Le Gros Cornillon (1560m), par le versant nord
- Randonnée
- Taillefer / Isère / Le Bourg-d’Oisans
- Difficulté :
- Difficile
- Dénivelé :
- 850m
- Durée :
- 5h
Les sentiers marqués en bleu sur les anciennes cartes Didier Richard n’étaient pas à prendre à la rigolade. Ils avaient été tracés par de sacrés bons montagnards. C’est le rappel que m’a infligé le versant nord du Gros Cornillon, avant-hier… – Auteur : François Lannes
Accès
Emprunter la D 1091 dans le sens Grenoble vers le Bourg-d’Oisans.
Dans la grande ligne droite qui précède Rochetaillée, repérer le carrefour sur la gauche (côté Romanche, donc) qui est la sortie d’une carrière. Faire demi-tour sur cette zone goudronnée, pour repartir en direction de Grenoble.
A 150 mètres de distance, sur la gauche (côté montagne Gros Cornillon, cette fois), une piste forestière commence. Soit stationner la voiture sur le terre-plein au bord de la route, soit emprunter la piste sur 150 mètres pour stationner la voiture dans la forêt sur une étroite zone dégagée, à l’abri des regards.
Précisions sur la difficulté
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Il y a trois difficultés principales dans ce sentier.
La première difficulté tient à la recherche de l’itinéraire. Cette recherche est délicate car la fréquentation a été très faible pour ne pas dire inexistante depuis « un certain temps », ce qui fait que la trace au sol est à surveiller en permanence (un peu moins maintenant, après le nettoyage fait ce jour).
La recherche du bon itinéraire est également compliquée du fait de la structure du versant comportant de nombreuses falaises étagées, obligeant à louvoyer à travers ces obstacles et rendant les changements de direction parfois difficiles à anticiper (le tracé de la vieille carte Didier Richard est très précis et fournit une aide précieuse).
La seconde difficulté est technique avec les traversées des ravines, en particulier de la première : celle de la combe de l’Estillère. Ce passage rocheux et terreux n’a plus de sentier marqué au sol. Fort heureusement la raideur n’est pas telle qu’on soit obligé de faire de l’escalade (même si deux mètres amènent à poser les mains sur le rocher). Mais le passage est très impressionnant quand on ne le connait pas. Toutefois, il n’apparaît pas si technique que cela une fois qu’on l’a franchi.
La descente par ce passage demande de la concentration…
Bâton rigide très utile, mieux que le piolet.
NB 1 : Dans cette ravine, il faut toutefois avoir bien conscience que l’on passe au fond d’un couloir rocheux d’avalanche, et que le risque que quelque chose tombe du haut n’est jamais nul : ne pas trainer !
NB 2 : Un petit névé subsistait encore en cette fin avril 2022. Il ne gênait absolument pas ce jour-là. Mais en d’autres circonstances, ce névé pourrait empêcher le franchissement.
NB 3 : Toute situation de sol mouillé (la pluie, ou la fonte dudit névé) rendrait extrêmement dangereux ce passage.
La troisième difficulté est encore une ravine, en terre celle-là, et se trouve après la combe Chave.
La plateforme du sentier est inexistante à cause des orages qui l’ont détruite. Il faut donc tailler des encoches sur une petite dizaine de mètres, avec un piolet, pour ménager son passage. Cette traversée est délicate (voire dangereuse suivant les conditions du sol) car se trouvant au-dessus d’une barre rocheuse de quelques mètres : toute erreur est donc interdite. Bâton rigide utile pour s’équilibrer.
