Sortie du 20 août 2020 par pépite Pic du Marboré (3248m)
Depuis le temps que je rêvais de visiter ce sommet et de parcourir le haut du cirque de Gavarnie, c'est chose faite ! Au programme, des paysages à couper le souffle, des vues spectaculaires sur ce gouffre béant, du monde en été certes (surtout jusqu'à la Brèche de Roland), et un terrain lunaire, paumatoire et peu roulant. Ce qui en fait une randonnée intense, longue (compter 10h) et pas si simple pour atteindre le 2ème plus haut sommet des Pyrénées françaises après le Vignemale.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Ciel dégagé et atmosphère très claire en raison d’un fort vent froid du sud, tempétueux sur les sommets. Températures ressenties plutôt fraîches, proches de zéro à 3000m.
Récit de la sortie
Le Cirque de Gavarnie est un endroit qui m’est particulièrement cher. C’est ici que j’ai découvert l’ambiance si particulière de la haute montagne, en faisant l’ascension du Taillon en 2008, qui fut mon premier 3000. Un choc, suivi d’un déclic : désormais la montagne ferait partie de ma vie. Je suis revenu plusieurs fois dans le secteur depuis, mais sans jamais m’aventurer sur le haut du cirque proprement dit. Plus d’une fois le Marboré a été planifié, mais comme toujours, le manque de temps, la météo, les contraintes du quotidien ont fait le reste...
J’avais aussi promis à un ami cher qui commence à pratiquer et à aimer la montagne que je l’emmènerai sur son 1er 3000. Initialement ce devait être le Mont Thabor fin octobre 2019, mais la neige en avait décidé autrement. Alors ce sera le Marboré en 2020, un sacré morceau pour un 1er 3000 ! Pour parfaire le tout et se mettre vraiment dans l’ambiance, nous avons décidé de le faire sur 2 jours avec un bivouac.
Première difficulté : se garer au Col des Tentes en plein mois d’août... c’est une vraie foire là-haut, on voit de tout et surtout de n’importe quoi. Résultat, une demi-heure de perdue et 100m de dénivelé en plus... chargés comme on l’est, on s’en serait bien passé !
Deuxième difficulté : ne pas être allergique à la foule. Pour un ours comme moi, habitué aux secteurs tranquilles, le sentier jusqu’à la Brèche de Roland tient du chemin de croix. On y croise des centaines de personnes, je n’exagère pas ! L’avantage en partant à 14h, c’est que tout le monde redescend, on ne fait que croiser les gens, ce qui est toujours mieux que de monter en file indienne. J’abandonne vite l’idée de dire bonjour à chaque fois...
Troisième difficulté : rester calme face à bêtise humaine. Nous nous sommes carrément fait engueuler par un hurluberlu pseudo expert qui en avait marre de voir les gens marcher avec des bâtons, "ces trucs qui emm.... tout le monde". Incroyable, c’est la 1ère fois que cela m’arrive en 20 ans de randonnées ! En attendant, avec 15 kg sur le dos, un terrain raide et caillouteux à la descente, moi je sens bien la différence pour mes genoux, et pourtant je suis jeune ! "J’ai fait des 6000 moi" qu’il me répond. Et alors ? Je n’ai rien à prouver, ni à moi ni aux autres, je vais en montagne parce que j’aime ça, un point c’est tout !
Hormis ces petits écueils, l’itinéraire est de toute beauté, et les paysages très variés. Le franchissement de la cascade qui descend du glacier du Taillon (2400m, 1h, temps purement indicatifs car nous étions chargés) nécessite un peu de prudence, les rochers sont glissants et l’été, ça bouchonne... La chaîne présente il y a quelques années a été retirée.
