Sortie du 15 septembre 2023 par Val Grande Tête de l’Obiou (2789m), par la voie normale de la Vire de la Cravate
Il était venu sur ces terres pour respirer un air nouveau. Cette prairie dominée par de petites collines était si belle. Les couleurs entraient en harmonie avec le bonheur qu'il ressentait. Ce tableau pourrait s'arrêter là. Mais nous sommes ici dans le Dévoluy. Par-dessus tout, lorsque les nuages s'estompaient peu à peu, une gigantesque silhouette fit son apparition. Sinistre et écrasante. Un véritable bœuf dans un jardin. Dévoluy II/III
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Pas terrible, très nuageux.
Récit de la sortie
Intro
La plupart des points culminants dans les Alpes sont difficiles d’accès (si on oublie les massifs de moins de 2000m...).
Évidemment que l’Obiou ne déroge pas à cette règle. Je dirai même qu’il la façonne parfaitement.
Les images du couloir qui courent sur internet sont... verticales ? En tout cas, elles impressionnent. C’est faramineux. Mais j’ai déjà gravi le Ferrand !
Une semaine après mon passage au Grand Ferrand, je vise le point culminant du Dévoluy avec mon ami : la Grande Tête de l’Obiou (2789m). Je suis bien déterminé à traverser la moindre difficulté présente sur le parcours.
Bivouac
Nous partons pour bivouaquer au col des Faïsses. Rien que la piste pour y parvenir est une belle épreuve. Mais nous ne sommes pas en reste !
L’Obiou se cache dans les nuages. Nous ne le verrons que demain.
Après un bivouac dans l’incertitude totale à cause de la météo, on décide à 5h du matin de partir à l’assaut du sommet. Le soir même, je devais rentrer sur Toulon avant 17h pour travailler. Finalement, je me demande : vais-je profiter pleinement de cette ascension ou ne suis-je ici que pour ranger l’Obiou dans une vitrine ?
Départ
L’obscurité est totale. Nous progressons instinctivement vers le sentier. Les yeux des bovins brillent au reflet de nos frontales. C’est pesant.
Au bout d’une heure, l’aube nous éclaire petit à petit sur ce terrain inconnu. Le couloir se dévoile doucement dans la pénombre. On observe attentivement. Je me dis que c’est raide. Vu d’ici, ça n’a pas vraiment l’air praticable.
On regarde également l’approche du couloir, et elle n’est pas à prendre à la légère. Allez, que la fête commence !
L’approche du couloir
Le soleil se lève dans notre rétro. Il dépasse quelques nuages, c’est magnifique.
L’approche du couloir est difficile. Ça glisse, c’est exposé. Mais la montagne se défend comme elle peut. Malgré tout, l’heure n’avance pas aussi vite que nous.
Le Couloir avec un grand C
Vient alors le grand couloir. Nous l’attaquons sans hésiter.
Il ne nous paraît pas si difficile que ça. Puis nous regardons derrière nous et... Wow...
C’est effrayant. L’adrénaline prend le dessus et nous pousse à progresser sur ce terrain austère à l’ombre totale.
Ce couloir est constitué "d’escaliers dévoluards" que j’ai d’ailleurs rencontrés une semaine plus tôt au Ferrand. Ils sont facilement franchissables. Peut-être est-ce encore une fois grâce au balisage omniprésent ?
Certaines marches nous poussent à longer, nous donnant un beau point de vue sur le vide, mais nous restons concentrés jusqu’au bout. Tu ne nous auras pas.
La lumière du soleil n’est plus très loin. Et en moins de 20 minutes, le principal obstacle est franchi. À cet instant, je regarde en arrière puis je lève les yeux au ciel. Le soleil nous accueille de manière chaleureuse, comme un parent qui nous invite à manger. Une sensation de taille.
Col
Nous voilà désormais au col de l’Obiou. Drôle de col d’ailleurs, je ne vois pas de chemin opposé.
En contrebas, une harde de bouquetins dévalant la pente au travers des rayons de soleil nous offre un magnifique spectacle. Je prends ça comme un beau signe de vie dans cet endroit à l’allure sinistre.
Nous nous retournons et la Tête de l’Obiou est enfin visible. Place au hasard pour certains. Pour les autres, peut-être qu’elle ne se dévoile qu’à ceux qui parviennent à franchir le couloir ? À vous de voir...
