Sortie du 8 août 2012 par Paul Mont Blanc (4810m) par l’Aiguille du Goûter et l’arête des Bosses
Voyage au sommet de la montagne-consommation
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Montée à Tête Rousse sous les bourrasques, le vent et la grêle.
Itinéraire de montée à l’aiguille du Goûter bien plâtrée par beau temps frais.
Mont Blanc par beau temps avec 40/50km/h à partir du col du Dôme.
Récit de la sortie
Michel arrive au sommet :
Sommet du Mont Blanc par jymets
Cette année, pour cause de travaux sur la voie ferrée du TMB, la montée à Tête Rousse se fait par l’austère chemin des Rognes, et gagne 300m en partant du mont Lachat. Nous montons donc dans les bourrasques avec des ponchos et en ayant pris soin de verrouiller l’entrée de nos chaussures avec les guêtres sous le pantalon. Nous aurons évité la mésaventure de ces 3 espagnols rencontrés au refuge et qui devront renoncer au mont Blanc pour cause de chaussures mouillées.
Tête Rousse... un poème et ce n’est que le début. Pas un centimètre carré de place pour poser ses affaires au milieu d’un monceau de chaussures qui sèchent, de vêtements... Les gardiens assez peu aimables ne se soucieront pas de ma paire de gants ensevelie dans ce fatras.
Le lendemain nous partons vers les 9hoo pour la montée au Goûter bien plâtrée. Le couloir est sécurisé par la neige mais l’escalade en est rendue un peu plus difficile. Finalement nous ne mettons pas les crampons, mais j’encorde Michel sur les ressauts de l’arête.
Ambiance assez démente au refuge. Si je reprends le mot d’un guide italien avec qui j’ai fait la descente : "c’est à te déGoûter...". On se croirait dans un film catastrophe américain. Les parias qui sont montés sans réservation ou qui ne peuvent envisager la descente de l’aiguille du Goûter en mauvaises conditions se planquent pour passer la nuit, assis dans les escaliers ou dans les moindres recoins du réfectoire déjà envahi par ceux qui sont allongés sur ou sous les tables. Ils sont houspillés à 1h30 par le gardien, très bon dans son rôle de sergent chef "every body outside ! quick !" Je me demande s’il leur file des coups de tatane aussi. Je pense que cela doit parfois se régler à coup de piolet tellement c’est poétique.
Toute la nuit un serbo-croate ou slovène, je ne me souviens pas exactement de l’accent, a passé son temps à vouloir ouvrir la fenêtre du dortoir malgré les instructions du quartier général et à faire entrer la moitié du glacier dans le dortoir. Michel a juste le temps d’éviter que ses chaussures soient pleines de neige. À chaque fois qu’on se lève pour évacuer la neige et fermer la fenêtre, le mec descend de sa couchette pour la rouvrir...
Réveil... Petite cohue pour retrouver ses affaires, déjeuner de profil, évitant les coups de coude des voisins, mais profitant du coup de sac que m’adresse gentiment un Jap’ qui se lève tout équipé pour attaquer précipitamment le toit de l’Europe. Pour ma part je participe à la corida en coinçant la cuisse d’un allemand entre les deux bans. Il hurle un peu mais personne ne l’entend...
Un petit pipi et nous sommes encordés sur l’arête. Dans la nuit, le chemin des lucioles nous précède sur les pentes du Dôme. Il ne fait pas très froid mais on sent qu’il va y avoir du vent là-haut.
Et voilà les premiers embouteillages sur le périph, il n’est pourtant pas encore 4hoo. Attendre que le mec devant reparte, doubler la cordée ? Une préoccupation constante sur toute la pente. Parfois, miracle ! nous sommes à peu près seuls... Quel bonheur de marteler la neige à son rythme !
Col du Dôme. Lever du jour. Vent froid. Ajustement de l’équipement. Évidemment, une bonne partie du magma humain va s’agglutiner dans le pauvre refuge Vallot, ce qui libère un peu de place sur l’arête. Mais pas trop car déjà les plus rapides descendent du sommet. Il faut dire que le vent fait que là-haut la terrasse n’est pas confortable. Voici donc les pentes un peu raides de l’arête des Bosses où l’on se croise. Attention Gary, si tu tombes ici, tu vas direct à Chamonix. Les guides vident leur stress et enguirlandent leurs clients en anglais avec un accent qui ferait rire si l’on n’était pas encordés derrière le gars qui flippe juste devant.
Les pentes (assez belles si on fait abstraction du défilé) mènent aux Bosses et aux rochers de la Tournette. Puis cela s’atténue un peu et on chemine dans des pentes moindres dans un décor irréel pour l’arête sommitale dans la neige soufflée et le vrai sentiment de dominer un continent tout entier.
À la descente, on croise les copains qui ont vidé leur thermos à Vallot et la trace est convoitée sur l’arête dont une pente au moins est assez vertigineuse. Cela ne se passe pas trop mal, bien que certains oublient qu’ils ont un sac sur le dos et t’envoient un coup au passage. Heureusement la neige est bonne et on repasse à Vallot les difficultés terminées, assez heureux tout de même..
