Sortie du 20 novembre 2023 par CourtePatte Pic de Madres (2469m) au départ du col de Jau

Escapade de deux jours dans les Pyrénées Orientales. Hier, j’ai fait l’ascension du Canigou ; aujourd’hui, c’est le tour du Madres.
Mes motivations sont bien différentes. Le Canigou, c’était pour gratter une démangeaison, depuis le temps que je le voyais de partout sur les plaines ou les contreforts du massif. Le Madres, je l’aborde avec gourmandise tant le topo m’avait fait envie.

Je vais être servie.

D’abord, il y a la vieille forêt de pins, à l’ambiance un peu mystérieuse dans l’ombre bleue du petit matin. Les pins sont ici anciens et dignes comme de vieux épicéas, dont ils partagent parfois le port alangui.
L’on chemine dans un enchevêtrement de troncs et de rochers cernés de trous d’eau. Par moments, le sous-bois prend d’étranges airs de bayou, et le balisage n’a rien de superflu pour trouver son chemin dans ce décor compliqué. J’imagine avec un petit frisson ce que serait ce parcours de nuit...

L’on monte, et l’espace s’élargit soudain : me voici à l’entrée de la cuvette qui ferme le vallon de la Castellane. Un vaste herbage où se tortille le torrent, et à l’autre extrémité, hiératique, la dent singulière du Salt del Bourro auprès duquel va s’élever le sentier : je chemine en savourant chaque pas dans ce décor.

Les merveilles ne font que commencer. Voici que mon passage déclenche la fuite éperdue de plusieurs dizaines d’isards qui détalent dans les pentes vers les crêtes du Salt del Bourro. Ils déferlent par salves successives, je n’en ai jamais vu autant, et bien sûr pas un seul ne passera d’assez près pour une photo correcte - ça ne m’empêchera d’ailleurs pas d’essayer.

Je me hisse maintenant vers la crête du Madres, et les merveilles continuent. C’est que le fond du Capcir est comblé d’un épais molleton de nuages. Et par-delà cet édredon, une longue frise de sommets, nets à les toucher dans la lumière limpide : les cimes du massif du Carlit. Tout un pays de sommets bruns et bleus, où traînent parfois des filets de neige, c’est glorieux.

Mais les merveilles ne s’arrêtent pas là ! Je m’avise soudain qu’une grande roue d’oiseaux dérive dans l’espace au-dessus du sommet. Des vautours ! Ils passent et repassent si près de moi que j’entends siffler l’air dans leurs plumes, en un ballet sans cesse renouvelé. Il y a même, pour faire bonne mesure, un couple de gypaètes ; et moi, je suis au spectacle.

Je ne redescends pas sur le col de Jau. Pour que la fête soit complète, il ne me manquait que quelques lacs, et j’ai décidé de repartir par la vallée de Nohèdes. Je passe donc par les crêtes vers le Roc Nègre, ce qui me vaudra de découvrir le petit pas délicat de la descente du ressaut du Clot Tort ("Ah ? Bon...On range les bâtons"). Puis c’est le cap sur le refuge de la Perdrix, le lac de l’Estelat ; après quoi, je me dirige vers l’Estany del Clot, puis c’est la longue redescente à travers la forêt dont les hautes futaies présentent un visage tout différent de celui des pins vénérables de ce matin. J’aurai encore le temps de prendre un petit air des derniers feuillages d’automne avant que la nuit précoce de novembre ne vienne tout engloutir.
Une balade dont j’aurai savouré chaque minute !