Sortie du 9 août 2021 par CourtePatte Aiguille des Péous (2825m) et lacs de Crupillouse, en boucle par le Col des Lauzières

Enfin ! après des semaines de météo qui pleure et qui rit, une fenêtre propice au bivouac. Pour en profiter, il m’est venue une idée de destination follement originale : les lacs de Crupillouse.
Il y a justement un topo qui propose une boucle intéressante, avec un peu de hors-sentier et de crapahutage. C’est ce qu’il me faut ! Je vais monter par Val Estrèche et je redescendrai par le sentier classique.

Je démarre des Baumes bien après 9h et le soleil est déjà haut. Mais en ce lundi matin l’air est encore vif, et une grosse portion de la montée s’effectue sous le couvert des mélèzes. Pour aider à me distraire du poids du sac de bivouac, sur ce sentier certainement moins fréquenté que celui de Crupillouse les buissons sont généreusement garnis de framboises et de myrtilles.

Ce n’est pas là l’unique charme de ce sentier. Le gradient y est efficace sans être punitif ; l’on n’y embrasse pas tout l’itinéraire en un seul coup d’œil, il y a des replis et des changements de décor. Le plateau suspendu des Vallons n’apparaît qu’à la dernière minute. Et lorsque cette perspective s’ouvre soudain devant moi, avec ses pelouses et la nappe de son torrent, une petite voix me dit "Hé bien ! Si tu ne devais pas aller plus loin, et bivouaquer ici-même, tu ne serais pas tellement malheureuse !"

Mais le sentier encore bien tracé me mène à l’étage supérieur. C’est ici que les choses se compliquent. Je ne suis pas trop bien sûre de lire correctement le paysage. Les Choucières Vertes, est-ce que c’est cette grosse masse au fond de la combe ? Et la Côte des Murets, ce flanc de baleine peu avenant ? Je gamberge si bien qu’alors même que je tenais le bon cap je finis par me persuader que je ne suis pas si avancée que cela, et qu’il faut que je continue à faire du nord. Avec le résultat que je me retrouve bientôt...au sommet de Tête Virante.
Hé bien je ne le regrette pas du tout. D’abord parce que cela me permet de prendre une grande rasade de vues glorieuses sur les Écrins ; et ensuite parce que voilà un sommet bien singulier : rond et doux, il est entièrement tapissé des éclats d’une roche jaunâtre et alvéolée, très différente du matériau ambiant. J’apprendrai par la suite qu’il s’agit de dolomie.

Evidemment, ce détour n’a rien fait pour améliorer la moyenne, puisque me voilà surplombant le Col du Val Estrèche. Mais j’ai également sous la main le topo pour la traversée Crupillouse - Valgaudemar . En recoupant les deux topos je vois désormais à peu près par où passer. C’est moyennement drôle : les pierriers succèdent aux éboulis ; si j’essaie de ruser pour ne pas perdre trop de dénivelé et passer dans les parois rocheuses, je me retrouve régulièrement acculée à désescalader avec le gros sac. Et pendant ce temps, un chamois territorial me chuinte périodiquement des insultes - ou seraient-ce des sarcasmes ?

Je suis rudement contente de prendre enfin pied sur la crête au-dessus du Col des Lauzières. J’y retrouve le grand théâtre des Écrins dominé par l’énorme Sirac, et au creux des moutonnements roses du plateau, les premières poches de ciel : les lacs de Crupillouse !

Je descends à vue depuis le col, en essayant de rester le plus possible à niveau des lacs. Pas une très bonne idée. Elle me vaut un parcours-découverte de différentes granulométries de pierrier pas toujours très stable, et je finis par mettre le cap sur le thalweg.

Les lacs sont un éblouissement. Je pensais avoir mis la barre très haut avec Belledonne ou les Grandes Rousses - pour ne citer qu’eux - mais il faut croire qu’en montagne il y a toujours place pour un nouvel émerveillement. Crupillouse est une sorte de Venise où les palazzos seraient faits de gneiss rose et où chaque détour ouvre une nouvelle perspective de ciel et de montagnes renversés. Dieu merci, il y a suffisamment de photos sublimes de cet endroit sur Altituderando pour que je limite ma propre contribution...

Mais la journée n’est pas finie. Je m’étais dit que si j’avais le temps, finir par le Pic de Parières serait une belle cerise sur le gâteau. Seulement le temps m’est un peu compté. Lorsque j’arrive au Col de Parières, tout le versant sud du Pic est déjà plongé dans l’ombre. Je regarde le début des difficultés, et je me remémore ce topo pour le Pic qui disait en substance : "soit sur le fil, et la corde n’est pas inutile, soit par des vires mais il faut le pied montagnard". Je n’ai ni corde ni pied montagnard ; et en supposant que j’aie le niveau, je pressens que la progression dans ce terrain va me prendre trop de temps pour ne pas me retrouver prise par la nuit.
Tant pis ! Mais j’ai une consolation toute trouvée : de l’autre côté du col, la petite arête sans nom qui mène au sommet 2976 est encore baignée de soleil. Elle est ludique comme tout, et la vue depuis le sommet est bien assez magique pour clore la journée !

Le lendemain je passerai un grand moment à explorer la Venise dans le ciel avant de me résoudre à entreprendre la descente vers la chaleur de la vallée. C’était ma première visite dans le secteur de Champoléon : j’espère bien que ce ne sera pas la dernière !