiture, le ciel est redevenu grand bleu !

Et la pluie tombera à Seyssinet à 18h 15.
Suivant l’horaire annoncé par MétéoFrance…
Comme quoi.
.
.

Addemdum suite au commentaire ci-dessous de gabriel (29 septemebre 2023) :

A propos de la traversée vers Oulles ;

Je n’ai pas réussi à faire cette traversée, qui était pourtant l’objectif de fond de toutes ces explorations. mais les 1700 m de D+ pour atteindre la cime de Cornillon sont un effort trop important pour moi, maintenant. Et j’ai bien été obligé de me résoudre à ne pas y arriver...

Par contre, je suis quand même allé sur la cime de Cornillon, mais par un cheminement au départ de Oulles, justement, et en passant par la combe Forane
altituderando.com/rando20...

Mais un autre randonneur, Vincent Figerou (plus fort ! !) a réussi cette traversée. Et même 2 fois !
Et la deuxième fois, il est redescendu de la cime de Cornillon en passsant justement par la combe Forane, en trouvant le bon cheminement pour remonter à l’épaule :
camptocamp.org/outings/15...

Voilà de quoi lire un peu encore !

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 30 juin 2022

Dernière modification : 30 septembre 2023

Auteur :

Avis et commentaires

Bonjour gabriel,

Eh oui !
L’internet est un système assez stupéfiant pour la recherche de sujets et d’informations. Il ouvre de nombreuses portes.
Et je suis bien content que tu sois arrivé jusqu’à ces comptes-rendus à propos du Cornillon, que ce soit de la "cime" ou du "Gros". Il ne semble pas que ce sommet attire les foules, mais c’est justement pour cela que j’y suis allé...

Pour compléter les informations, j’ai fait un addendum à la suite du récit de la sortie (voir ci-dessus, dans cette sortie), avec 2 références internet qui permettent de connaître la suite des recherches dans ce secteur.
Tu pourras y trouver de quoi lire encore un peu !

A+

Bonjour ! c’est étonnant ce qu’il peut être découvert dans certains cas de lecture avec de la curiosité bien sûr...Je viens de découvrir les explorations de F Lannes au Gros Cornillon parce que je suis en train de lire le gros ouvrage de B François " La Romanche" monographie sous-titrée " Des ruines de Séchilienne au barrage du Chambon" ; et que, en suivant certains paragraphes sur les cartes IGN, j’ai remarqué le sentier qui part de Rochetaillée...Et cherché des informations sur ce Gros Cornillon...A quand la traversée sur Oulles ? Et merci pour les photos et les descriptifs.

Bonsoir CourtePatte,
Et oui, le diable est dans les détails... !!!
Bon, mais tout va bien, tu l’as vu. Parfait.
Merci pour ce lien ves IGN-Comparer. Je ne connaissais pas. Pour obtenir le même résultat je pratiquais une méthode "à l’ancienne", à savoir d’ouvrir 2 pages internet et de basculer de l’une à l’autre par "alt+shift".
J’ai regardé sur l’éperon du Gros Cornillon, sans voir autre chose que le moutonnement de la forêt. Même sur les photos remontant à 2000, il est évident que l’on ne verra rien de plus. Il faudrait des photos d’avant 1900 éventuellement, et probablement ne serait-ce pas assez vieux encore. Les arbres y étaient déjà, et cacheraient alors la maison.
Ces comparaisons avec les temps d’avant sont parfois très intéressantes. Je l’avais pratiqué pour des ruines de château dans la vallée du Petit Buëch, à propos de la tour de la Rochette : altituderando.com/?page=al...

Bonjour !

J’ai failli rater le clin d’œil de la photo #3, merci ! Il faut dire qu’après avoir lu "ruines" et "voie romaine", mon attention s’est vite portée sur les photos correspondantes...

C’est vrai que les ruines sont toujours un peu plus émouvantes lorsqu’elles semblent se trouver, comme ici, au milieu de nulle part. Quelque fois j’ai obtenu plus d’informations en consultant les vieilles photos aériennes sur remonterletemps.ign.fr : l’on peut parfois y trouver des traces d’activité agricole là où aujourd’hui la forêt s’est refermée.
Evidemment ces clichés ne remontent guère qu’aux années 40, avec une définition souvent frustrante...J’ai eu la curiosité d’y regarder le Grand Cornillon et rien ne m’y a sauté aux yeux - mais il est vrai que je ne connais pas très bien le secteur.

Salut hereme,
Bon, merci de me soutenir, malgré cette sortie qui n’a pas atteint son but prévu.
Moi aussi, j’ai beaucoup aimé de faire cette visite détaillée de la ruine. C’est pas qu’elle était très joyeuse (la ruine), mais elle a permis des évocations du temps passé, des hypothèses sur ce qu’il a pu être, des points d’interrogation.
Dès que j’en trouve une autre, je recommence !

Hello François.
Ben moi j’aime bien les ruines et les voies romaines, ta sortie n’est pas inutile.

" Je n’aime pas les maisons neuves,
Leur visage est indifférent,
Les anciennes ont l’air de veuves
Qui se souviennent en pleurant. "

comme y disait le Sully Prudhomme ("Les solitudes").

Encore un récit captivant autour de ce Cornillon qu’on va finir par bien connaitre, en théorie du moins !
Et Patrice, si ça te tente, ne m’oublie pas au passage, je suis sur la bonne route ! lol !

Oui ce parcours me conviendrait certainement et d’autres aussi. Non je n’y suis jamais monté, mais pourquoi pas à l’occasion. J ’ai pas mal de secteurs à visiter ou revisiter comme demain du côté de Corrençon.

patrice

Bonjour Valverco,
.
Merci de venir un peu causer dans les commentaires. Cela faisait longtemps... et ça me fait plaisir.
Oui, à Seyssinet, mais récemment : seulement depuis 1988. C’est donc bien après toi, tu vois. Nous n’avons pas pu nous croiser.
.
Sinon, pour le Gros Cornillon, je me disais - depuis le début - que ce sentier devrait te convenir à merveille. Toi qui aimes les coins tranquilles, et peu connus du grand public...
Tu n’es jamais allé voir là-haut ??
Et si non, peut-être pourrais-tu y aller maintenant ??

Encore une belle aventure, j’aime les récits de tes recherches. J’ai cru comprendre que tu vis à Seyssinet-Pariset. J’y ai vécu une partie de ma jeunesse de 66 à 78, ça remonte à loin !

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