Photos
Les infos essentielles
- Carte IGN : TOP 25 - 3335 OT "Grenoble-Chamrousse-Belledonne"
- Altitude minimale : 710 m
- Altitude maximale : 1560 m
- Distance (A/R) : environ 3 km
- Horaires (A/R) : comptez entre 5 et 6 h
- Balisage : Points rouge et orange + quelques rubalises et cairns
Chargement de la carte en cours
Itinéraire
Le sentier commence pile au niveau de ladite zone dégagée (bout de rubalise + cairn + point rouge sur un rocher). Il monte droit dans la pente, coupe un chemin horizontal, continue droit. Suivre les points orange. 200 m plus haut, faire un détour sur la droite pour se rapprocher d’une falaise (gros if + croix rouge sur fond blanc). Le sentier remonte alors une zone d’éboulis de calibre 50 cm qui ont été écartés sur les côtés pour aménager la trace (quel boulot !).
Après quelques épingles, le sentier part nettement vers la droite (ouest) : on passe au pied de belles falaises (les premières). Au niveau d’un petit éperon, faire 4 lacets courts pour rejoindre encore une falaise, puis continuer toujours vers la droite.
Vers l’altitude 960 m, se présente un promontoire donnant une vue (limitée par les feuillages) sur la vallée, et en particulier sur la carrière qui fait tant de bruit (sauf les dimanches, je suppose).
Juste au-dessus de ce promontoire, le sentier change de direction et repart vers la gauche (est). Il rejoint le pied d’une nouvelle falaise (photo d’accroche de ce topo). Au bout de la traversée, on atteint la « grande ravine », celle de la combe de l’Estillère, à l’altitude 1035 m.
Ce passage est vraiment impressionnant, et demande de rassembler ses esprits pour s’y engager.
Descendre 10 m pour rejoindre le fond caillouteux du ravin (petit névé), et continuer de descendre 15 m sur un gradin rocheux : on est arrivé au point le plus bas possible. Remonter le gradin d’en face sur 10 m, pour s’engager dans une courte cheminée (3 m, mains utiles, mais ce n’est pas de l’escalade) et sortir à gauche sur un rocher blanc pointu (10 m).
A partir de là, ce sont des éboulis de terre dure, mais raisonnablement pentus.
Monter 20-30 m sur cet éboulis (reste de névé sur la droite), traverser à gauche 30 m pour atteindre la zone du second ravin (2 escaliers rocheux à descendre). Remonter 10-15 m sur un second éboulis. Sortir de ce ravin à l’horizontale, à travers un fouillis de branchages abattus par les avalanches.
En principe, vous devez retrouver les marques rouges et le sentier à ce niveau.
Continuer la traversée à gauche jusqu’à butter contre une nouvelle falaise (40-50 m).
Contourner cette falaise par un détour à droite, d’abord en longeant son rocher, puis en retrouvant un éperon dégagé de végétation bordant la précédente ravine, puis repartant vers la gauche au niveau d’un cairn (20-30 m).
Arriver à un balcon herbeux au pied d’une falaise : le traverser vers la gauche (10 m), puis descendre en diagonale (15 m) pour retrouver une zone où le sentier continue de façon plus horizontale.
Plusieurs autres passages magnifiques en pied de falaise ; un passage en balcon au milieu de deux dalles rocheuses.
Puis la trace se met à monter franchement, dans une zone raide et peu plaisante, pour atteindre la deuxième ravine (celle sans nom, avant la combe Chave).
Rester en rive gauche, et arriver à toucher la falaise qui forme un ressaut rocheux.
Chercher le point faible qui se trouve une dizaine de mètres sur la droite. Remonter ce passage raide, traverser à gauche sur une très étroite marche (1 mètre aérien, mais facile). En quelques épingles, le sentier franchit le ressaut (50 m environ).
NB : On trouve là, sur un sapin, une pancarte clouée qui comporte l’inscription « Sentier de Cornillon » en superbes lettres cursives, agrémentée de 2 flèches rouges donnant les directions. Une année est également inscrite : « 1958 » !
Peu au-dessus (20 m), le sentier traverse la ravine et file horizontalement vers l’est (à suivre : passages magnifiques).
On arrive à la combe Chave : une raide descente de 15 mètres sur une rampe mi-terre mi-rocher permet d’atteindre le fond de la ravine (une racine sert de rampe à main gauche, ce qui facilite bien la tâche). Facile traversée de la combe Chave.