Néanmoins, elle ne nous intimide pas et nous pourchassons le sommet en direction des vires de la Cravate.
Vires
Les nuages s’incrustent sur le parcours. Nous ne voyons plus grand chose, mais nous suivons les balises et les cairns. Nous passons les vires sans trop de difficultés même si nous mettons les mains à pas mal d’endroits. Alors c’est toujours la même chanson : c’est exposé, il y a du gaz, le faux pas est interdit (ce depuis le début du couloir). Mais nous n’avons rien d’insurmontable à nous mettre sous la dent.
Dans mon récit sur le Ferrand, je parlais de "ce passage" qu’on redoute lors d’une ascension. Il m’avait en partie manqué là-bas (malgré la difficulté du final qui est bien présente). Ici, c’est difficile à cerner. Je dirai que ce passage n’est jamais à son plein potentiel mais constamment présent de l’approche du couloir au sommet. Nous sommes concentrés de A à Z.
Sommet
Et c’est là que je dois dire : "Nous voilà arrivés au sommet ! Victoire !"
Alors je comprends mieux pourquoi l’Obiou est si réputé. C’est une ascension légendaire, qui nous tient en haleine du début jusqu’à la fin. Les difficultés sont partout, le danger aussi. C’est de la grande montagne, plutôt barbare. J’aime bien cet adjectif. Elle est réservée aux plus aguerris d’entre nous.
Malheureusement, nous n’y voyons encore une fois pas grand chose, voire rien du tout. J’envoie une nouvelle fois le drone pour capturer quelques images, mais aucune folie...
Rien de grave. Après tout, nous dominons la plus grande montagne du Dévoluy. Mais au sommet, les lois de la victoire sont bien différentes. La descente sera longue. Elle sera rude. Et une fois en bas, nous pourrons la serrer fort dans nos bras.
Descente
Nous entamons le retour sans tarder. Nous passons les vires avec précaution. Je n’ai pas honte de le mentionner, quelques goutes de sueur commencent à glisser de nos casques. Nous n’avons pas dormi de la nuit, mais nos yeux restent grand ouverts.
Nous rejoignons le col pour enchainer dans le grand couloir. C’est un mur, et il est difficile pour nos esprits de nous projeter dedans. Mais quand faut y aller...
Nous passons les marches une par une, en nous concentrant au maximum, et ça passe. C’est tellement plus impressionnant que difficile finalement...
Puis vient l’étape la plus délicate de toute la redescente pour moi.
L’approche du couloir. Elle reste dans l’ombre des vires et de ce même couloir. C’est un terrain glissant et exposé, que j’ai trouvé plus difficile à franchir que le couloir lui-même. Cette partie est vraiment désagréable, je me suis fait deux frayeurs. Peut-être que la fatigue joue un rôle elle aussi.
Et au bout de cet ultime obstacle, nous remarquons le col des Faïsses sous le soleil. Il n’est plus très loin. C’est presque fini.
Gagné ?
Une fois arrivés à la voiture, l’Obiou s’est totalement dégagé, comme en guise de respect envers nous pour l’avoir vaincu. Je l’observe une dernière fois depuis la route avant qu’il ne disparaisse de nouveau dans les nuages.
Un mot pour toi
Obiou, tu es à la fois fascinant et inquiétant. Tu nous attires alors que tu sembles inatteignable. Sois fier et imposant, car tu es le plus grand dans le Dévoluy. Je tâcherai de me souvenir le plus longtemps possible de ta présence.
Saches que lorsque je passerai non loin de toi et de tes frères, je n’oublierai jamais de vous contempler, du haut de mes 1m75.
Photos
Auteur : Val
Avis et commentaires
Effectivement, je ne l’ai pas précisé mais j’entendais qu’elles sont éternelles à notre échelle.
Je suis bien d’accord sur le fait que l’on choisit nos propres défis ! L’Obiou règne en maître dans le Dévoluy, c’est nous qui venons à lui. Mais j’aime autant imaginer et voir ces montagnes comme de véritables "adversaires" (dès lors qu’on les choisit) qui nous donnent de beaux obstacles si on veut parvenir à leur sommet.
J’aime beaucoup ce que tu dis sur la notion de conquête. La montagne réussit bien son coup, c’est clair.
Pour la faune, je ne savais pas au sujet des bouquetins, merci pour l’info !
Immenses oui, mais loin d’être éternelles (sauf à l’échelle de l’être humain).
