Sortie du 11 septembre 2014 par Ozenn Grande Tête de l’Obiou (2789m) par la voie des Chatières

Tu es le dernier sommet que j’ai aperçu le jour où j’ai quitté mes Alpes du Sud natales... Mais tu es aussi et surtout le premier que je retrouve, à travers la vitre du train, quand je rentre à la maison. Tu es également mon premier sommet de ce genre si spécial, dont l’itinéraire est certes toujours de la randonnée mais à un degré à la fois plus difficile et terriblement exaltant. Ce fameux géant du Dévoluy dont j’entendais tant parler depuis toute petite... "Quand tu seras plus grande" me disait mon père. J’aurais finalement attendu mes 18 ans !

Je me rappelle l’hésitation au moment de choisir la randonnée puis l’excitation mêlée de crainte... "Est-ce que je vais y arriver ?"
Le jour J, avec mon fiancé, nous avons pris cette belle piste vers le Col des Faïsses... Je n’arrêtais pas de regarder à travers la vitre, inquiétée par les nuages qui ne se levaient pas. Puis je t’ai aperçu du parking, entre deux nappes, si beau et intimidant à la fois.

Je me rappelle le début de la randonnée, dans les nuages... Le Pas du Vallon donnant accès à une magnifique pelouse alpine. Tu t’es alors dévoilé dans toute ta splendeur... Puis j’ai aussi aperçu la fameuse combe donnant accès au col et mes craintes ont refait surface... "Mais t’es sûr qu’on peut passer par là ?"

Je me rappelle de la douce montée dans l’alpage qui a rapidement fait place à la rude ascension vers le col, si impressionnant... Mais il me suffisait de regarder vers les Écrins émergeant de la mer de nuages pour reprendre toute mon endurance et ma motivation. Portée par ce bonheur et cet amour, je me suis élevée vers toi... Montant ces escaliers dévoluards à la fois concentrée et émue, surtout à l’approche du col d’où la vue fut déjà une merveilleuse récompense.

Je me rappelle de ce petit "moment de folie" sous ton bastion sommital. Je me suis tournée vers mon fiancé, probablement dans le feu du passage de la vertigineuse combe : "Et si on tentait par les Chatières ?"
Après quelques instants d’hésitation, nous avons finalement décidé d’emprunter ces "passages secrets" dans tes parois. Tout fut si fort, si intense... Je me rappelle du chant énigmatique de lagopèdes, de l’abysse aperçu côté face nord... D’une ambiance plus minérale que jamais, d’une beauté sauvage, brute. Je me rappelle de moments de peur dans les passages les plus délicats et des paroles rassurantes de mon fiancé pour continuer à avancer. Je me rappelle ensuite de la joie de passer là où je n’aurais pas imaginé mettre les pieds... De ce côté presque "ludique" à la fin. Puis je me rappelle, après un ultime "portail" de pierre, du bonheur au moment d’arriver à ton sommet...

Est-ce bien une larme que j’ai senti couler sur ma joue ? Un instant d’éternité où tout semblait possible. Toutes ces montagnes plus ou moins lointaines aperçues de ton sommet... Autant de rêves et autres aventures potentielles. La réalité m’a bien sûr rattrapée plus tard... Mais à ce moment-là j’étais juste heureuse et pleine d’espoirs. Et un peu fière je dois bien l’avouer... Tout cela grâce à toi. J’ai vécu un véritable rêve éveillé sur ta si jolie tête.

Après un pique-nique et un grand moment de contemplation, nous avons finalement emprunté les dalles et les vires... Elles m’ont semblé plutôt "faciles" après les Chatières mais je suis bien d’accord avec l’idée qu’il faut rester vigilant, jusqu’au bout. Le vide est bien présent et la sensation de grandeur est totale ! Nous avons croisé quelques personnes qui montaient encore elles aussi. Retour au col, toujours sur un petit nuage...

Nous avons abordé les gradins de la combe dans ce sens bien plus sereins qu’à l’aller et nous en avons même profité pour découvrir l’une de tes surprenantes pépites... La petite grotte et son splendide mur de glace ! Nous y avons fait une douce pause, bercés par le silence et la magie des lieux. Un autre randonneur nous a rejoint (nous nous sommes pour ainsi dire suivis du début à la fin !). Puis redescente joyeuse en courant et riant comme des fous dans le grand et beau pierrier sous la combe (bien plus simple dans ce sens-là !).

Sur le chemin du retour je n’ai cessé de te regarder, déjà nostalgique mais tellement heureuse et consciente d’avoir vécu un moment précieux, rare dans une vie... Un cadeau que tu m’as fait. Et qui me marquera pour toujours. Merci. Merci du fond du cœur pour ce souvenir qui m’a tant comblée et qui refait surface chaque fois que j’ai à nouveau l’occasion de t’admirer.