Après une partie plane, contourner un énorme bloc rocheux (10 mètres de haut) par la gauche, et traverser vers la droite en-dessous de lui.
Juste après se présente un obstacle sérieux : c’est encore une ravine, mais toute de terre celle-là. La trace descend en diagonale jusqu’à atteindre un arbre (20 m). Il reste une dizaine de mètres à franchir horizontalement : prévoir un piolet pour tailler des encoches pour les chaussures (un bâton rigide est fort utile également).
Une fois la ravine franchie, descendre sur le raide talus de la rive droite pour rejoindre la suite du sentier horizontal (15 m).
Ensuite se succèdent différents passages (éboulis, remontée courte, terrasse boisée…). Rester très vigilant ; ne jamais faire plus de trente mètres sans voir une marque rouge ou orange (sinon, revenir en arrière et recommencer !).
Après une falaise où se trouve une inscription ténue (« ART 8 » et des chiffres illisibles), il faut traverser horizontalement un pierrier (environ 50 m) dans lequel la trace se devine malgré tout (marque orange visible sur un arbre en sortie).
On arrive dans une sorte de vallon : falaise à droite et butte rocheuse à gauche (côté vallée). Suivre ce vallon par son fond à plat. Passer sous un premier gros arbre abattu. Commencer la remontée, puis contourner un autre gros bloc rocheux (5 m de haut) par la gauche. Se glisser sous un groupe d’arbres abattus horizontalement. Continuer le fond du vallon en remontant pour arriver à l’abri de Cornillon (environ 250 m).
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Compte-rendu de la sortie :
Je ne sais pas bien comment expliquer les sentiments qui me restent de cette sortie, car ils sont un mélange de plaisir et de crainte, un mélange d’envie et de rejet. Il y avait dans cette balade une opposition entre la sérénité fournie par la maîtrise technique dont je me sentais capable, d’une part ; et la conscience de plus en plus prégnante d’un danger fort à m’engager plus avant dans ce sévère versant du Gros Cornillon.
Je me doutais bien que venir reconnaître ce sentier allait être un peu audacieux, et que les précautions de base devaient être respectées. Mais je me suis retrouvé embringué dans une affaire plus que sérieuse, dont le niveau d’engagement m’a poussé bien loin dans mes capacités. Et même vingt-quatre heures après, les vibrations de ce choc ne sont encore pas complètement absorbées.
Décidément, ce Cornillon, sur lequel j’ai choisi de faire mon programme de balades depuis le mois de novembre passé, me joue des tours à sa façon, et repousse les tentatives avec une forme de brutalité qui laisse pantois.
Le choix de cette montagne a été inspiré parce que j’ai intuité que c’était une montagne « solitaire ». Très peu d’écrits ressortaient vraiment à son sujet. Et tout cela était séduisant.
La première rencontre, en novembre 2021, fut d’ailleurs une magnifique réussite qui laissa présager bien des plaisirs futurs. Au mois de mars 2022, les approches suivantes confirmèrent les espoirs qui se fondaient sur elle.
Ce n’est que fin mars, lors de l’approche par l’éperon nord-est, que les choses se sont compliquées.
Oui, cet éperon, qui a si belle allure, est en fait un sérieux morceau. La raideur de ses pentes, sa composition en gneiss, ses forêts immenses, en faisaient un terrain d’exploration bien différent du Vercors familier ou du Dévoluy aux larges espaces ouverts, tous deux en rocher calcaire. Ici, à cette pointe nord du massif du Taillefer, les choses ne sont pas pareilles.
Toujours en quête de cheminements en dehors des sentiers battus, m’incluant dans un groupe qu’un certain rédacteur avait dénommé « les explorateurs de proximité », je me suis dit que le Cornillon avait des sentiers anciens - dont quelques-uns étaient même supprimés des cartes - et qu’il pouvait être intéressant d’en faire les parcours.
