Sortie du 23 juillet 2021 par CourtePatte Le Rissiou (2622m) par Vaujany
Une balade en pleine sauvagerie.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Beau, chaud, visibilité moyenne
Récit de la sortie
Entre le Rissiou et moi il y a une histoire inachevée. Il y a 5 ans j’étais tombée sur une photo de la vue du sommet sur le site des 7 Laux et son escalier de lacs. Cette vue à peu près unique m’avait convaincue d’aller bivouaquer dans les pentes du Rissiou, à l’occasion d’une vadrouille entre Grandes Rousses et Allemond.
J’étais montée depuis la vallée de l’Eau d’Olle, par le sentier confidentiel qui serpente sur le versant nord. Mais une fois sous les pentes sommitales...je débutais dans le hors-sentier et l’arête nord m’avait impressionnée. Pas de sommet du Rissiou ce jour-là !
Alors aujourd’hui c’est la remontada (bon d’accord...il y a des jeux de mots qu’on ne peut pas laisser passer). Je vais aller au sommet par l’arête sud grâce au topo ; puis, si possible, redescendre par l’arête nord et mon itinéraire de 2016.
Je ne ferai pas de topo de cette traversée, l’on comprendra bientôt pourquoi.
Soyons honnêtes. Aujourd’hui, si j’avais eu le moyen de monter depuis le Collet, je l’aurais fait. Pas tant pour le surcroît de D+ au départ de Vaujany (tout de même 50% de plus sur la dénivelée totale) que pour des questions d’efficacité horaire, surtout en ce jour de grosse chaleur où les heures fraîches valent de l’or. Reste que le sentier forestier est très agréable, moelleux au pied et délicieusement ombragé ; par ailleurs, comme il est bien écrit dans le topo que les abrutis ne prévoient pas assez d’eau, j’ai de bonnes réserves.
A partir de la cheminée d’équilibre, le décor se fait plus ouvert et la végétation plus exubérante. Sous le premier pylône EDF les floraisons prennent des proportions symphoniques, dans un déchaînement de couleurs et de formes ; dans le même temps l’espace, autour de moi, s’est élargi et je me sens comme suspendue entre les cimes de Belledonne et celles des Grandes Rousses.
C’est à la station météo, prévient que le topo, que la suite du parcours nous apparaît en plein. Wouah. Ma première réaction à cette vue a été "Ah mais non...Ça c’est une deuxième montagne !" ; suivi de "Tu es sûre que c’est bien dans tes cordes cette affaire...?"
Mais bon : un pied devant l’autre. Ou parfois d’ailleurs, une main devant le pied. Ou les deux. Bref, c’est comme le terrain l’exige, et ça passe. Avec toujours le petit plaisir de découvrir comment ça se présente derrière le prochain ressaut, le prochain décrochement, et la petite "solution" à trouver.
Arrive toutefois un passage où je trouve que je sors quelque peu de ma zone de confort...mais je ne tarde guère à comprendre qu’il s’agissait du fameux "passage délicat". Va toujours !
Le sommet arrive finalement plus vite que je ne l’avais anticipé. Objectif numéro 1 accompli. Je profite enfin de cette vue sur les 7 Laux qui m’avait tant fait rêver, et tant pis si l’air est poudreux...si mes photos sont médiocres...c’est ma petite victoire !
Pour l’objectif numéro 2, j’ai de bons espoirs. Vue d’en haut, l’arête nord semble plutôt débonnaire ; par contre je me félicite d’avoir délibérément attendu quelques semaines pour faire cette ascension : il reste encore de sérieux névés dans le cirque d’éboulis.
La descente de l’arête n’est pas très compliquée, mais j’y rencontrerai tout de même deux passages qui sont les petits frères du "passage délicat" de l’arête sud - peut-être parce que j’ai délibérément choisi de rester sur le fil pour des raisons d’efficacité. Me voici dans le cirque.
