Sortie du 20 juillet 2021 par François Lannes Montagne Durbonas (2086m) par le versant ouest et la source de Font-Froide
Lors de la première approche, le 27 mai dernier, par la crête des Roumines, le tracé emprunté faisait un détour assez large au sud, quittant le versant ouest de la montagne Durbonas. D’un point de vue esthétique, ce tracé ne me convenait pas. Il aurait fallu quelque chose de plus direct dans le versant ouest. Le pan de forêt partant du ruisseau de Fréduroux, et montant jusqu’au-dessus de la falaise inférieure, donnant ainsi accès à la traversée dans les pentes d’herbe, semblait offrir cette solution. C’était donc l’objectif de la reconnaissance du jour.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
Pour découvrir la carte, l'itinéraire et les infos détaillées, veuillez consulter le topo de référence
Conditions météo
Temps suffisamment ensoleillé pour sortir dans ce secteur, mais avec un fond d’humidité empêchant d’aller aux pires acrobaties.
Récit de la sortie
.
Mardi 20 juillet :
Une fatigue assez sévère, pendant deux semaines…
De bien nombreuses journées de pluies, parfois orageuses…
Et ce sont plusieurs semaines qui se sont enfuies depuis la première fois !
Je n’ai rien pu faire, seulement d’attendre que la bonne journée revienne.
Lors cette première sortie, faite par les Roumines, il s’était avéré que les sous-bois étaient tout à fait fréquentables. Ils étaient même particulièrement agréables pour certains. Or, ce qui est vrai pour une partie de la forêt pourrait l’être aussi pour d’autres pans de cette forêt. Du coup cela amenait à penser qu’un autre accès au versant ouest de la montagne Durbonas pouvait s’envisager. Cet accès étant plus direct, lui.
La réflexion s’orienta alors, dans le fond du vallon de Baumugne, vers des langues boisées descendant de la vire centrale. Ces langues boisées contournent la falaise inférieure, à raz de celle-ci et à l’extrémité sud de son arc-de-cercle. Bien sûr, ici aussi les pentes sont fortes. Mais si les arbres y poussent, c’est que cela ne doit pas être autant raide qu’on le craint…
Ce nouvel itinéraire se présentait en trois parties successives.
• De Baumugne, il fallait d’abord suivre la piste forestière qui longe le rif du même nom, en rive gauche, jusqu’à sa fin vers 1300 mètres d’altitude. On se trouve là un peu au-dessus du confluent de deux ruisseaux : celui descendant de la source de Font-Froide, et celui plus au sud venant du secteur de Fréduroux.
• De là, en « sautant » dans le lit du ruisseau de Fréduroux – à sec très probablement – et en le remontant, il est possible d’arriver jusqu’au pied du pan de forêt choisi, aux environs de 1500 mètres.
• Ne reste alors plus qu’à entrer en forêt, et à remonter le sous-bois – évidemment facile par hypothèse ! - et à atteindre la vire au-dessus de la falaise.
Je voulais donc vérifier cette possibilité.
Le silence :
Tout en bas du vallon de Baumugne, il y a la route D 1075, celle qui longe le Grand-Buëch. Le trafic y est assez important et les sons de voitures, de camions, parfois d’une moto, parviennent jusqu’aux oreilles du randonneur solitaire.
Heureusement que, en remontant le vallon vers son fond, ces bruits s’estompent progressivement, amortis qu’ils sont par l’épaisseur des arbres et le resserrement des versants.
Au fur et à mesure de la montée, et par paliers successifs, le silence prend toute la place. Et il n’est plus que de profiter des décors, de la végétation - pins, sapins, hêtres -, des animaux – qui sifflent, piaillent, hululent - , et de se laisser saisir par l’humidité de ce fond de vallon où le soleil ne parvient qu’après midi…
La marche réchauffe, elle.
Et le pas régulier, froissant les feuilles au sol, donne le tempo d’une journée qui commence bien.