Au Col des Sarradets (2589m, 1h30), une magnifique vue se dévoile sur le haut du Cirque de Gavarnie et ses terrasses suspendues. En face, le Marboré, encore bien loin, trône majestueusement, suivi par tous ses satellites, Pics de la Cascade, Épaule, Tour et Casque du Marboré. La Brèche de Roland apparaît tout à droite. Cela faisait 8 ans que je n’avais pas mis les pieds ici. Que de souvenirs ! C’est pour moi le plus beau cadre de montagne des Pyrénées, et le paysage n’a rien à envier aux décors de haute montagne des Alpes ! Le refuge de la Brèche de Roland, qui s’intégrait si bien dans ce paysage minéral auparavant, a été complètement défiguré par des travaux disgracieux. Comment en 2020 peut-on autoriser une telle verrue dans un paysage aussi magnifique, classé Parc National et Patrimoine Mondial ?
La montée vers la Brèche est raide et caillouteuse dans sa première partie, puis s’effectue sur des névés, vestiges du défunt glacier de la Brèche. Ces névés sont plus ou moins permanents et souvent en neige dure, nécessitant alors l’usage des crampons. À cette heure de la journée (16h), le passage s’effectue sans problème bien que quelques mètres soient délicats à négocier. Il vaut mieux éviter de glisser quand même, ce que fera un monsieur sous nos yeux lors du retour. Plus de peur que de mal heureusement, mais cela permet de se rendre compte que l’on prend très rapidement de la vitesse et combien une glissade est difficile à enrayer sans matériel... L’accès final à la Brèche de Roland (2807m, 2h15) nécessite quelques mètres de grimpette, dont le cheminement et donc la difficulté varient selon les années et l’état du névé (un peu délicat en 2020, facile lors de mes précédents passages, 2008, 2012). Un fort vent du sud s’engouffre dans la Brèche, le lieu est une véritable soufflerie, nous n’y resterons pas longtemps !
À la Brèche, on bifurque alors à gauche (tandis que la majorité des randonneurs tournent à droite vers le Taillon). Le sentier longe les parois et descend jusqu’au Pas des Isards (2750m, 2h30). Le passage est plus impressionnant que difficile, mais reste quand même très exposé malgré la chaîne. Il y a juste la largeur pour poser un pied, et l’erreur est interdite. Test réussi pour mon ami qui me disait qu’il avait une certaine appréhension du vide !
À partir du Pas des Isards, le cheminement parcourt les terrasses au revers du Cirque de Gavarnie et devient bien paumatoire. Il y a des traces partout, et des cairns en veux-tu en voilà, souvent pas forcément bien placés. Il est impératif d’avoir potassé un peu le sujet au préalable, faute de quoi on finit toujours une terrasse trop haut ou trop bas. J’encourage le randonneur à aller consulter certains sites où tout est très bien expliqué ("Topos Pyrénées" de Mariano, ou celui de Patrick Gourinel).
En gros, il faut toujours coller au plus près la paroi, donc rester le plus haut possible et ne pas s’engager sur des terrasses descendantes vers Ordesa, au risque de finir 500m trop bas... Il faut donc :
- Longer les parois du Casque au plus près.
- Une fois au Col des Isards, monter un peu plus franchement pour atteindre la cuvette entre le Casque et la Tour du Marboré. De là, on peut monter au sommet du Casque du Marboré (3006m).
- Suivre la large terrasse ascendante qui longe le flanc sud de la Tour.
- À la fin de cette terrasse, traverser un replat et repérer un système de failles dans la barre rocheuse qui nous fait face. Se diriger vers la dernière faille. Il s’agit d’une cheminée d’une vingtaine de mètres qui permet d’accéder à la terrasse supérieure. L’escalade n’est pas très difficile, du II un peu exposé sur la gauche, ou du III non-exposé mais étroit si on reste dans la faille proprement dite. Le haut de cette cheminée est marqué par un cairn bien typique, à mémoriser car pas toujours facile à retrouver au retour.
- De la terrasse supérieure, continuer en légère ascension vers le Col de la Cascade (2931m, 3h45). On peut aussi rester un peu en contrebas, mais on ne profite pas de la vue. Du col, on peut monter rapidement au sommet de la Tour du Marboré (3007m).
