Sortie du 19 octobre 2022 par Dyn’s Pointe d’Udine (3019m) et Pointe de Venise (3096m)

Une envie d’une virée en solitaire - celle qui prend aux tripes. Une envie d’une nuit au sommet, de couleurs vespérales, du feu de l’aurore... Une envie de silence, de beau tout simplement...

Faut dire que réunir ces conditions en cette mi-octobre relève de la mission. Le froid en altitude rentre en jeu. Même si je suis équipé pour supporter des nuits à la belle étoile jusqu’à -15, -20°C, je désire profiter d’un bivouac de charme. La Pointe de Venise, bien sûr ! Son abri à l’italienne ne peut que réserver un moment magique...

J’arrive la veille dans la haute vallée du Guil, au fin fond du Queyras, sublimée par les mélèzes en or, l’un des spectacles les plus saisissants de l’automne. Je retrouve mon habituel camp de base. Une nuit au calme assuré m’est devenu primordiale la veille d’une nouvelle aventure. Rien que pour assurer une parfaite préparation.

Départ vers 9h du parking de la Roche Écroulée. Juste un camping-car et une voiture de garés. Je vais être tranquille ! La majeure partie de l’approche jusqu’au belvédère du Viso se déroule sur une longue piste. Après, c’est la remontée des alpages jusqu’au refuge. Ici, dans cette réserve naturelle, il est interdit aux randonneurs de s’écarter des sentiers, mais le piétinement et la tonte des ovins sont autorisés. On marche sur la tête ! On nage en plein délire !

Après le refuge, le cheminement devient plus sauvage. Le sentier n’est pas toujours bien marqué, mais l’itinéraire demeure tellement évident, tant il est balisé de nombreuses marques de peintures. La grosse flèche jaune sur un bloc rocheux au-dessus du lac Porcieroles est une aberration... Elle est énorme ! Ne manque plus que quelques éclairages pour faire clignoter tout ça !

Le couloir du Porc porte bien son nom ! Il faut y aller dans ces éboulis ! Heureusement, c’est bien tracé. J’avais dans mes souvenirs un passage équipé d’échelons. Ce que je découvre en est presque ridicule. Cela passe bien sans !
Le col maintenant. Direction Venise. J’atteins le bivouac après cinq heures d’ascension tranquilles. Il est 14h, j’ai le temps de profiter.
Le loquet qui déverrouille la porte coince en le tirant. Je force un bon coup et il vient s’écraser brutalement contre la butée, un bout de doigt entre les deux ! Je pisse le sang, bien joué ! Un pansement, un coup de ruban adhésif autour, et me voilà sorti d’affaire.
L’abri en tôle est sacrément rudimentaire, deux étroites couchettes, des maigres matelas, un tas de couvertures, mais la terrasse est digne d’un palace infiniment étoilé ! Quelle vue à couper le souffle sur le Viso ! C’est aussi pour lui qu’on est là.

Je tente une première fois le final de la pointe de Venise, me ravise au pied du bastion hésitant quant à la désescalade du ressaut franchement aérien. Je suis absolument seul, n’ai croisé personne à la montée, suis parti sans vraiment prévenir quelqu’un de mon parcours - à part dire « Je vais dans le Queyras... ». Bref, je suis refroidi.
Une heure ou deux passent. Deuxième tentative. Cette fois-ci, j’y vais sans tergiverser et grimpe d’un trait jusqu’à la cime ornée d’une croix tels seuls les italiens en plantent - un vrai délire aussi ! Désescalade prudente sans regarder en bas ! Le ressaut est techniquement facile, les prises sont bonnes, mais il y a du gaz !

Puis vient l’heure où le soleil décline, tôt à cette saison. Avec le Viso flamboyant, le spectacle est d’une indicible beauté...
S’ensuit une veillée à la frontale puis à la bougie avant de rentrer dans le sac de couchage pour une bonne nuit. Le réveil sonne à 7h, les étoiles se sont effacées, mais il fait encore nuit. Puis la ligne d’horizon s’enflamme peu à peu. À l’opposé, une bande rosée dans le ciel se dessine et baisse petit à petit, signe de l’embrasement imminent des cimes. Le soleil s’extirpe de la brume, les couleurs d’abord timides deviennent chaudes. Le tableau de maître prend feu... Instants magiques du lever d’un nouveau jour...

Je fais chauffer un second café le temps de remballer le barda, puis entame la descente sur le col du Couloir du Porc. J’y rencontre un italien, lui revient tout juste de la pointe d’Udine que je m’apprête à gravir. Délesté du gros sac, l’aller-retour au sommet s’exécute rapidement. La descente du couloir s’enchaîne vite également. Je retrouve un terrain plus commode au bord du lac Porcieroles. Pause avant de regagner le refuge du Viso, le belvédère, puis la piste. Un long retour qui permettra d’infuser pleinement cette joie insondable et si particulière, celle d’avoir vécu des moments hors du temps, hors du monde...