Sortie du 6 juin 2022 par François Lannes Le Gros Cornillon (1560m), par le versant nord
Lors de la première tentative sur ce sentier, en partant du bas, je n'avais pas pu en arriver au bout. Il fallait aujourd'hui essayer une autre méthode : en partant du haut, de l'abri de Cornillon. La jonction pourra-t-elle réussir ?? Je n'en avais aucune certitude, au départ du matin.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Temps sec, avec plafond nuageux à 2400 m le matin.
Grand beau temps l’après-midi.
Récit de la sortie
De la plaine de la Romanche, au point « kilomètre 40 », commence un sentier qui monte dans le versant nord du Gros Cornillon, et qui finit 500 mètres plus haut à l’abri de Cornillon, sur l’éperon nord-est. Ce sentier n’est plus tracé sur le Géoportail et est devenu aujourd’hui entouré de mystère : c’est un sentier laissé à l’oubli, dans une forêt prête à l’effacer.
Le versant nord du Gros Cornillon est à prendre très au sérieux, car il est raide, forestier (c’est-à-dire n’offrant pas de perspective visuelle permettant de se repérer), rocheux (avec ses nombreuses falaises étagées formant comme un labyrinthe dans lequel il ne faut pas se fourvoyer) et entrecoupé de ravines (soit terreuses, soit rocheuses, ce qui dans les deux cas impose des acrobaties bien délicates).
Suite à la tentative faite par le bas, fin avril, et qui avait été bloquée contre l’une de ces ravines, il fallait s’y prendre autrement pour en réussir le parcours complet. Pour faire la jonction entre cette ravine - où s’était stoppée la montée en question - et l’abri de Cornillon, j’allais cette fois partir d’en haut. Sur la carte il ne s’agissait que de quelques 800 mètres à parcourir, qui plus est à peu près horizontaux. Cela ne paraissait pas une difficulté insurmontable en soi, mais sur ce terrain si délicat, voire complexe, qu’allait-il en être de ce sentier oublié ?
La première sortie m’avait fort impressionné.
Et les quelques semaines qui venaient de passer depuis lors avaient été vraiment nécessaires pour retrouver suffisamment l’envie de repartir ainsi. Je m’étais aussi préparé « au pire », c’est-à-dire à ne pas réussir à franchir ces 800 m. A devoir renoncer…
Dans une discussion menée sur le site Bivouak.net, Goupil me donnait les détails de son parcours, fait en juin 2004 ! A cette époque les conditions du sentier semblaient bien différentes, en mieux. Mais depuis lors, aucun autre compte-rendu n’a été fourni permettant de comprendre ce qu’il en est réellement. Et seuls les chasseurs du secteur pourraient le savoir, probablement.
Au départ de l’abri de Cornillon, le sentier - tout du moins ce qui laisse penser que l’ancienne trace est là, sous ces paquets de feuilles mortes - commence par descendre dans un petit vallon. J’avais repéré là un arbre avec une marque de peinture orange, et l’y retrouve rapidement. C’est donc la bonne direction. Peu plus bas un ensemble de quatre troncs d’arbre, ressemblant à des hêtres mais à l’écorce blanchâtre comme celle des bouleaux, a été « balancé » au sol par une violence de la nature. Il coupe le passage et oblige à passer par-dessus ces troncs en une première acrobatie. Cela commence bien… !
Plus loin, un éboulis aux pierres toutes moussues, barre le versant. Il y a une cinquantaine de mètres à traverser. Le cheminement et le marquage ne se voient plus dans un tel fouillis de cailloux d’où les arbres ont disparu ne laissant que des végétations basses ; certains de ces cailloux branlent quand on pose le pied, ce qui est surprenant. Il faut traverser à l’estime, horizontalement, en espérant que de l’autre côté on pourra retrouver les peintures rouges ou orangées.
C’est heureusement le cas, car une falaise impose de continuer à un seul endroit, à son pied, et pas ailleurs : la trace est retrouvée là, donc.