- Marcher alors à peu près à plat et plein est pendant environ 1h. On passe sous les parois de l’Épaule du Marboré (3073m), seul endroit où l’on peut trouver de l’eau courante, qui ruisselle sur les dalles calcaires.
- On descend alors de quelques dizaines de mètres dans une cuvette (2900m, 5h), où nous avons bivouaqué. Bien que l’endroit soit plutôt confortable, la nuit fut fraîche et ventée, donc courte ! Vu le vent, heureusement que nous n’avons pas bivouaqué au sommet, comme nous l’avions initialement prévu !
- Au niveau de cette cuvette, la barre rocheuse qui nous surplombait s’abaisse, formant une sorte de V et donnant accès au gradin supérieur (passage en II). Juste après ce passage, on trouve la bifurcation à droite pour continuer vers le Mont Perdu. Pour le Marboré, c’est tout droit !
- On traverse les ondulations d’un plateau calcaire, pour redescendre en direction d’une petite gorge souvent enneigée, qu’il faut traverser.
- À la sortie de cette gorge, on attaque les pentes finales du Marboré. Le terrain est bien raide mais cela passe à peu près partout. À gauche, à la limite entre les rochers bruns et gris, on trouve un semblant de sente gravilloneuse et glissante. À droite, on peut monter dans les éboulis bruns un peu plus gros. Il faudra alors songer à revenir sur la gauche par la suite.
- On atteint alors le sommet du Marboré (3248m, 6h15), qui n’est qu’un vaste plateau lunaire. La vue sur le Cirque de Gavarnie est hallucinante, on est face à un gouffre de plus de 1,5km de profondeur dont on voit à peine le fond ! Il est 9h du matin, nous sommes les premiers de la journée. Un vent tempétueux et froid balaie le plateau. Les rafales nous empêchent presque de tenir debout, ce qui gâche un peu mon plaisir sur ce sommet tant convoité. Nous n’y resterons finalement qu’une trop courte demi-heure.
Pour la redescente, nous avons opté pour le même itinéraire, n’étant pas très sûr du cheminement par les Pics de la Cascade. 2 petits points de vigilance à noter :
- Dans ce sens, il n’est pas si simple de trouver le cairn du haut de la cheminée de la Tour du Marboré.
- Le Pas des Isards se passe en sens descendant, et avec la fatigue accumulée, paraît plus compliqué qu’à l’aller. Nous avons essayé de le contourner, ce n’est pas pratique du tout. Il faut traverser à vue de gros éboulis en contrebas, passer sur une vire entre 2 barres rocheuses et remonter la fine pente de graviers jusqu’à la Brèche. On y perd facilement 1h en tout. Finalement, le Pas aurait été plus commode !
Photos
Auteur : pépite
Avis et commentaires
Merci pour vos retours !
Beaucoup de monde en effet, mais après la Brèche c’est finalement très tranquille, juste quelques personnes par-ci par-là, et plus d’espagnols que de français.
Sinon hors-saison en semaine, pour avoir expérimenté, cela reste relativement calme.
De toute façon la majesté des paysages fait vite oublier la fréquentation !
Ha Gavarnie, c’est trop beau.
OK il y a du monde mais pas plus que dans d’autres endroits et c’est juste grandiose. Ensuite la foule, on peut l’éviter en sortant des sentiers battus ou en partant plus tôt.
C’est superbe ce secteur, sauvage, les couleurs sont magnifiques et la lumière est vraiment différente des Alpes du sud. Ça fait envie, mais que de bipèdes ... pouah ! En 4 ans je n’en ai pas vu autant.
Quelques magnifique images sur les plissements illustrent bien la puissance de cette nature, impressionnant.
Et bien ! Pour moi qui ne suis pas sûre de mettre un jour les pieds à Gavarnie (trop peur de sa fréquentation), ce compte-rendu est un petit voyage à lui tout seul. Merci !
Je note que, si le relief pourrait éventuellement passer pour quelque site des Alpes calcaires, il y a quelque chose dans la lumière et le ciel qui trahit tout de suite les Pyrénées.
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