Ce raisonnement tenait la route, oui.
Sauf que si les sentiers ne sont plus sur les cartes, c’est qu’il y a peut-être une bonne explication à cela.
Ce fut la leçon d’hier, dans le versant nord du Gros Cornillon.
L’exploration d’un sentier qui a perdu sa fréquentation commence comme un jeu : celui de retrouver la trace, et les éventuelles marques de peinture, laissées sur les arbres et les rochers.
C’est amusant.
On s’arrête ; on fouille dans la forêt pour voir où sont les arbres porteurs de la peinture vieillie ; on regarde la conformation du terrain pour tâcher d’intuiter où se passe la suite ; et on se régale – après coup - d’avoir bien « senti venir le vent » en constatant que l’on est toujours sur la trace.
Cette trace, si peu fréquentée, que des dizaines de branches en ont barré le cheminement ; que des centaines de cailloux ont baroulé jusqu’au milieu de son passage ; ou que des éboulis l’en ont carrément recouverte.
Cette trace que je nettoie, aujourd’hui, de toutes ces entraves que le temps et la solitude lui ont infligées.
J’adopte ce comportement comme une évidence. Et puis aussi parce qu’il est un peu temps de participer à l’entretien de ces sentiers - en l’occurrence au maintien en vie de celui d’aujourd’hui - de ces sentiers dont j’ai parcouru tant et tant d’entre eux depuis plus d’un demi-siècle. Oui, je me dis que je peux bien faire cela, maintenant, les nettoyer ; un peu comme un retour des choses, peut-être même comme un « remboursement » de tout ce dont ma jeunesse (et au-delà) a profité du fait de leur existence, une facilité dont je n’avais pas vraiment conscience alors.
Les anciens ont fabriqué ces chemins. Je me dis que je peux essayer de les prolonger. Si possible…
Un jeu, disais-je.
Oui, mais un jeu dont la règle évolue, au fur et à mesure de la montée.
D’abord il y a la ravine : la combe de l’Estillère.
Avec cet obstacle, le jeu devient plus amer. Il faut devenir sérieux, prudent, réfléchi, et du coup ce jeu devient quelque chose qui n’est plus un jeu. Cela devient un exercice, délicat, presque périlleux. Le sourire s’efface du visage et les yeux deviennent plus perçants.
Passer cet obstacle, c’est une porte qui commence à s’entre-refermer derrière soi. L’esprit intègre qu’il faudra être capable de ressortir par-là, au retour. Et que donc le niveau des précautions doit augmenter.
Guère plus haut, l’enchevêtrement des falaises oblige à des zigzags pour se faufiler entre les difficultés en en trouvant les bons points faibles. Il s’agit surtout de bien mémoriser ces évolutions, qui semblent erratiques, pour que le retour ne pose pas de problème : la trace est menue, visible par portions seulement, et tout ceci ressemble de plus en plus à un labyrinthe.
Diable, diable…
Et ce que je craignais finit par arriver : j’ai perdu les marques rouges !
Je ne sais plus où est la trace devant moi.
Derrière moi, je sais où elle est. Mais plus devant.
Pivotant sur place, je fouille tous les arbres dans cette forêt. Mais ne vois rien. Pas de marque rouge.
Hésitant sur la conduite à tenir, je réfléchis, fais quelques pas en arrière, puis reviens au point maximum atteint. Mais non : pas de marques. Je ne sais pas où est la suite. Une tentative sur la gauche avère ne mener nulle part.
Tâchant d’intuiter la logique du terrain, je commence alors à monter sur la droite, pour éviter la falaise contre laquelle butte la trace. Puis, en haut, je tourne vers la gauche à nouveau, car c’est cela la direction principale à suivre. Cela mène sur un replat, qui incite à poursuivre. Toujours aucune marque. Voulant continuer, il devient obligatoire de prendre des repères avant d’aller plus loin. Voyant ce très gros sapin blanc abattu, c’est un vrai repère distinctif. Je le note en mémoire, pour savoir trouver mon retour. Et continue timidement, à l’horizontale.