C’était la première partie du parcours.
Elle fut splendide !
Depuis la fin de la piste, le « saut » dans le ruisseau fut aisé : il était à sec, aujourd’hui…
La remontée dans le lit n’a pas été si compliquée en fait, un peu hachée, parfois, mais globalement bonne.
Après un replat, où l’historique des orages a chamboulé les lieux, commença une nouvelle portion du ruisseau.
Les eaux, ayant mis à nu une strate calcaire lisse et inclinée, ne pouvaient plus se cacher dans le sol : elles courraient à l’air libre sur la dalle. Le problème était que l’inclinaison de la dalle, et l’humidité de l’eau, empêchaient de suivre le fond du lit. Il fallut alors sortir du lit, grimper sur le flanc droit, afin d’éviter l’obstacle, et rester bien prudent pour ne pas aller « se viander » dans cette espèce de toboggan qui - n’en doutons pas – serait alors devenu un rabot taille XXXL !
Se présente ensuite une zone en escalier pour Géants. Les marches de calcaire sont vraiment hautes et l’humidité sur la roche rend l’adhérence des semelles plus que minimaliste. Il faut s’engager une fois encore sur le côté, très terreux. Commence alors ce qui sera la partie « Travaux Publics » de la journée.
Fin de la deuxième partie, moins rigolote que prévue.
Il est temps de quitter le lit du ruisseau et d’attaquer à droite le talus pour atteindre la forêt. Les pluies, pas si anciennes finalement, ont ramolli le sol, et le piolet doit vraiment entrer en fonction.
Ce talus est âpre !
Et si, en plus de la raideur, les branches basses des sapins s’y mettent, obligeant à ramper sous elles, la forêt n’est pas facile à rejoindre tout compte fait. Bref, après un combat salissant, je rentre sous les bois…
Ouf !
Là, comme espéré, le sous-bois est dégagé et facile à parcourir.
Parmi les sapins blancs et les épicéas, se trouvent régulièrement de vieux arbres très gros, morts, dont les troncs ont été percés en moult points par les pics-verts. Usés, abattus, vermoulus, ces troncs sont aussi la marque du temps qui passe, et de la vie qui finit en poussière…
Je suis très impressionné dans ce décor d’une forêt laissée au naturel, et ne vois aucune souche sciée. Certainement oui, aucun bucheron n’est venu faire son travail jusqu’ici, si loin, dans un travers si raide, pour ramener une grume.
Obliquant la montée sur la gauche, pour se rapprocher d’une ravine qui dégage la vue et permet de comprendre quelle est ma position, je vois la falaise trente mètres plus haut. Le passage est bloqué, comme il était à craindre. Cet écueil était anticipé, et la solution potentielle, imaginée.
Le plan consiste à monter le plus haut possible au pied des rochers, puis à traverser sur la droite, espérant que la falaise se dissolve dans le sol au fur et à mesure de cette traversée, et que l’accès à l’étage supérieur se débloque ainsi.
Cauchemar :
Joli plan, en effet !
Mais le terrain est sévère. Terre et roche forment un mélange à la tenue plus que douteuse, et qui se rapproche hélas beaucoup de la verticale.
Par chance, une trace de bêtes se trouve là, qui part horizontalement vers la droite ! C’est le meilleur signe qu’il pouvait y avoir.
Je m’engage sur cette trace. Elle est très étroite. C’est loin d’être une vire. La terre est meuble, parce qu’humide, et donc glissante…
Heureusement de nombreux arbres et branches permettent de se retenir, au prix de quelques contorsions parfois. Arrivé devant un gros sapin qui verrouille le passage, je ne vois plus la trace. Où est-elle partie ?
Un moment perplexe, je finis par lever les yeux. Un amas complètement anarchique de branches de toutes tailles permet de grimper le long du gros sapin, trois mètres environ, et de se rapprocher de la cassure qui indique l’arrivée à l’étage supérieur tant espéré. Il reste moins de dix mètres à faire pour atteindre cet Eldorado.