Ce que furent la suite des pérégrinations dans ce versant est confus dans mon esprit.
J’étais tellement concentré, préoccupé à guetter le moindre indice au sol, ou sur les arbres, permettant de continuer la progression, qu’en fait j’en ai perdu la structure globale du parcours. Tous les trente à quarante mètres, de nouveaux contextes de passage se présentaient – là un arbre en travers, ici un bloc rocheux à contourner, ou encore une ravine ou un couloir étroit à remonter, un pierrier à descendre – tant de passages différents qui multipliaient les repères à noter et dont je n’ai pas su enregistrer la totalité de la trame.
C’est au retour que j’ai constaté cette difficulté car, ne retrouvant pas les souvenirs, les inquiétudes me tenaillaient. Et, si ce n’avait été par la trace tenue que je suivais, peut-être n’aurais-je pas su revenir à l’abri de Cornillon… ???
Et, aujourd’hui, à la maison, il ne reste en mémoire qu’un ensemble d’images ponctuelles, dont le positionnement dans le parcours n’est pas clair. Seul l’horodatage des photos faites au fur et à mesure constitue un canevas solide permettant de démêler cet imbroglio de souvenirs.
J’arrive sur une ravine. Celle-là est terreuse ! Elle est en forme de cône, se resserrant vers le bas, et finit en sautant une barre rocheuse haute de quelques mètres… Un véritable toboggan !
Le sentier est ici inexistant, emporté qu’il fut lors des orages successifs. Il faut donc tailler des marches dans la terre si l’on veut traverser. J’ai pris le piolet dans cette éventualité, mais l’idée de l’utiliser maintenant, pour traverser l’obstacle, me fait froid dans le dos.
Observant cette terre, piolet en main, je tâte le terrain des yeux et cherche où creuser astucieusement les marches. Dans la partie basse du cône, il y a cinq mètres à franchir. Cela fait environ huit encoches à faire. Je me risque sur les trois premiers pas, teste la fiabilité du sol… ???
Puis recule rapidement, trop impressionné par l’ambiance.
Revenu sur la rive de départ de la ravine, je remarque des traces de montée le long de cette rive. Comprenant qu’une possibilité de franchissement moins dangereux pourrait se présenter dix mètres plus haut, je la remonte, et parviens à hauteur du potentiel passage.
Bof…
Cela n’a pas l’air d’être mieux.
La pente est toujours la même, il y a non plus cinq mètres à franchir, mais plutôt une dizaine. Le seul avantage est qu’on se trouve un peu plus loin du bas du cône et de son saut de barre. Là encore je tente timidement de tailler quelques marches mais n’insiste pas longtemps.
L’obstacle est rude.
Il faut un peu de temps afin que l’esprit en prenne la mesure, et s’accoutume à l’ambiance.
Je recommence, en bas. En creusant plus profondément la terre, les deux pieds trouvent leur place côte-à-côte sur l’encoche. Stabilisé par le bâton de ski, je taille l’encoche suivante. Il ne reste plus que deux pas à faire. Visualisant la trajectoire à suivre pour atteindre le replat rocheux de la rive en face, je me lance, et d’un appui intermédiaire léger, franchis le dernier mètre.
Ouf !
Tout va bien.
Debout sur le bloc rocheux, j’ai le sentiment de m’être jeté sur une île, et d’avoir coupé les ponts…
Il ne reste qu’une chose à faire dans ces cas-là : revenir en arrière de suite et me prouver que je ne suis pas bloqué ici.
La manœuvre réussit, sans risque majeur.
Dans un de ses récits, relatant un parcours au-dessus de Livet, à peu de kilomètres de distance d’ici dans le versant nord du Grand Galbert, Michel Pila racontait avoir dû franchir des ravines dangereuses car la plateforme du sentier avait été emportée, aussi, et suggérait de prendre un piolet avec soi. Saine lecture que j’ai faite ce jour-là !