Quelques décamètres filent facilement : la forêt est assez ouverte et le sous-bois très facile. Mais la pente est raide, et le moindre obstacle ou accentuation de la pente sera vraiment bloquant. Il est évident que j’ai perdu le bon passage.
Cela fait maintenant environ deux cents mètres que j’ai quitté le sentier. Je refais mentalement le parcours pour vérifier si je m’en souviens suffisamment. Dans ce versant, très raide par endroits, 300 mètres au-dessus de la vallée et entrecoupé de nombreuses falaises, il est hors de question de ne pas reprendre la bonne trace. Tout tentative de descendre en dehors est suicidaire…
Je tente encore quelques mètres devant, pour tourner cet éperon. Mais je ne vois rien de plus que cette forêt immense, pentue, vierge. La sensation d’être petit, minuscule m’envahit.
Et il est hors de question de se faire mal, ici.
La moindre foulure de cheville, ou entorse de genou, et ce serait quasi la catastrophe.
Bien sûr j’ai laissé chez moi un tracé précis d’où je me trouve, avec des explications complémentaires. Mais ce sentier n’est plus parcouru. Depuis longtemps probablement. Personne ne doit plus en connaître les subtilités, et une recherche de blessé dans de tels lieux serait une folie. Ne parlons pas d’hélitreuillage : les arbres en empêcheraient toute envie.
J’arrête cette tentative, fais demi-tour et, calmement, reprends la marche en arrière, passant par les repères enregistrés quelques minutes plus tôt. Le gros sapin blanc abattu est rassurant : grâce à lui, je sais où je me trouve. Sinon, tous les arbres sont identiques…
Encore un zigzag, sous la falaise.
Et voilà la dernière marque rouge connue, enfin !
Je respire.
Il est encore tôt dans la journée.
Je n’ai pas envie de renoncer si vite à la recherche, et me dis que si par la droite cela n’a pas passé, c’est donc que c’est par la gauche qu’il faut aller.
Reprenant le passage déjà tenté tout à l’heure, qui m’avait paru la logique première, je tombe nez-à-nez avec une marque rouge sur un tronc !
Bon sang, la peinture était tellement vieillie, devenue rouge sombre, sur une écorce foncée elle aussi, et le tout à contre-jour, que cela m’avait empêché de voir ce repère lors du premier passage ! Quelle ruse…
Quelle ruse !
Il faut être attentif à tout, en permanence.
Rassuré, et remis sur le bon chemin, la trace file horizontalement et facilement. Là c’est du plaisir, vraiment.
Une grosse racine sert ici de marchepied pour franchir une dalle lisse.
Un trottoir rocheux permet là de traverser une autre dalle toute moussue.
Les astuces de ce cheminement sont fantastiques !
Les marques rouges sont toujours présentes, mais de plus en plus faibles.
Maintenant, la deuxième ravine se devine là-devant, à travers les feuillages. Il faut gravir un talus fort pentu pour accrocher le point faible de cette nouvelle zone rocheuse. Ce n’est pas réjouissant car les feuilles mortes posées au sol rendent le passage très exposé. Moyennant de creuser un peu la terre, pour poser les chaussures, cela passe.
La ravine est courte, et son franchissement se fait sans difficulté, malgré les arbustes maltraités par les avalanches. Sauf que de l’autre côté, il y a beaucoup de roches, et peu de passage logique. De plus, même en auscultant précisément les arbres, aucune marque ne se fait voir…
Cela se complique à nouveau, mais pour cause de terrain vraiment acrobatique cette fois.
Une tentative vers le haut s’avère infructueuse. La redescente est d’ailleurs délicate, à moitié sur les fesses, piolet ancré dans les mousses épaisses…
Il faut me rendre à l’évidence : le « jeu » est devenu vraiment inquiétant. Sur cet espace restreint où je peux encore me déplacer un peu, engagé très loin de toute aide possible, dans ce versant forestier immense et difficile, le raisonnable a disparu. Tout va devenir déraisonnable si je continue, et peut-être même folie…
Là, il faut renoncer.
