Tresenta estivale (3609m)
- Randonnée
- Italie / Grand Paradis
- Difficulté :
- Difficile
- Dénivelé :
- 1650m
- Durée :
- 8h30
Située au fond du splendide cirque glaciaire de Moncorvé, entre le majestueux Ciarforon et les remparts sud du Grand Paradis, la Tresenta est plutôt considérée traditionnellement comme une course d'alpinisme facile sur glacier et neige. Cependant, depuis quelques années déjà, le retrait du glacier du Moncorvé rend possible l'accès à ce sommet en mode randonnée, en été et lorsque les névés ont suffisamment fondu. La pyramide de la Tresenta se présente alors comme un abominable tas de cailloux, et tout particulièrement à sa base où il faut affronter un éboulis extrêmement instable. C'est le prix à payer pour s'offrir, à une altitude rare pour le randonneur, un formidable panorama de haute montagne. – Auteur : Caillou
Accès
De la vallée centrale d’Aoste, rejoindre le village d’Introd, au-dessus duquel on trouve la bifurcation entre le Val de Rhêmes et le Valsavarenche. On poursuit la longue route qui remonte ce dernier, jusqu’à son terminus au hameau de Pont, où se trouve un immense parking (gratuit). Ce lieu est très fréquenté l’été et il pourra être difficile d’y trouver des places en journée.
Précisions sur la difficulté
- Itinéraire sans difficulté jusqu’au Rifugio Vittorio Emanuele II, sur un sentier très aménagé et plutôt confortable.
- Hormis un court mais sévère raidillon un peu désagréable pour grimper sur le plateau morainique au-dessus du refuge, la suite n’est pas bien difficile : il suffit de suivre tranquillement la sente jusque vers 2950m en direction du fond du cirque.
- S’ouvre ensuite un chapitre navigation, où il s’agit de se frayer un chemin dans un dédale de dalles afin d’atteindre la base de la pyramide de la Tresenta. Plusieurs variantes existent ici ; je décris dans ce topo un des itinéraires possibles, qui suit une ligne de cairns.
- Arrivé à l’altitude du glacier, le terrain se dégrade de plus en plus : les dalles découvertes par le retrait glaciaire se recouvrent progressivement de cailloux et rocs de toutes tailles dégringolés de la Tresenta, jusqu’à un court secteur où la glace est encore visible entre/sous les rochers (en 2022).
- Le point clé de cette randonnée, c’est l’éboulis bien raide au pied de la Tresenta qui permet d’accéder aux pentes supérieures. Celui-ci est absolument ignoble : absolument rien ne tient en place. C’est cet éboulis qui, en recouvrant le reste de glacier présent dans cette zone, permet de passer sans poser les pieds sur la glace, mais on n’y gagne vraiment pas au change ! Malgré la grosse taille des rochers qui le composent, il a pour particularité d’être d’abord croulant (un appui sur un rocher va commencer par le faire glisser un peu/beaucoup dans la pente en même tant que tous ses voisins), puis si l’appui est mal dosé, le rocher peut carrément basculer et dévaler jusqu’au pied du couloir. Il faut en permanence peser chacun de ses pas et prendre garde à ne pas, avec la jambe amont, se faire tomber un rocher de plusieurs dizaines de kg sur la jambe aval ! Il est presque impossible de ne pas faire partir quelques pierres dans la pente : si plusieurs personnes sont présentes dans la zone, il faut à tout prix éviter d’évoluer les uns au-dess(o)us des autres. Bien entendu, le casque est vivement recommandé, pour ne pas dire indispensable.
- Heureusement, ce sont essentiellement les 100 premiers mètres à la base de la pyramide de la Tresenta qui sont vraiment épouvantables. Plus on monte et plus le terrain s’améliore. Et une sente relativement stabilisée ré-apparaît sur les 200 derniers mètres sous le sommet. Il y a en tout environ 600m de dénivelé à effectuer en terrain usant.
- En dehors de cet éboulis, il n’y a aucun autre passage "technique" à proprement parler. Il n’y a aucun pas d’escalade et aucune exposition.
- Histoire de rajouter un peu de difficulté, l’essentiel de cet itinéraire s’effectue complètement à contre-jour le matin, ce qui bien entendu ne facilite pas du tout la navigation tant globale que locale.
