Sortie du 8 septembre 2023 par Val Grand Ferrand (2758m) par la voie normale
Dévoluy I/III. Je me fixe comme objectif de découvrir un nouveau massif par an. En cette année 2023, je jette mon dévolu sur le Dévoluy. Trois sommets de légende y siègent. Trois frères, d'altitude presque égale. Commençons par le Grand Ferrand, le premier que j'ai gravi et celui que je redoutais le plus.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Grand soleil.
Récit de la sortie
Intro
Nous sommes début septembre. Avec mon ami, nous nous préparons à décrocher une nouvelle victoire dans les Alpes, qui sera la première d’une trilogie. Nous songions au début à la Taillante. Mais avec le Dévoluy dans un coin de notre tête, il était plus pratique pour nous d’accéder à ce "nouveau massif" plutôt que de nous engouffrer une nouvelle fois dans les fins fonds du Queyras.
C’est pas grave "montagne tranchante". Notre affrontement n’est que partie remise.
Pour en revenir au Dévoluy, l’objectif était clair : abattre les trois grosses têtes du massif que sont l’Obiou, le Ferrand et Bure. D’après mes recherches, le pire des trois s’avérait être le Ferrand. La cible est donc fixée.
Dévoluy
Début septembre. Les herbes sont jaunâtres, la couleur des arbres se déteint peu à peu, et l’eau manque à l’appel. Pas dans le Dévoluy.
Alors ça serait exagéré de parler de printemps éternel ici. Mais lorsque nous avons franchi le col du Festre pour arriver dans la plaine, le paysage nous a subjugué.
C’est vert. C’est vaste. Il y a de la couleur. Le Dévoluy est bel et bien entouré d’une muraille de montagnes. Et pas n’importe lesquelles !
J’ajouterai que quelque chose est différent ici. L’air est calme, on ne croise presque personne. C’est comme si le temps s’était arrêté dans ce coin là des Alpes.
Nous remarquons d’emblée le Grand Ferrand, puis l’Obiou au fond. Derrière nous se trouve le gigantesque "navire" que forme Bure. La montagne de Faraut à l’Est n’est pas en reste.
De Maubourg au col de Charnier
Après avoir tenté de traverser une piste absolument minable, nous redescendons pour garer la voiture à Maubourg. On croise deux habitants et un chien.
À présent place au départ. Nous marchons en direction du col de Charnier. En sortant de la forêt, nous pouvons tout d’abord dire "au revoir" aux arbres, qui seront les derniers que nous verrons. D’autre part, nous saluons notre premier Chourum.
Les chourums...
Lorsque nous passons près de la cabane, nous comprenons vite la situation. Le Chourum Clot nous attend pour nous dicter la loi du Dévoluy.
Bon, il n’y a pas de loi universelle, alors laissez-moi vous donner la mienne :
Les Chourums ne sont pas une légende, ni un chiffre. Ils répondent présent tout autour de nous, et c’est merveilleux.
Ces cavités fascinent, mais elles avaleront entièrement celui ou celle qui n’y prête pas attention.
Nous continuons toujours vers le col. Notre adversaire nous observe au Nord. Il est si haut. Si loin. Et si grand. Nous ne savons pas comment sera le duel. Mais une chose est sûre, il n’attend que ça.
C’est sec. Il fait très chaud. Le soleil est au sommet.
Nous arrivons au col et la vue sur l’autre versant est splendide. De là, nous croisons deux, trois personnes, dont un gars en provenance du Ferrand. Il raconte que l’itinéraire est très bien balisé jusqu’à la fin, et que l’ascension n’est pas si terrible, à condition de faire attention ! Nous prenons note et repartons aussitôt.
Du col au final
Nous contournons la Tête de Vallon Pierra. L’assaut final se rapproche.
Depuis le début, notre cible ne nous quitte pas des yeux. Du début du Vallon de Charnier au col du même nom, Ferrand siège dans le coin du paysage, au-dessus de tout. On dirait qu’il est là pour nous rappeler que certains 3000 sont plus abordables que lui.
Dorénavant, il se dresse fièrement devant nous. On s’attend à ce que la lutte soit rude. Je l’espère.
Ascension finale
Nous voici au départ du final, et nous constatons deux choses.
Premièrement, c’est un vaste éboulis qui ouvre le bal. Il est certes tracé, mais pas très accueillant.
Deuxièmement, le cadre dans lequel on se trouve se définit par l’adjectif suivant : désertique. La roche calcaire, omniprésente sur ce beau sommet, vient ajouter une touche "lunaire" à l’ambiance déjà austère que dégage cette montagne.
Ouais. C’est peu accueillant.
Mais nous sommes déterminés et avons vu bien pire par le passé.
Le pierrier n’est pas terrible, mais ça passe. Cela dit, il fait extrêmement chaud.
Nous repérons deux personnes à la descente de la première cheminée. Ils ont l’air de galérer. Nous grimpons dix mètres quand eux n’en exécutent qu’un. La baignade sera froide !
Nous les rejoignons au pied de la cheminée. Pas de question cette fois. Un simple bonjour fera office de relais.
À notre tour Ferrand !
Je vais résumer l’entièreté du final.
Les prises sont bonnes, les pas d’escalade ne sont pas si techniques. C’est engagé, il y a du gaz, mais tout au long de notre ascension, nous attendons "le passage".
Le passage qui nous fera hésiter. Le passage qui nous fera peur. Ce passage délicat qui ne s’atteint qu’au prix d’un élan de courage et de bonne volonté.
Mais le balisage reste le même. Nous n’avons pas à chercher le moindre cairn pour avancer.