La chaîne hercynienne (les anciens monts armoricains, ardennais, vosgiens, ...) qui s’est érigée à l’ère primaire était comparable à l’Himalaya... Qu’en reste-t-il de nos jours ?
Je te comprends bien sur cette notion de défi que l’on aime se lancer (j’en suis assez friand à vrai dire), mais c’est plutôt avec la formulation que je ne suis pas d’accord. Ces défis, rien ni personne ne nous les impose - encore moins les montagnes - à part nous-même. Je dirais simplement que l’on choisit ses propres défis. Ce en quoi, comme tu dis aussi au final, il n’y a pas de victoire sur quelque chose d’autre que nous-même. Ici, la réussite est intérieure, personnelle.
Sur la notion de conquête : en fait, c’est l’inverse, tout s’opère dans l’autre sens, c’est la Montagne qui conquiert notre cœur... (Et en général, elle réussit bien son coup !)
Aussi, concernant la faune sauvage locale, il devait s’agir de chamois. Les bouquetins sont absents du massif, bien que sa réintroduction est en projet.
Merci beaucoup pour ton retour ! Il est clair que ces montagnes en ont vu bien d’autres avant nous. Elles sont immenses et quasi éternelles.
J’aime cette vision de conquérant pour les défis que ces géants nous imposent. Mais la vérité autour de la victoire est en effet et avant tout sur nous-même ainsi que sur notre égo.
Un récit qui nous tient en haleine, et comme dit Patrice, nous remémore de beaux souvenirs, surtout celui des premières fois.
Comme toi, l’Obiou et le Grand Ferrand font partis des tous premiers sommets du massif que j’ai gravi, et ils ont marqué ma vie de montagnard (qui ne faisait que commencer à l’époque).
Depuis, je suis monté quatre fois à l’Obiou par d’autres itinéraires (où la voie normale offre la possibilité de faire de belles boucles) et onze fois au Grand Ferrand par différents itinéraires également.
Je reviens sur ce point, je cite : « Après tout, nous dominons la plus grande montagne du Dévoluy ».
Non, nous ne dominons - au sens victorieux - absolument rien du tout... C’est la Montagne qui nous porte dans les cieux, qui élargit notre vision (dans les deux sens : visuellement et spirituellement), qui nous révèle - à qui ouvre son cœur, à qui porte pleinement son attention - ce que nous sommes dans cet univers : une poussière d’étoile...
Les montagnes dévoluardes se sont d’abord formées il y a quelques centaines de millions d’années par sédimentation au fond d’une ancienne mer, puis se sont érigées il y a plusieurs dizaines de millions d’années sous l’effet de la collision des plaques tectoniques. Un ouvrage de titan s’est mis, et, est encore à l’œuvre. De quoi se sentir minuscule et insignifiant devant un tel spectacle. N’y a-t-il pas de l’arrogance à prétendre, âgé de nos quelques dizaines d’années et du haut de notre même pas double mètre, d’avoir vaincu la montagne ? On ne fait que passer sur cette Terre. Un clin d’œil à son échelle de vie et nous revoilà à l’état de poussière...
Au pire - et au mieux - si nous remportons une victoire, nous la remportons sur nous-même, ou sur notre ego parfois trop envahissant...
Ceci-dit, j’ai tout de même hâte de lire le troisième opus !
Et il faut aller voir le mur de glace dans la grotte !
Je prends note car j’y retournerai. Nous avons été assez frustré déjà de ne rien voir au sommet, ça fait donc deux bonnes raisons !
Tant pis pour la grotte, tu es passé à la bifurcation, mais sans frontal, tu ne peux rester qu’à l’entrée. Elle est à voir !
Merci à toi @valverco pour ton beau retour ! C’est un plaisir pour moi de partager ça.
J’avais vu ta sortie rappelant tout tes essais avant de partir en septembre. Je trouvais déjà ça incroyable de le tenter autant de fois !
Je ne mentionne pas la grotte car en effet nous n’y sommes pas allés, faute de "préparation". Nous avions oublié nos frontales...
Merci Valentin de me remémorer tant de souvenirs.
Cette belle montagne, je l’ai tenté 9 fois et pour diverses raisons, je n’ai atteint son sommet que 6 fois.
J’en garde des souvenirs merveilleux à chaque fois même pour les abandons.
Dommage de ne pas avoir rendu visite à la Grotte du Petit Obiou et son mur de glace.
Encore merci Valentin
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