Sortie du 8 juin 2024 par Sylvain Pic Carlit (2921m) en traversée par la crête Sud et l’arête Nord-Est, Carlit de Baix (2806m) et Puig de Sobirans (2785m)

Voilà maintenant deux semaines que mon petit neveu est avec moi à la maison, et depuis notre sortie du week-end dernier dans les calanques, son envie de montagne ne cesse de grandir !

Ces derniers jours je lui ai appris différentes manipulations de cordes, à commencer par la pose d’un rappel et la confection des anneaux pour évoluer en sécurité sur un glacier. Et puis bien sûr les connaissances de bases pour le secours en crevasses, comme le mariner simple et le mariner double. Mais également certains nœuds indispensables à connaitre, comme le cabestan et le demi-cabestan pour l’assurage, ainsi que l’assurage à la plaquette. Et il a tout retenu très rapidement ! Me voici donc rassuré, nous pouvons partir tout les deux en montagne, « je » serais parfaitement encadré !!!

Tout ceci serait parfait si la météo n’avait pas encore une fois contrariée nos plans... Partir sur un glacier ce week-end est à nouveau compromis. Un court créneau semble s’annoncer pour samedi matin dans les Pyrénées, mais cela semble quand même très instable... Nolan reste motivé, alors on décide de tenter le coup !

Grace à un visionnage des webcams de Font-Romeu, je vois qu’il reste encore de la neige au col des Andorrans (avec la neige l’accès à ce dernier s’apparente bien plus à un couloir qu’un simple col) sous le Carlit. Bingo, cette pente de neige ainsi que la crête Sud constitueront à eux deux une parfaite petite course d’initiation vers le toit des Pyrénées-Orientales !

Départ de Montpellier vendredi soir à 20h30, arrivée à minuit au lac des Bouillouses. Météoblue annonce des éclaircies seulement jusqu’à 11h. Réveil à 4h30, dur...

Après seulement quarante cinq minutes de marche, la pluie s’invite... On court se réfugier dans l’abri en tôle de l’estany Sec, en pensant que cela ne va pas durer longtemps. Nous attendrons plus de deux heures... Le ciel s’éclaircit, il est temps de repartir.

Peu de temps après nous prenons une nouvelle douche, on se hâte vers la cabane des Frères Aymar. De nouveau trois quarts d’heure d’attente, c’est lassant, heureusement que nous nous sommes levés de bonne heure... Ici nous avons du réseau, et faisons un nouveau point météo. Bonne nouvelle, le mauvais temps est arrivé plus tôt que prévu mais la pluie devrait être terminée pour aujourd’hui ! Ne reste plus qu’à espérer que la crête Sud ait le temps de sécher...

Nous traversons à gué le déversoir de l’estany Long, et entrons dans la partie la plus sauvage de l’itinéraire. Aucun chemin, mais à la place, une zone marécageuse, des rhododendrons et des chaos granitiques à traverser pour contourner le Tossal Colomer. On se croirait presque en Ariège !

Une fois parvenu à l’entrée de la Coma dels Forats, le terrain redevient plus commode. Le col des Andorrans et le Carlit son maintenant en ligne de mire, il ne nous reste plus qu’à remonter cette belle vallée. Et quelle bonne surprise, lorsque après un petit raidillon nous tombons directement sur le lac 2482, sur lequel flottent encore de petits icebergs !

Nous arrivons enfin dans le cirque sous l’immense face Sud du Carlit, dans laquelle j’ai un projet depuis maintenant quelques années, mais qui hélas est de moins en moins souvent en conditions. Ce secteur est vraiment impressionnant, à l’époque les forces glaciaires ont modelé un paysage peu fréquent dans les Pyrénées-Orientales.

Il est maintenant temps de chausser les crampons. C’est une première pour Nolan, et après une longue marche d’approche, je crois pouvoir dire qu’il est tout excité !

Après une dernière vérification des fixations et une petite école de neige, il est temps d’aborder la raide montée vers le col des Andorrans. Nolan a très vite saisi la façon de croiser les pas et d’orienter ses chevilles afin de bien faire mordre chacune des pointes de ses crampons dans la neige. Sur le final la pente se redresse, je lui demande si pour ce passage il souhaite que je l’encorde, il me répond que c’est inutile. Je lui fais donc confiance, mais j’observe avec attention le moindre de ses pas et le surveille comme le lait sur le feu... Bravo mon grand, tu viens de gravir une sacrée pente de neige !

Du col la vue s’ouvre vers la Serra de les Xemeneies et le Puig Pedros, mais hélas la lumière est exécrable et la vue un peu bouchée.

On quitte les crampons pour la crête Sud qui va nous conduire directement au sommet. Cette dernière n’est pas difficile, mais l’ambiance haute montagne est bien présente, et constitue une superbe alternative un peu plus alpine à la voie normale sur fréquentée. Encore une fois Nolan se régale, mais la fatigue commence à se faire sentir, il est temps d’arriver.

Sommet !! Et bien sûr la foule... Nous fuyons vers le sommet Nord qui est désert comme toujours !
Une bonne pause ainsi qu’un bon pique-nique pour reprendre des forces et nous amorçons la descente. J’avais au départ envisagé de descendre par l’arête Nord-Est, mais je me ravise, ce serait trop pour aujourd’hui...

Nous prenons donc au plus court, par le grand couloir central qui est encore bien enneigé. Ce dernier est une formalité, et arrivons rapidement au petit lac 2598 qui a commencé à dégeler depuis mon dernier passage deux semaines auparavant.

Nous poursuivons sur les dernières langues de neige jusqu’à proximité de l’estany de Sobirans, et récupérons le sentier balisé jusqu’au lac des Bouillouses.

Malgré une météo incertaine et un début de journée compliqué, nous avons passé une superbe journée, et Nolan est ravi de sa toute première course et montagne ! Et chut, il ne faut pas le dire, mais je suis très fier de lui !