Les trois mètres « escaladés », je débouche sur le tronc d’un autre gros sapin, mort celui-là, couché horizontalement en travers de la pente, et retenu de tomber par deux autres arbres, heureusement bien solides ceux-là. Ce gros sapin mort forme passerelle sur quatre à cinq mètres de long, passerelle qui m’approche encore de but.
En équilibre précaire, ripant sur ce bois mouillé, m’agrippant aux moignons de branches de ce tronc, je traverse la passerelle…
Il ne reste maintenant plus que quatre autres mètres à monter, cette fois dans la terre, droit vers le haut pour arriver au Graal.
Piolet et bâton, qui avaient été relégués sur le sac depuis la fin de la trace des bêtes, reprennent du service et, après trois photos pour immortaliser ces lieux cauchemardesques, plantant furieusement la pointe du piolet dans ce sol, je m’extirpe du piège, le souffle bien court… !
Ouf ! Quelle bataille !
J’ai eu vraiment chaud…
Et quelle idée saugrenue d’avoir cru trouver un raccourci en passant par ici !
C’est vrai qu’il fallait venir, pour avoir la réponse.
Mais quand même !
C’est là que se terminait la troisième partie de cette tentative d’itinéraire !
Je jurais, honteux et confus, qu’on ne m’y prendrait plus….
Et abandonnais définitivement l’idée de faire de ce chemin le topo du versant ouest !
Forêt de sapins blancs :
La suite fut un vrai plaisir, à comparer.
Ce sous-bois-là, avec les gros sapins blancs, avec le sol d’aiguilles souple, dans une pente redevenue modérée, ce fut vraiment, vraiment agréable.
Au-dessus de la falaise, et en bordure d’elle, les bêtes - les chamois - ont tracé un petit chemin. Je les avais vu le parcourir, lors de la première visite. Mais le problème, c’est que certains passages sont bien près de vide - c’est très coutumier des chamois - et sur une terre qui n’inspire guère de confiance : Saint-Piolet, aidez-moi !
Au bout de cette sente, après avoir traversé les deux « ravines secondaires », l’envie de continuer m’abandonne. Je sais ce que je voulais savoir, sur le potentiel du « raccourci » dans la forêt : il n’est pas bon !
Et aujourd’hui le temps est trop humide pour envisager de continuer dans les pentes d’herbe, là devant. Ce sera donc ici la fin de la reconnaissance du jour. C’est déjà du bon boulot de fait.
Il va être satisfaisant de s’en tenir là, de redescendre, gentiment, par le côté des Roumines, et de rentrer à la maison.
La suite, ce sera pour une autre fois !
Photos
Auteur : François Lannes
Avis et commentaires
Bonsoir à tous deux,
Je n’ai pas dit mon dernier mot, dans cette forêt !
Et il pourrait encore se faire que je dégote un passage direct...
Sauf que, même plus direct, ce passage ne pourra pas rivaliser avec la montée par les Roumines, qui est beaucoup plus belle en terme de panoramas, ainsi que pour la régularité de la pente pas trop forte.
Comme quoi, rien n’est parfait.
Sauf à la pointe 2351 m, où je viens de réussir une super belle ligne.
Il me faut un peu de temps pour faire le compte-rendu.
Donc un peu patience,svp.
Deuxième épisode lu ! Dommage que cette ligne qui semblait naturelle, passe si difficilement dans la raide remontée boisée ! En tout cas, merci d’avoir partagé cette aventure d’un jour au goût d’exploration d’un espagnol en quête de la cité d’or passant par des marches pour géants pour devenir ensuite un chevalier arthurien trouvant le graal !
C’est pas Indiana Jones ton 2e nom ?....Quel crapahut !
Vivement le 3è épisode....
Autres sorties
Retrouvez les récits et photos de randonneurs ayant déjà parcouru cet itinéraire.