Oui il y a du gaz, et nous passons proche d’un autre Chourum. C’est impressionnant, mais pas insurmontable. Oh non, loin de là.
Sommet
Après moins d’une heure à crapahuter sur les pentes abruptes du Grand Ferrand, la météo se gâte tout autour de nous. C’est comme si les nuages dévoluards cherchaient à nous cacher quelque chose. Mais on s’en moque après tout.
Je suis ici dans le ciel du Dévoluy. C’est comme si j’étais à plus de 3000m là haut, mais il n’en est rien... Ces 2759m se transforment en jolie médaille.
Néanmoins, le Ferrand fait partie du téménos des sommets où nous ne sommes officiellement vainqueurs qu’une fois en bas. C’est cet instant où nous abordons la crête de l’Aiglière avec incertitude. Ce moment pourtant si paisible au sommet du Grand Galibier où je ne peux m’empêcher d’appréhender la désescalade. C’est ce temps fort au sommet de l’impitoyable pic Nord* si durement atteint, et qui nous soufflait sans cesse la pression du couloir.
C’est en effet sur ce genre de cimes que nous nous préoccupons le plus de la descente. Nous souhaitons à tout prix rejoindre le monde d’en bas pour crier haut et fort que nous l’avons fait. Et c’est formidable.
Après une petite collation, je filme le paysage et j’envoie mon drone capturer des images aériennes de cette montagne. J’en profite en l’envoyant vers le Chourum Olympique, le titan du massif. Le roi des Chourums. Nous ne le voyions pas à cause des nuages, mais les images du drone ont soulagé notre peine.
Descente
Il est temps de repartir, et je vais être bref au sujet de la descente. Avec mon ami, nous avons parlé, beaucoup parlé même. Tellement que certains passages "chauds" ne nous ont pas paru si difficiles. Nous rejoignons ensuite le sentier nous menant du col jusqu’à la voiture. RAS, si ce n’est la longueur.
Je n’oserai jamais dénigrer le niveau de difficulté que représente une ascension comme celle-ci. C’est vrai, le Grand Ferrand est un sacré morceau, et il est si long à gravir. Mais en lisant certaines sorties sur le web, je m’en faisais une image bien plus dure, principalement sur le plan technique. Peut-être est-ce mon expérience passée qui a rendu ce sommet plus accessible pour moi.
Quoi qu’il en soit, le Grand Ferrand fait office d’adversaire à prendre au sérieux.
De retour sur la route pour Toulon, je ressens l’insatiable envie de revenir sur ces terres afin d’en découdre avec le "roi" du Dévoluy.
*Sommet de la Font Sancte
Photos
Auteur : Val
Avis et commentaires
Bonsoir vermatoiz, un grand merci pour ton commentaire !
Bonjour Valentin,
Joli texte que j’ai lu avec plaisir.
C’est vrai que commencer par "abattre les trois grosses têtes du massif" m’a un peu choquée, et en cela je suis d’accord avec Arnaud, mais on sent bien dans ta narration le plaisir que tu as pris en ces lieux magiques, et aussi du respect pour cette montagne.
Bonne continuation et au plaisir de lire la suite.....
Merci beaucoup pour ton retour !
Je suis bien d’accord avec ce que tu dis. Je suis d’abord venu dans le Devoluy avec trois objectifs en tête. Et j’en suis finalement revenu plein de leçons. Je suis content d’avoir découvert un tel endroit, et d’avoir pu atteindre ces sommets avec les difficultés que chacun propose. Ma sortie au Pic de Bure en sera un parfait exemple. Lorsque j’en suis revenu, je ne calculais même plus le fait d’avoir « abattu » la trilogie. J’étais simplement ému de l’ascension que je venais de vivre.
D’abord bravo Valentin pour cette sortie que j’ai lu avec plaisir. Je comprends parfaitement Arnaud (Dyn’s) car j’ai le même état d’esprit.
A la décharge de l’auteur, je me suis aperçu en rédigeant mes topos qu’on emploie parfois des mots belliqueux (véhiculés par une littérature montagne d’un autre âge). .
Ce corolaire des esprits belliqueux et du militarisme (et nationalisme qui lui est associé) est un héritage de la fièvre chauvine du siècle des pionniers.
Espérons qu’à l’avenir l’alpinisme favorisera la fraternité des peuples car escalader des montagnes est une pratique qui se moque des frontières.
Ce massif sauvage préserve le sens noble de l’aventure, on y vient pour le découvrir et se découvrir.
CDT
Bonsoir Dyn’s ! Merci pour ton retour.
Je peux comprendre ton point de vue, et paradoxalement je tends à le partager également. Au delà de la conquête de ces sommets, ces derniers me font vivre des moments inoubliables que je chéris bien plus que la victoire. Je suis également adorateur de l’idée de rester humble avec la montagne. On a notre part de réussite, mais la montagne décide également. Je les admire et je n’ai pas manqué de lever les yeux de mon petit être vers elles.
Pour mon premier passage dans le Dévoluy, j’ai voulu mettre l’accent sur cette vision de conquérant au travers de cette image assez floue que j’avais du Ferrand. Cette vision me plaît aussi, mais elle tournera à l’obsolète dans mes deux prochains récits sur la trilogie.
C’est effectivement une ascension qui marque !
Mais qu’est-ce que je me sens à cent mille lieues de cette mentalité de chasseur de primes, de cette vision de conquérant et son vocabulaire qui l’accompagne : victoire, défaite, vainqueur, gagnant, perdant, etc... je vénère tellement ces montagnes que ces mots me font presque mal au cœur...
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