L’arche de Baumugne

Difficulté :
Difficile
Dénivelé :
80m
Durée :
1h

Si l'inventaire des arches rocheuses s'est beaucoup étoffé dans les massifs du Vercors, de la Chartreuse et du Dévoluy, au cours des 15 dernières années, rien n'avait été documenté dans le Bochaine jusqu'à maintenant. Avec l'arche de Baumugne, vous allez découvrir une œuvre naturelle dont l'esthétique n'est surpassée que par l'extrême discrétion dont elle s'est drapée. – Auteur :

Accès

Emprunter la route D 1075 de Grenoble en direction de Veynes. Après avoir dépassé le col de la Croix-Haute, continuer vers le sud jusqu’à Saint-Julien-en-Beauchêne.

Faire encore environ 2 km vers le sud, et dans la grande ligne droite, tourner à gauche en enjambant le Buëch pour monter au hameau de Baumugne par une petite et raide route goudronnée.

Dépasser la chapelle sise à l’entrée du hameau. Continuer environ 300 m pour garer la voiture sur la droite, à côté d’engins agricoles (parking non officiel, et bien veiller à vous en faire confirmer la possibilité par un habitant des lieux, car cela pourrait engendrer des problèmes sinon : nous arrivons chez eux).

Précisions sur la difficulté

Très courte randonnée, mais sur un raide sentier au milieu de buis et d’une végétation déjà méditerranéenne, basse et dense.
Une main-courante en corde est installée.
La descente pour aller jusqu’à l’échelle métallique est difficile, malgré l’utilisation de cette corde (ce n’est plus de la randonnée).
Chute interdite.

Les infos essentielles

  • Carte IGN : TOP 25 - 3338 OT Serres - Veynes Haut Buëch - Bochaine
  • Altitude minimale : 1020 m
  • Altitude maximale : 1100 m
  • Distance : environ 1 km
  • Horaires : comptez entre 30 min. et 1 h
  • Balisage : aucun
  • Toponymie : voir paragraphe en fin du récit
Voir la carte en plus grand

Chargement de la carte en cours

Itinéraire

Depuis le "Parking non officiel" à côté du hameau, monter 100 m sur la piste, pour dépasser les maisons et arriver au premier champ, sur la gauche.

Suivre la limite de ce champ (ne pas marcher sur les cultures !) une bonne cinquantaine de mètres et rejoindre un bout de sentier (encombré de végétations basses et piquantes !).

Tourner à droite et suivre le sentier.
Un panneau indicateur en bois donne la direction (à gauche).
Monter ce sentier sous les buis.

Il devient raide.
Puis la main-courante fait son apparition (elle est utile). En 20 minutes, on arrive sur un promontoire qui domine l’arche.

Avancer encore quelques mètres pour amorcer la redescente (toujours longer et tenir la corde). Une descente de 20 mètres donne accès au point le plus proche possible de l’arche, en restant, par dessus elle.

Une échelle métallique permet de monter sur une pointe rocheuse très aérienne (je ne l’ai pas fait : trop dangereux avec de la neige....

L’accès sous l’arche n’est pas possible sans corde, et se ferait de toute façon au milieu d’une végétation nombreuse.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que cette arche surplombe directement des habitations du hameau, et que toute pierre qui viendrait à tomber est proprement un danger. La moindre des corrections est donc de s’interdire toute erreur au-dessus de maisons et d’habitants

Récit de la première fois :

En fouillant la carte, sur Géoportail, je tombais un soir sur un nom de lieu-dit ; "Baumugne". Ce nom évoquait un souvenir précis qui me fit sauter de joie. Il s’agissait du titre d’un roman de Jean Giono, lu trois ou quatre ans auparavant, intitulé : "Un de Baumugnes".

Le livre racontait une histoire simple, d’amitié, et d’amour aussi.
Cette histoire situe l’action dans la vallée de la Durance. Mais elle fait aussi apparaître ce village, d’où vient le personnage phare, village qui est Baumugnes. Giono le décrit avec des phrases emplies de poésie, mais le décrit aussi comme étant très loin de tout, là-haut sur la montagne, loin des autres hommes car ses premiers habitants étaient des proscrits.

Rien dans le récit de Giono ne permettait de situer précisément le lieu du village, et mes relectures pour comprendre où il se trouverait étaient restées infructueuses.
Aussi, lorsque Géoportail me montrait un lieu portant ce nom-là, en étais-je tout ému, et déjà en joie. Forcement rendez-vous fut pris pour aller enfin visiter Baumugne !

L’occasion d’y aller ne vint qu’en ce début d’hiver 2020-2021.
Une envie de voir un fond de vallon que je ne connaissais pas m’amena à Baumugne.
En fait de village, il s’agit de plus petit que cela : Baumugne, c’est un hameau, un tout petit hameau. Quatre ou cinq maisons se dressent ici, adossées au flanc du vallon, exposées au sud pour profiter du soleil. Une chapelle accueille les visiteurs, dès l’entrée. Puis la route - petite, mais quand même goudronnée - s’arrête là. C’est une fin de civilisation, ici.