Nota : au retour, je constaterai que le franchissement par le passage dix mètres au-dessus est bien plus commode que celui d’en bas que j’ai emprunté. A bon entendeur !
La combe Chave, qui fait suite peu après se traverse sans aucune difficulté : un vrai plaisir. Et il en est de même pour la troisième ravine, celle sans nom contre laquelle s’était terminée la sortie de fin avril.
Cette fois-ci je suis arrivé par le haut, au sommet d’un ressaut rocheux d’une vingtaine de mètres. Je reconnais en-dessous les terrasses caillouteuses sur lesquelles j’étais parvenu venant du bas.
Après plusieurs recherches, il y a trois façons de descendre ce ressaut rocheux : deux moins bonnes, par la ravine elle-même ; et une bonne, par le sentier proprement dit qui, utilisant une ruse du terrain, contourne facilement l’obstacle en rive gauche, moyennant un seul pas aérien mais non difficile.
C’est l’heure d’un casse-croûte bien mérité, face à l’énorme versant sud du massif de Belledonne regroupant des sommets majeurs : pic de Mirebel, la Grande Lauzière, pic du Grand Doménon, le Grand Charnier, Grande Lance d’Allemont, tous cinq entourant la Grande Vaudaine et son ruisseau de Bâton finissant en une colossale cascade… !
Je me régale de ce spectacle dont je ne suis pas habitué.
Sur les anciennes cartes Didier Richard, un tracé en pointillés bleus est indiqué qui prolonge ce sentier, et qui monte dans le versant nord en direction de la cime. Je voulais trouver le départ de ce tracé, mais ne suis pas arrivé à le détecter. L’heure tourne. La fatigue pointe. Ce n’est pas aujourd’hui que cette recherche pourra être lancée. Il faut rentrer maintenant…
Qu’écrire de ce retour, si ce n’est qu’il fut prudent, attentif à ne pas perdre la trace, et ébloui par la beauté de cette forêt.
Cette forêt dont les arbres, depuis longtemps – peut-être depuis toujours – n’ont fait l’objet d’aucune coupe par les bûcherons. Certains de ces arbres sont d’ailleurs très gros, plus gros que ceux que l’on peut voir d’habitude dans d’autres forêts. Également, ces gros spécimens sont nombreux ici, malgré les conditions rudes du climat et des sols. Ils sont haut dressés, parfois à plus de vingt mètres du parterre, d’un fut rectiligne et magnifique. La puissance de leur âge s’impose, sans savoir exactement de combien de centaines il s’agit… ???
Parcourir ces lieux - au-delà de l’aventure qu’ils permettent – provoque, oui, une forme d’envoûtement qui revoie vers l’origine des temps…
Et dont on sent bien qu’ils nous attireront encore.
Et encore…
Photos
Auteur : François Lannes
Avis et commentaires
OK les couleurs n’apparaissent pas bien sur mon écran. Ça doit être du bleu délavé plutôt que du noir alors. C’est plus logique !
Bonjour Yann,
Tu as bien raison : sur la vieille Didier Richard, il y a des pointillés noirs qui remontent le versant par la ligne de plus grande pente. Ce ne sont forcement pas des sentiers, ni des reliques d’exploitations forestières émais bien plutôt l’indication des ravines et leurs tracés.
Je peux te dire que ces lignes, droit dans la pente, ne sont pas praticables à pied. Il y a des ressauts rocheux hauts de plusieurs mètres et il n’est pas possible de descendre par-là, sauf avec des rappels !
Sur Géoportail, ces mêmes lignes sont imprimées en bleu pour bien signifier qu’il s’agit là de lignes d’eau (temporaires, évidemment).
C’est moi ou sur l’ancienne carte (dont il doit rester un exemplaire quelque part dans la maison de mes parents, en tout cas je l’ai déjà eu entre les mains faut que je la retrouve...), il semble y avoir des sentes pleines pentes du bas jusqu’en haut ? Reliques d’exploitations forestières ?
Quelle épopée ! Et sans aller bien loin en plus....
Merci pour le partage !
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