Retour assez sympa, de jour, dans les pentes du Dôme, en dominant la vallée. Halte au Goûter pour un plat de pâtes.
La descente de l’aiguille du Goûter est encore assez enneigée. 700m à désescalader avec Damoclès, mon voisin du haut qui a chaussé les crampons. Dès que je lève ma main d’une prise rocheuse il y pose ses crabes d’acier. Deux fois, je me vois transpercé et je grogne un peu, mais il parle russe ou ouzbek. J’essaye de lui faire comprendre par un regard que je tiens à ma main droite parce que je joue de la guitare...
Nous le laissons passer deux fois, mais curieusement il est encore derrière moi avec ses crampons alors que j’assure Michel...
Enfin nous perdons du dénivelé et voici le câble (inutilisable) du Grand Couloir. Le guide devant nous passe devant et tire ses clients. Aucun danger aujourd’hui, semble t-il, grâce à la neige qui bloque toute velléité de descente des blocs 600m plus haut.
Tête rousse, sentier des Rognes, puis descente (interdite) par le nid d’Aigle pour éviter l’échelle métallique et les soubresauts du sentier des Rognes.
Nous arrivons à 17hoo au Mont Lachat, presque en forme après 2700m de descente.
Fort heureusement, nous déconnons gentiment avec deux guides très sympas, ce qui me permet d’oublier la lourdeur des confrontations humaines de là-haut. Je peux désormais savourer ces paysages si précieux de la Haute-Savoie quand il fait beau.
Photos
Auteur : Paul
Avis et commentaires
On peut aussi accéder au sommet par l’Aiguille de Bionnassay, et un peu plus dur (AD) par l’éperon de la Tournette. Ce sont des itinéraires désertés.
Peut être que la monté par les Cosmiques est moins fréquenté ? du fait qu’elle est plus technique .si quelqu’un la déjà fais .je devais la faire il y a 2 ans , mais le guide qui devais nous y amener à tristement fais la une des journaux. il avais préféré ce tracer .
Merci pour les infos Paul !
Je garde tout ça sous le coude, malheureusement ça ne va pas être possible cette année, j’habite trop loin et je n’ai pas de voiture, du coup je viens de vérifier que l’accès sera certes possible pour moi, par contre pour en repartir ce sera impossible car le bus Venosc- Bourg d’Oisans ne passe pas (plus) le dimanche...
oui, la tête de la Muraillette c’est une ballade en altitude avec quelques pas dans la neige et une arête rocheuse facile, une introduction à l’alpinisme.
Renseigne toi au refuge de la Muzelle, mais cela doit pouvoir se faire en septembre.
Super merci pour les deux propositions !
La Tête a l’air d’être un très beau 3000, mais j’ai l’impression qu’il ne nécessite aucune connaissance en course glaciaire non ? C’est surtout ça que je souhaite commencer à faire dans l’année qui vient, car je n’ai jamais effectué de course glaciaire (à part une seule fois, en Norvège, sur un glacier tranquille). En randonnée "simple", mon record d’altitude pour l’instant c’est le pic de Rochebrune dans le Queyras.
Et les Rouies, wouaw quel panorama sur la Barre... Ces deux courses me donnent très très envie, si je pouvais partir tout de suite je le ferais !
De ce que je connais , je peux te conseiller
- la tête de la Muraillette , vraiment pour débuter et se mettre en confiance
- la Voie normale des Rouies, déjà une belle course, dans un niveau facile avec 2 pentes raides
Ok tant pis alors, même si peut-être qu’un jour je succomberai à la tentation malgré tout ;)
Ceci dit, j’ai d’autres sommets en tête où aller, notamment dans les Écrins que je connais mieux. Mais bref, avant tout ça il faut que je débute l’alpinisme de façon sérieuse !
Julien, si jamais j’ai un conseil à te donner, laisse tomber 😉)
Il y a beaucoup d’autres sommets où aller, et où l’on respire ce que la montagne peut apporter.
La vache, et moi qui me dit que je vais tenter de le faire une fois que j’aurais pris de l’expérience en alpinisme, ça ne donne pas envie tout ce monde ! Existe-t-il un moment de l’année où c’est singulièrement plus calme ? Car là c’était en août, ceci explique peut-être autant de cohue ?
En tout cas un récit qui nous transporte, on rit et on gueule avec toi contre les sans-gêne 🙂
Trop bon Paul ! En lisant ton récit, j’ai rigolé 4-5 fois de bon coeur...un vrai roman de la veine du « Port de la mer de glace »
salut David, oui, certainement mais ce n’est pas le camping d’Ailefroide tout de même. Il y a souvent du mauvais temps à affronter.
Je me demande si partir de Tête Rousse, faire une halte au Goûter vers 8hoo, lorsque c’est calme, repartir pour le Mt Blanc, et revenir au goûter pour le quatre heures et filer au dodo, n’est pas le mieux. Mais en fait tout est galère avec le monde qu’il y a...
Récit qui fait rêver !! finalement bivouaquer à Tête Rousse n’est pas une si mauvaise idée.
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