- Ce topo décrit un itinéraire (presque) totalement déneigé. À ces altitudes, dans un cirque glaciaire, les conditions d’enneigement du final sont certainement très variables d’un été à l’autre. La présence de névés dans les pentes de la pyramide peut aisément faire sortir cet itinéraire du cadre de la "simple" randonnée et nécessiter des équipements spéciaux (crampons, piolet, encordement, ...).
Photos
Les infos essentielles
- Carte : L’Escursionista N°9 - Valsavarenche, Gran paradiso
- Altitude minimale : environ 1950 m
- Altitude maximale : 3609 m
- Dénivelé cumulé : environ 1650 m
- Distance : environ 17.5 km (A/R)
- Horaires : montée en 4h30 à 5h, descente en un peu moins de 4h
- Matériel : casque plus que bienvenu ! Selon les conditions de neige, des crampons peuvent se révéler nécessaires, mais on flirte alors avec les limites du cadre "randonnée".
- Balisage : Sentier n°1 jusqu’au refuge, bonne sente avec cairns jusque vers 2950m, puis hors sentier plus ou moins bien cairné, et enfin retour d’une sente sous le sommet.
Cet itinéraire est entièrement situé sur le territoire du Parc national du Grand-Paradis.
Attention : tout ou partie de l'itinéraire se trouve hors-sentier. Cela nécessite un bon sens de l'orientation. L'imprécision du tracé peut être grande car dessiné manuellement (non relevé sur le terrain).
Chargement de la carte en cours
Itinéraire
Important :
Le tracé GPX du topo n’est pas issu d’un relevé de géolocalisation effectué sur place, mais a été dessiné à la main après la rando. Jusque vers 2950m, j’ai suivi manuellement le sentier, visible sur les photos aériennes disponibles sur différentes ressources Internet. Ensuite, le tracé GPX n’est qu’indicatif et a été reconstruit en se basant sur mes souvenirs, les photos prises sur place et la comparaison avec les différents outils de cartographie (photos aériennes, cartes topographiques).
Montée au refuge
Du parking, suivre le balisage du sentier n°1 et se diriger vers le pont permettant de changer de rive. On emprunte une piste qui longe le torrent Savara. La piste se scinde en deux au bout d’environ 400m. Le balisage nous fait emprunter celle de gauche en direction du Rifugio Tetras Lyre, même si celle de droite y mène également. Tout ce premier tronçon sur un gros kilomètre est certes parcouru dans un très joli cadre, mais s’effectue quasiment à plat !
Après le refuge, la piste se transforme en chemin, franchit un gros torrent sur un pont et commence à grimper en lacets à travers une charmante forêt de mélèzes, dont on sort progressivement vers 2100m. Ce chemin est très aménagé, avec de nombreuses parties empierrées (surtout au début). On poursuit tranquillement notre ascension en enchaînant les innombrables lacets de ce sentier n°1 jusqu’au Rifugio Vittorio Emanuele II à 2732m d’altitude. Malgré la perte de temps du premier secteur plat, j’ai trouvé la montée au refuge plutôt efficace (bon compromis effort/durée), effectuée en 1h40.
Traversée du plateau
On emprunte la petite digue artificielle du Lac de Moncorvé pour rejoindre l’imposante moraine qui domine le lac, haute d’une centaine de mètres environ. La pente s’accentue progressivement et les derniers mètres sont particulièrement raides sur un terrain un peu glissant.
Arrivée sur le plateau morainique, la sente se poursuit. Elle effectue quelques virages et oscillations pour éviter différents obstacles dans une zone très accidentée. Puis le terrain s’aplanit et s’assagit pour devenir très confortable, et la sente file alors presque en ligne droite, cap sur le Colle del Gran Paradiso.
Environ 1,5 km après le refuge, dans une zone très plate vers 2950m, la sente traverse le torrent (rive droite vers rive gauche) qu’on longeait depuis quelques minutes, et grimpe en zig-zags le plan incliné en face de nous sur l’autre rive. C’est à partir de ce point que plusieurs variantes de montée semblent exister. Je n’ai pas suivi la sente : j’ai obliqué franchement sur la droite, plein sud, pour rejoindre au plus court la barrière de dalles. On franchit un petit bombement pour redescendre très légèrement sur le lit d’un second ruisseau qu’on traverse et on se retrouve au pied de cette muraille de dalles. Dès lors, on retrouve une ligne de cairns qui nous indiquent un cheminement le long d’une efficace rampe naturelle, globalement dirigée dans l’axe de la Tresenta. La navigation le long de cette rampe est assez intuitive, sans véritable sente mais régulièrement cairnée, et le terrain, assez caillouteux, n’est malgré tout pas trop désagréable.
