Sortie du 16 juin 2024 par gegers Le Grand Galbert (2561m) par Ornon

L’eau tombe drue sur ma tête, et mes pensées s’écoulent en rigoles. Je patiente. Je marche, mais je patiente. Pour moi, randonner sous la pluie se résume à une longue attente. Je ne fais à mon grand regret pas partie de ceux qui savent apprécier ce petit crachin qui leur caresse le visage, qui trouvent de la beauté dans le bourgeonnement tumultueux des nuages. Alors, lorsqu’il pleut, je fais comme les anciens, que les rhumatismes font souffrir : j’enfile mon chapeau et mon vieil imperméable élimé, je chausse mes chaussures hors d’âge (vous savez, cette paire usée jusqu’à l’os mais que l’on garde tant que les coutures tiennent encore) et je pars à pied de la maison. Je marche, mais surtout je patiente.

Un rayon de soleil, et tout change. Les affaires reprennent et je me vois déjà, mon barda sur le dos, en train d’arpenter valeureusement les sentiers de quelque contrée lointaine, mon bâton de pèlerin à la main et ma bravoure en étendard. Commençons modestement, le Grand Galbert est un objectif tout à fait raisonnable pour s’égoutter en marchant. Le sommet est un prétexte, naturellement, pour déambuler longuement sur le vaste plateau des lacs du Taillefer, où l’eau abondante coule en ruisseaux et alimente d’innombrables gouilles, flaques et petits lacs où quelques batraciens se réchauffent le cuir.

Le Lac du Grand Pré, lac du Petit Pré, le Lac Canard et l’incontournable et surfréquenté Lac Fouchu, dont je m’éloigne rapidement pour m’en aller voir ses plus discrets satellites. Le déchaussage est ensuite obligatoire pour traverser le torrent et retrouver le chemin, à l’issue de ce vagabondage lacustre de grande qualité. Au retour de cette longue journée, le corps est repu, l’esprit apaisé. Commence alors l’attente, jusqu’à la prochaine sortie d’envergure. Patienter, s’émerveiller, patienter, et recommencer.