L’histoire récente informe que, dans une grotte de la falaise derrière les maisons, ont vécu trois femmes, de façon troglodytique. En effet, le lieu était connu, au début des années 2000, pour être ce que l’on désigne par "une zone blanche", c’est à dire une zone sans aucun rayonnement électromagnétique. Et, dans cette grotte et ses alentours proches, ces trois femmes arrivaient à vivre sans être perturbées. Fin de civilisation a-t-on dit... !

Sauf que, en 2005, a été construit à une dizaine de kilomètres une nouvelle antenne, pour la 4G, et que la vie est alors redevenue difficile : la zone n’était plus "blanche". Ces trois femmes sont allées vivre ailleurs.
Il paraît que, aujourd’hui, se mettrait en place une structure adaptée pour résoudre ce problème de sensibilité électromagnétique, dans l’ancienne chartreuse de Durbon...??

************************

Arrivant au hameau, un 28 décembre après-midi, je faisais des photos du fond de ce vallon. Et ce n’est que lors du demi-tour que « la chose » m’interpella. Dans la falaise dominant les maisons, une zone sombre attirait l’œil. Un coup de jumelle précisa quelques détails, mais rien de bien clair n’était malgré tout compréhensible de suite. N’ayant pas beaucoup de temps, je fis seulement trois photos, puis partis.

30 décembre après-midi : à nouveau sur place.
Le soleil est présent et donne de belles couleurs à ces lieux.
Le trou noir est toujours là ! Alors : arche ou pas arche ?

Cette première fois-là, je n’ai pas trouvé le départ du sentier. Du coup, ce fut une belle bataille que de s’enfoncer dans la végétation dense et drue, telle que ce massif sait en fournir. Dans la pente un peu raide avec des branches en travers, les poumons ont été soumis à rude épreuve. Mais, la chance finissant toujours par arriver aux "audacieux", je finis par tomber sur la trace du sentier, et le souffle retrouva alors un rythme plus normal.

Une corde fit son apparition, comme main-courante au long du sentier.
Pensant cet accessoire superfétatoire pour le bonhomme, il fut un temps négligé. Mais l’âge et la raideur du tracé eurent tôt fait de faire changer d’avis. Et, d’une main ferme et décidée, je me tirais à la ficelle, et finis la montée.

En haut, sur un petit promontoire, la vue sur le trou noir fut possible : il s’agit bien d’une arche que l’on domine d’une dizaine de mètres par le côté gauche. La falaise calcaire, celle que l’on voit depuis le hameau, est en fait une strate placée quasiment à la verticale. A son arrière se trouvait un talus de terre, talus que les ans et les pluies ont érodé, finissant par percer la strate et constituer ainsi l’arche.

La pente sous le promontoire est très raide. Il est impossible de descendre sous l’arche sans s’aider d’une corde. En plus, de nombreux arbres, secs et tortueux, compliqueraient la progression. Ces arbres coupent la vue et empêchent de voir l’arche en plein-cintre. C’est dommage car elle aurait sinon vraiment « de la gueule » !

Depuis le promontoire, la main-courante continue d’abord à l’horizontale, puis à la descente pour atteindre le côté droit de l’arche. Cette descente est acrobatique, les chaussures sont par moments à plat sur le rocher Heureusement qu’il y a cette corde ! Quinze mètres plus bas, butant contre la strate, une terrasse étroite permet un repos. Quelques photos sont possibles qui, hélas, ne rendent pas assez l’aspect spectaculaire de l’architecture.

Devant soi, sur quatre mètres de haut, la strate est un véritable mur. Une échelle métallique a été montée jusqu’ici, a été fixée et, toujours grâce à la corde, permet de se hisser sur la crête de la strate. Là-haut la place doit être exigüe et probablement vertigineuse. Je dis « probablement » car je n’ai pas franchi cette échelle, craignant la mauvaise adhérence sur la neige de la maigre surface sommitale…et le vide sérieux de l’autre côté !

Les dimensions de cette arche n’ont pas pu être mesurées. A vue d’œil, il semble qu’elles puissent être d’au moins 5 mètres de large, et peut-être 8 ou 10 mètres de haut, ce qui en fait un relief de beau gabarit.
Voilà.
La descente fut sans problème et le sentier, pris cette fois jusqu’au bout, me ramena facilement dans le champ du départ.

Remarques :
Je reste surpris de l’équipement en place. C’est un travail bien fait, et très complet. Pourtant le lieu et la balade sont on ne peut plus confidentiels… Les guides du coin ont dû en faire leur pré carré.
Par contre, il est clair que Baumugne est un lieu calme. Très calme. N’allons pas sur place sans modération, sans précautions, car les habitants du hameau auraient tôt fait de bloquer l’accès à l’arche (à n’en pas douter !) et ces lieux retourneraient alors à l’ambiance de proscrits dont Giono avait fait l’origine du village.