Et voici l’une des raisons pour lesquelles je ne ferai pas le topo de cette partie : ces pentes nord du Rissiou ne sont qu’un gigantesque champ d’éboulis, un enchevêtrement de blocs fracassés. Plutôt stable, mais il y en a pour 450m de dénivelé : il faut aimer... Aujourd’hui, les névés fondent à grosses gouttes et l’eau ruisselle sous les éboulis, invisible mais bavarde. Cette montagne qui sanglote est bien différente de celle que j’avais découverte sèche et silencieuse en août 2016 !
Ce qui serait bien, c’est que je trouve le sentier du premier coup. La dernière fois je ne l’avais pas bien relocalisé à la descente et j’avais dû faire le sanglier avant de retomber dessus...mais aujourd’hui j’ai de la chance : en m’alignant sur les repères visuels de mes souvenirs je tombe pile sur l’entrée du sentier.
Si l’on peut appeler ça un sentier. La végétation y est tellement haute que cela tient davantage d’une trouée dans la jungle...
Et voici la deuxième raison pour laquelle je ne propose pas de topo de cette partie : ce sentier confidentiel, que j’avais trouvé très praticable en 2016, semble n’avoir pas été entretenu depuis un ou deux ans. L’extension des branches de saules et d’alisier indique que nul n’y a porté le sécateur récemment ; quant à l’état de la végétation herbacée, il démontre seulement que le passage y est rare.
Les conditions climatiques de cette année ont rendu la mégaphorbiaie particulièrement exubérante. J’ai du pétasite jusqu’au ventre, du laiteron des Alpes à la poitrine, du chénopode et de l’oseille plein les mollets ; je ramasse tellement de graines et de poussières que j’ai sûrement pollinisé toute la montagne. Non seulement la végétation rend l’itinéraire paumatoire, mais je suis obligée en permanence de tâtonner des bâtons, façon canne blanche, car de grosses pierres jalonnent le sentier sous les feuillages ; sans parler des menus filets de torrent qui surgissent régulièrement pour vous graisser les semelles. Cela sur plus de 500m de D- : je n’ai jamais mis autant de temps à faire une descente.
Mais c’est égal ! En ressortant de l’Eau d’Olle où je me suis précipitée pour me débarrasser de mes échantillons portatifs de flore de montagne, je regarde le flanc du Rissiou - pas son sommet, qu’on ne voit pas du fond de la vallée - et je me dis que cette journée dans la plus grande sauvagerie valait vraiment, vraiment la peine.
Photos
Auteur : CourtePatte
Avis et commentaires
Merci de ta réponse CourtePatte..
Bonjour !
Le sécateur n’est pas encore indispensable cette année : les rameaux qui débordent sur le sentier sont encore souples. Mais en l’absence de taille, il y a lieu de s’inquiéter pour l’avenir.
Le reste de la végétation est constitué de plantes qui s’enterrent à la mauvaise saison donc en toute logique cela devrait être plus praticable à l’automne.
Sinon, les détails que j’ai notés sur l’arête nord :
- quelques portions de pente caillasseuse qui ne devraient pas poser de problème à un "pied montagnard" (je ne suis pas dotée de cet appendice alors je compense avec bâtons et prudence 🙂 )
- à deux reprises, vers le bas, j’ai dû faire un pas de contournement de ressaut dos au vide (genre le "passage délicat" de l’arête sud mais très bref). Je ne sais pas si c’était indispensable : à ce moment-là j’avais la flemme de chercher des contournements plus bas et je suis restée sur le fil.
L’un dans l’autre ça ne m’a paru ni long ni scabreux.
Le cas échéant je pourrai te donner quelques détails complémentaires sur la montée par le versant nord si cela t’intéresse.
Bonjour CourtePatte, bravo pour ce texte et l’ascension du Rissiou.
Ta descente par la combe nord, je l’avais programmé en aller-retour pour rentrer un topo mais s’il faut s’armer d’un sécateur je crois que je vais être obliger d’y renoncer.
Sinon du sommet pour prendre pied dans la combe, quelles sont les difficultés ?
😊
Quel talent de plume mêlant humour et poésie !
Je n’ai pas de Courte...line dans ma bibliothèque, mais j’y mettrais volontiers du Courte...patte !
Récit passionnant et très belles photos.
Très beau récit en plus d’une ascension courageuse, bravo !
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