Ascension de l’éboulis
Au bout de la rampe, on rejoint un secteur assez plat du socle rocheux à la base de la pyramide de la Tresenta. On tourne alors vers la droite pour se diriger vers le fameux point clé de l’ascension : l’éboulis infernal. J’ai mis environ 1h30 depuis le refuge pour atteindre cette zone. Plus on s’en rapproche plus le terrain devient chaotique, le sol étant jonché de cailloux, rochers, blocs, de plus en plus gros et nombreux, rendant la progression très fastidieuse.
On arrive alors au pied du couloir de montée, dans un secteur où l’éboulis a enseveli le reste de glacier qui se trouvait là : on voit encore par endroits la glace affleurer juste sous la couche de caillasse. L’avancée était déjà lente à plat, cela devient un calvaire dès qu’il faut monter. Pas un caillou ne reste tranquillement en place. Il faut une concentration maximale à chacun de ses pas. Il n’y a pas vraiment de "bonne" trajectoire dans cet éboulis ; à la montée je suis passé plutôt au milieu, et à la descente plutôt main droite (en bordure du rognon rocheux) : le comportement dynamique du terrain est légèrement différent, mais ça reste extrêmement mauvais partout. C’est assez épuisant mais heureusement pas si long que ça : la partie la plus infâme s’étale sur moins d’une centaine de mètres de dénivelé, et la stabilité du terrain s’améliore vite dès qu’on a surmonté la première bosse.
Même si c’est un soulagement d’arriver à cette première bosse, le travail n’est pas pour autant terminé. La pente reste raide pour franchir une seconde bosse, toujours dans de la grosse caillasse, mais beaucoup moins instable maintenant. Au sommet de la seconde bosse, on trouve une sorte de petit vallon suspendu qui part vers la gauche. Il est tentant de l’emprunter, mais ce n’est en fait pas très intéressant, et il faut plutôt rejoindre l’arête Ouest sur la droite au prix d’un nouveau raidillon dans les éboulis pas trop instables.
Final
À partir de là, le plus dur est passé, il ne reste plus qu’à faire preuve de patience et d’endurance pour finir les 250 derniers mètres. En remontant cette arête Ouest en direction du sommet, on commence à retrouver de plus en plus de morceaux de sentes qui rendent le cheminement plus confortable et moins usant. La pente est assez régulière et reste bien soutenue tout le long.
Moins d’une centaine de mètres sous le sommet, on trouve une bifurcation entre deux variantes d’accès. Sur la gauche, la sente file en zig-zags serrés directement en direction de la cime, mais on y rencontre des pentes devenant de plus en plus raides et escarpées jusqu’au bout. Sur la droite, le cheminement est significativement moins raide : la sente part d’abord rejoindre l’arête Sud, puis y termine les derniers mètres d’ascension. Il m’aura fallu 1h10 depuis la base de la pyramide pour atteindre la cime de la Tresenta (3609m), sans ménager mes efforts.
Le sommet, constitué d’un empilement de gros blocs, n’est pas très spacieux, et moyennement confortable. On y profite d’un point de vue de premier choix sur quelques sommets emblématiques du secteur, avec en têtes d’affiche l’imposant Grand Paradis et le très photogénique Ciarforon.
Auteur : Caillou
Avis et commentaires
Bonsoir Caillou,
Merci beaucoup pour cet excellent topo qui m’a bien servi cette semaine !
Il est complet et d’une rare précision, merci encore.
Sans aucune recherche d’itinéraire, j’ai pu expédier la montée en moins de 4h.
L’éboulis infernal est conforme à ton descriptif.
A la descente, c’est significativement meilleur en prenant en direction du glacier (droit dedans).
Je mettrai une sortie sans faute quand j’en aurai le temps !
Bonjour,
Excellent topo ! On suit pas à pas et on a l’impression de sentir et d’entendre rouler les gadins sous les pieds. Très bien les indications sur les photos, tant pour l’itinéraire que pour les panoramas.
Pour faire couleur locale, en Italie les cairns se disent « ometti » (« ometto » au singulier) ce qui signifie « petits hommes ».
Photos 59 et 60 : Voilà un glacier qui tout couvert de neige pourrait sans doute être qualifié de « débonnaire » !
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