A propos d’arches en Bochaine :
Je ne connais pas le secteur en détail. Mais il est facile de repérer une autre arche. Celle-ci se trouve au bord de la route principale, la D1075, au niveau du hameau de la Rochette (côté du hameau), soit 2 km au sud de l’embranchement de Baumugne.
Ici aussi une strate calcaire verticale marque l’endroit d’un sceau très particulier. Cette strate est percée d’une arche, qui servit très probablement à une ancienne voie, que l’on nomme « Ancienne voie royale » de la Rochette.

Réflexions au sujet de la toponymie :

Tout d’abord, précisons que les lieux auxquels nous nous intéressons sont un ensemble de montagnes qui vont du col de la Croix-Haute au nord, jusqu’au Pont-la-Dame au sud, et qui se trouvent de part et d’autre de la vallée centrale, celle du Haut-Buëch.
Un certain nombre d’interrogations se posent quant à l’appellation locale à utiliser entre les noms : Bochaine, Beauchêne, voire Haut-Buëch.
Bochaine viendrait du nom Buëch.

Dans une étude géographique rédigée par madame Suzanne Sauvan, parue dans la Revue de géographie alpine en 1942, il est utilisé le nom de Haut-Bochaine pour tout cet ensemble géographique.

Sur Géoportail par contre, aucune indication de Bochaine. Mais le village principal du secteur s’appelle Saint-Julien-en-Beauchêne.
Beauchêne, variante faisant référence à l’arbre, ne paraît pas trouver de racine linguistique locale. Cela ressemble à une sorte d’invention, moderne, mais manquant d’assise.

Il est également fait usage de Haut-Buëch, terme dans lequel se retrouve la filiation avec la rivière du Grand Buëch. Ce terme pourrait être en rapport avec le développement du tourisme. Son sens est plus explicite que celui de Beauchêne, mais coupe court avec le mot ancien de Bochaine.

Serions-nous dans le cadre d’une opposition des Modernes face aux Anciens ???

Pour compléter, il faut aller lire le site de Maurice Gidon : GeolAlp. C’est le site de référence pour ce qui concerne la géographie, la géologie. Les explications y sont claires : il faut utiliser le mot Bochaine.

Autre chose encore : il faut noter que Jean Giono avait écrit « Baumugnes », avec un « s » à la fin. Un « s » qui ne se retrouve pas sur Géoportail aujourd’hui, ni sur la pancarte signalant l’entrée du hameau. Par ailleurs, cette écriture Baumugnes ne correspond à aucun autre village ou hameau dans la France d’aujourd’hui…
Pour finir, les agriculteurs qui vivent sur place, à Baumugne, ont appelé leur exploitation « la Ferme de Baumugnes ». Et là le « s » réapparaît. Comme pour marquer la filiation avec le récit de l’écrivain….
Je leur poserai la question, si j’en ai l’occasion

En conclusion, et pour ma part, je vais choisir d’écrire et de parler du Bochaine et de Baumugne.

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 30 décembre 2020

Dernière modification : 10 novembre 2024

2 membres ont cette randonnée en favori !

Auteur :

Avis et commentaires

L’IGN n’est pas le seul fautif, les mairies, offices du tourisme, journaux, revues touristiques, ... lui emboitent joyeusement le pas.
Il est vrai que toutes ces bonnes gens se contentent de juxtaposer des syllabes, parfois plus ou moins phonétiquement, sans imaginer que les mots puissent avoir un sens, une histoire,
une étymologie, l’heure étant à l’inculture.

Que dire au sujet du musée Carnavalet, qui vient de supprimer les chiffres romains de certaines de ses collections, au motif que les visiteurs (Français surtout) ne savent pas les lire. Quand j’ai appris à lire les chiffres romains à ma nièce de VIII ans, en X minutes elle les manipulait sans problèmes.
On ne demande pas de savoir que ce jour XX mars MMXXI correspond à Decadi XXX (ou Nonidi XXIX suivant les conversions) Ventôse CCXXIX.

Dans ses dernières éditions IGN prend beaucoup de liberté avec l’orthographe des noms de lieux quand ils ne sont pas carrément modifiés !

Près de chez moi la grange de la Paleu est devenue " maison brûlée" , ceci dit je pense que l’auteur devrait modifier...

Et après le Bochaine devenu le Beauchêne, voilà que ça et là on trouve des BEAUmugne en lieu et place de BaumugneS. Amédée doit se retourner dans sa tombe.

Tout le monde il est BO, tout le monde il est (presque) gentil, aurait dit Jean Yanne.

Chargement en cours Chargement en cours...

Dernières sorties

Retrouvez les récits et photos de randonneurs ayant déjà parcouru cet itinéraire.

Aucune sortie pour le moment. Soyez le premier à en épingler une !

Ces randos pourraient vous intéresser :

Montagne Durbonas (2086m) en boucle par Plate-Bansi, le col (…)

Montagne Durbonas (2086m) par les Escaliers

Toussière (1916m) - Crête sud-est par les Oches