Sortie du 8 juillet 2023 par Forêts-myrtilles-et-caillasse La Grande Lauzière (2741m), par le Recoin de Chamrousse

Allons danser sur la vaisselle cassée, sur le toit de mon monde,
Chassons les fantômes des allées sombres,
La lumière par pleine gorgée
Le vent chaud sur la peau
Un horizon bariolé
Teinté d’oiseaux
Et...

Il est 16h30, je me suis endormi ! C’est le ruisseau ! Son chant sur les pierres ! Je me suis laissé aller à l’écouter et ça n’a pas manqué, j’ai glissé dans la béance des rêves.

Mais en étaient-ce vraiment ? La lumière, le vieux bouquetin, les souvenirs d’avant ? Oui, la lumière du matin sur les lauzes perlées de rosée. Oui, le vieux bouquetin qui avait fini sa vie, ici, au bord de ce ruisseau. Oui, les souvenirs d’avant... Ils avaient la texture du réel, comme lorsqu’on croque dans une pomme. Et pourtant, je suis toujours adossé à ce rocher, le cul dans l’herbe tendre. Peut-être que tout ceci n’est simplement qu’un rêve de papillon….

Debout ! Rêve ou pas, il y en a encore pour 600m de dénivelé ! Fière stature de bipède, les bâtons dans la main droite comme un chasseur des steppes, je m’étire de tous mes muscles. Il faut aller de l’avant. J’ai l’impression de connaître chaque pierre de ce vallon. J’y suis passé tant de fois ces 20 dernières années ! Quand ça allait, quand ça n’allait pas, pour un oui ou pour un non et quelques fois pour des peut-être. Je crois que je pourrais même reconnaître l’eau qui vient de la source qui coule un peu en aval du col de la Grande Vaudaine rien qu’à son goût. Mais les "je crois", il faut s’en méfier. Oui, allons de l’avant.

Petit crochet au plateau du mouflodrôme* pour aller voir si les chamois jouent sur le névé qui dort en contrebas entre les deux sommets. Pas un chat, c’est le calme plat côté faune. Peut-être parce que c’est la foule des grands jours aujourd’hui en montagne. Des maillots de bain et de la crème solaire aux Lacs Robert, la terrasse de la Pra pleine à craquer et même du monde au sommet de la Grande Lauzière. Bref, un samedi caniculaire de juillet comme un autre.

Heureusement, il commence à être tard et la montagne retrouve rapidement son calme. J’en finis avec l’ascension alors que les ombres s’étirent. Deux ou trois promeneurs s’attardent encore, des candidats pour le coucher de soleil. J’installe mon camp du côté de Tête Noire, sur la banquette herbeuse qui m’a tant de fois accueilli. Quelques jeunes mouflons curieux viennent jeter furtivement un œil mais étonnamment je n’ai vu encore aucun bouquetin mis à part deux jeunes mâles de 3 ou 4 ans du côté de la nurserie où l’absence des étagnes et de leurs petits me surprend beaucoup. C’est la première fois en de très nombreuses années qu’ils n’y sont pas. J’apercevrais bien une étagne et son petit dans la face est de Tête Noire le lendemain mais ce sera tout !

Je dégaine alors le paquet de Tuc, grimpe sur la crête, là où la vue embrasse le ciel et la terre. Le spectacle peut commencer !

* Le mouflodrôme est un endroit dans la pénéplaine qui s’étale au pied de la crête sud de la Grande Lauzière où les jeunes mouflons jouent parfois à tourner autour d’une zone faiblement rocheuse, dessinant un bel ovale d’une centaine de mètre de long, spectacle aussi émouvant que réjouissant !