Sortie du 1er juillet 2021 par Val La Grande Ruine, Pointe Brevoort (3765m), voie normale du versant est
"La destruction ou l'effondrement d'un édifice." C'est ce qui nous vient à l'esprit lorsqu'on parle de "ruine". Dans le royaume des Écrins se trouve la plus Grande Ruine des Alpes. Son ascension était d'une grandeur absolue.
Itinéraire, carte // Fiche topo
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Conditions météo
1er jour : Beau dans la matinée. Le temps s’est petit à petit couvert jusqu’à l’arrivée au refuge.
2eme jour : Le plus grand soleil de ces 15 derniers jours.
Pas de vent, températures optimales (voir légèrement trop hautes pour la période)
Récit de la sortie
/Début 2019 : je regarde la liste des montagnes cotées "F" dans les Écrins, mon massif de cœur.
Plusieurs noms font surface : le Dôme, les Rouies, la Grande Ruine ou encore le Coolidge.
Par ordre d’élimination, je retire immédiatement le Dôme : trop dangereux.
Ensuite, le Coolidge me paraît moins accessible que les deux restants.
Alors il reste la Grande Ruine et les Rouies.
Pour son altitude plus élevée et son emplacement important au sein du massif, je choisis la Grande Ruine.
C’est Jean-Jacques, un ami de mon père, qui nous guidera jusqu’au sommet./
Nous partons avec mon ami Eric, J.J. et un ami à lui, Roland (tout aussi expérimenté) pour l’ascension de la Grande Ruine en cette fin du mois de juin 2021. C’est une longue ascension, vraiment interminable jusqu’au refuge. Nos sacs sont difficiles à porter, mais on ne se décourage pas. Je découvre pour la première fois l’Alpe de Villard d’Arène, et c’est absolument magique. Au "Plan de l’Alpe", nous commençons à voir "l’Écrin" que nous visons : la Grande Ruine. Elle se tient droit devant nous, impitoyable.
On grimpe avec un bon rythme jusqu’au refuge.
Et nous y sommes vers 17h.
Adèle Planchard. C’est un beau refuge de haute montagne, et l’un des plus élevés du massif. C’est convivial, nous sommes une quinzaine. Le soir à table, nous partageons notre repas avec un duo d’alpinistes forts sympathiques. Nous échangeons beaucoup sur nos expériences passées en montagne.
Depuis le début de la journée, nous sommes coupés du monde extérieur. Nous nous plongeons dans cette vallée et dans ces montagnes dans la plus grande immersion possible, sans aucun réseau.
Après une courte nuit à 3170m d’altitude, nous nous rendons dans la salle principale pour déjeuner. Il est 4h. Puis direction le vestiaire où nous nous équipons. La tension monte, l’ambiance est pesante. Personne ne parle. Nous partons à 5h du refuge.
C’est la première fois que nous chaussons les crampons avec Eric, et je découvre à quel point c’est "sorcier" de marcher avec sur la neige.
Nous continuons de progresser sur des pentes toujours plus soutenues. Puis, quelques minutes plus tard, le soleil se lève. La lune, faisant office de précieuse veilleuse, disparait doucement dans la puissante lumière du soleil. Il nous jette férocement ses premiers rayons comme s’il craignait qu’on l’oublie.
C’est un des plus grands moments de ma vie. Toutes les montagnes rougissent à la vue des premières lueurs du soleil, et personne ne peut résister à un tel spectacle.
Puis nous arrivons au couloir. La cordée devant nous décide de nous laisser passer pour faire les premières traces. C’est mon premier couloir et en le voyant, je me rends compte que l’alpinisme est une discipline impressionnante.
J’ai la tête dans la neige. Il y en a tellement. Pour moi c’est difficile, mais il est hors de question de baisser les bras. Les conditions sont optimales.
Les derniers mètres me paraissent si longs. Les flancs de la Grande Ruine me mettent en garde ; les rochers sur lesquels je marche sont instables et la neige commence à se ramollir. Je souffle. Je souffre aussi. J’ai mal aux jambes, au cardio, au diabète... Et puis...
3765m. J’appelle ça : "le monde d’en haut".
Je ne suis jamais resté aussi peu de temps sur un sommet, et pourtant j’ai l’impression d’y avoir passé une éternité. Hors du temps sans doute...
Je suis à la hauteur de bons nombre d’Écrins. Ils sont tous là (à l’exception du Sans Nom et Coolidge). Alors place à mon moi-rêveur :
Le monde d’en haut, dans les Écrins, je décris ça comme un immense banquet réunissant les plus grands protagonistes du massif. Un peu comme une grande famille. Chaque géant est maître d’une vallée, d’un lac ou d’un village. Ça me fascine. Ces montagnes qui paraissent si sévères vues d’en bas dégagent désormais quelque chose de chaleureux. La Barre se positionne en maître au centre du massif. Elle est entourée d’autres géants comme le Pelvoux, l’Ailefroide, la Meije, les Rouies, Agneaux, ou même la Grande Ruine sur laquelle nous nous trouvons !
Nous voici donc au même niveau que ces colosses. Comment oublier un tel spectacle ? Mon moi gamin se rappelle un court instant lorsque je contemplais ces monstres vu d’en bas, dans la voiture par exemple. Ça me paraissait inatteignable...
Mais bon, j’aime penser que tous les rêves se terminent lorsque le rêveur se réveille.
Dix minutes au sommet et voici venu le moment de la descente. La neige est bien ramollie, les températures de la journée s’annoncent élevées.
Ça va être délicat pour Eric et surtout pour moi. J’appréhende, je suis lent, mais je réussis sans écart.
Alors oui, la descente de la Pointe Brevoort jusqu’au parking est extrêmement longue. Mais pour moi, c’est après le couloir que ça se termine. Le plus dur était fait et toutes mes émotions sont redescendues petit à petit avec le dénivelé négatif. Il m’a fallu un moment avant de réaliser ce qu’on venait d’accomplir.
Je ne remercierai jamais assez Jean-Jacques et Roland pour ce qu’ils nous ont permis d’accomplir.
Photos
Auteur : Val
Avis et commentaires
Mick ! les Rouies, plus facile que la "Brevoort" de Grande Ruine ? pas sûr...
Pour ma part, comme j’ai gravi les deux, hum... je dirais que ça se vaut !
D’accord avec tout ce qui est dit par Nadine et Mick, bravo !
A+
Merci ! Oui les Rouies c’est prévu !
Belle plume ! Les Rouies c’est plus facile et très joli. Tu iras l’année pro ;)
Merci beaucoup !
Joli texte, plein d’émotion, et belles photos.
Merci pour le partage.
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