Cette décision est un vrai soulagement.
Même si ce retour n’est pas gagné d’avance. Et s’il va nécessiter bien des prudences, je sais que je peux m’en sortir correctement. A condition de rester concentré.
Aujourd’hui, il fait grand beau temps, avec tout le soleil souhaitable. Je n’ose penser à ce qu’il en serait, ici, en conditions humides, voire de pluie. Il faudrait s’arrêter sur place, et attendre…
Le retour se fait bien.
La trace est finalement assez bonne, toute proportion gardée, et je tâche de la perfectionner en la rendant mieux visible.
Voici la grande ravine de l’Estillère.
Tout est à l’ombre maintenant, alors que ce matin le terrain était bien ensoleillé. Je m’arrête pour observer la descente à faire : elle se présente assez bien, en fait. La terre est dure mais pas trop encore. Les semelles accrochent bien. Sur les rochers mis à nu, rabotés qu’ils sont par les avalanches, et une fois les cailloutis enlevés, tout est très solide et la confiance revient rapidement. Cette descente est finalement facile, et je suis surpris d’y prendre plaisir. Sans perdre de temps, je m’extirpe de ce passage après avoir malgré tout osé faire une photo juste à l’aplomb de la goulotte principale…
Il est deux heures-et-demi de l’après-midi et je réalise tout à coup n’avoir pas fait de pause pour manger !
Il faut croire que l’esprit était occupé à autre chose qu’à se restaurer.
Assis à l’abri de tout danger, en bordure de la ravine, le saucisson est mordu à belle dent. A partir d’ici, plus de risque, tout est facile, et le chemin me mènera jusqu’à la voiture sans embuche. C’est le moment de profiter de ce calme revenu.
Ces lieux sont fantastiques.
Une forêt laissée à son propre cours ; une roche volcanique solide, compacte, quasi verticale ; un versant immense. Et une trace que j’essaye de faire revivre, mais dont je comprends bien que sa difficulté intrinsèque empêchera qu’elle soit beaucoup fréquentée. Quel dommage…
Je rentre chez moi, fatigué, et incertain quant au fait de revenir.
Peut-être si, en partant du haut, de l’abri de Cornillon ???
Il faudrait alors tenter de parvenir à la ravine où s’est fait le « stop » d’aujourd’hui, dans l’espoir de faire la jonction… ???
Va savoir.
Auteur : François Lannes
Avis et commentaires
Bonsoir hereme,
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C’est bien vrai que j’ai vécu cette traversée de façon intense, car je n’en connaissais rien à l’avance, et que je trouvais ce passage impressionnant à voir avant d’y aller. Mon compte-rendu restitue je pense bien l’état d’esprit instantané.
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Tolutefois, et avec un peu de recul, il me semble que ce passage n’est pas si difficile que cela, et qu’en tout cas il n’a rien "d’héroïque" comme tu l’écris.
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Je pense que cela vaut quand même le coup que quelqu’un aille voir sur place, avec d’autres yeux que les miens, pour savoir ce qu’il faut en penser. Parce que quand on a les informations sur comment il faut s’y prendre, cela doit aller bien mieux.
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Et effectivement je suis persuadé que c’est bien le passage original du chemin, car de toute façon il n’y a pas d’autre moyen de traverser que là. Et que de plus, Goupil (sur Bivouak - voir le lien dans la sortie du 06 juin) qui a fait ce sentier en 2004 (à une époque où la trace était bien marquée au sol), raconte son souvenir d’un passage qui est très concordant avec celui que je décris.
Salut François. Ta traversée de la combe de l’Estillère à l’air bien "héroïque", cela ne devait être guère mieux il y a 50 ans. As-tu une idée du tracé original du sentier, s’il était différent ?
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