L’eau dans la Nature : 14 règles contre la soif.
L’objectif de ce dossier est de vous fournir des règles simples et vraiment utiles.
Surtout si vous avez pour habitude de ne pas respecter les topo-guides et de tracer vos propres routes (nous avons ça en commun, ça tombe bien…).
Vous verrez, avec un peu de pratique vous serez très vite armés pour ne plus craindre la soif.
Sers-moi un verre…peu importe de quoi.
Bon. Réussir à me retourner sans me provoquer de nouvelles crampes dans le dos…
Raté.
Il est 23h, j’ai passé une journée à transpirer et je n’ai pas bu une goutte depuis le milieu de l’après-midi. D’où de douloureux symptômes de déshydratation à chaque mouvement sur mon matelas de sol. Joie, bonheur et bouche pâteuse.
Au bout de quelques heures à tenter d’étirer des muscles qui ne se laisseront vraisemblablement pas faire, je commence à envisager différemment la flaque d’eau boueuse en contrebas de mon bivouac.
"Ce qu’il me manquait à ce moment-là, c’était une poignée de règles simples à appliquer facilement."
Une ébullition et un sachet de thé plus tard, la conclusion de cette mésaventure s’impose logiquement : le temps est venu d’avoir une vraie stratégie concernant l’hydratation.
Ce qu’il me manquait à ce moment-là, c’était une poignée de règles simples à appliquer facilement. Le problème est que je m’étais toujours retrouvé devant de la documentation qui en disait plus que nécessaire (sur la question des pathogènes et des besoins physiologiques par exemple). Ce qui parfois peut être utile mais qui dans ce cas, empêche de retenir l’essentiel et surtout de s’en souvenir quand notre gourde est désespérément vide.
L’objectif de ce dossier sera donc de vous fournir des règles simples et vraiment utiles.
Surtout si vous avez pour habitude de ne pas respecter les topo-guides et de tracer vos propres routes (nous avons ça en commun, ça tombe bien…).
Vous verrez, avec un peu de pratique vous serez très vite armés pour ne plus craindre la soif.
Commençons par le commencement : comment trouver un point d’eau ?
Rien ne sert de parler de matériel ou de nos besoins, si nous ne savons même pas où trouver le précieux liquide une fois en pleine Nature… Quelques notions à appliquer à chaque sortie :
• #1 : Utilisez votre carte.
C’est votre premier outil. Mon habitude est devenu de tracer ma route en fonction des points d’eau disponibles. Vu du ciel, mes trajets ne sont qu’un zigzag permanent. Bien entendu, si vous traversez un ruisseau tous les kilomètres vous pouvez vous permettre d’être plus direct…
Mais je vous conseillerai de toute façon dans ce cas de ne transporter que très peu d’eau et de continuer à dessiner votre chemin selon les sources de ravitaillement.
Si vous avez le choix, privilégiez l’eau qui coule (ruisseaux, rivières,…) à l’eau qui « stagne » (flaques, mares, lacs,…).
• #2 : Cherchez les creux et les pentes.
En montagne au fond d’une vallée, il y a de fortes chances de trouver de l’eau. Tout simplement parce que les pentes (surtout si elles sont quasi étanches) canalisent l’eau de pluie vers les creux.
Le point de rencontre de plusieurs pentes ou un creux dans le paysage veut souvent dire accumulation d’humidité à cet endroit.
D’ailleurs, lorsque vous descendez le cours d’un ruisseau, le volume de ce dernier augmente peu à peu, tout simplement parce que les pentes sur son parcours lui apportent de plus en plus de précipitations.
• #3 : Cherchez des végétaux plus verts qu’ailleurs.
Là où il y a de l’eau il y a de la vie. Ce qui veut dire une végétation en comparaison plus dense et au feuillage plus vif que sur le reste du territoire. Plus cela tire vers le vert fluo, plus on a de chances de trouver de quoi se réhydrater. Et c’est logiquement dans un creux ou à la rencontre de plusieurs pentes qu’il faudra regarder.
Point culturel : c’est d’ailleurs une des méthodes utilisée par les premiers explorateurs des déserts Australiens (et ça c’est la classe).
"Pentes et végétation vive : l’endroit parfait pour trouver de l’eau."
On notera que c’est aussi là que beaucoup de traces d’animaux ont tendance à se diriger. Mais pour un œil non averti ce n’est pas toujours évident. C’est un vrai métier, donc évitez de vous fier à vos talents de pisteur à moins d’être parfaitement entraîné et sûr de vous.
Le bar n’ouvre pas tout de suite : la purification.
L’eau dans la Nature contient tout un tas de contaminants. Les protozoaires (Giardia,
cryptosporidium,…), les bactéries et les virus sont les plus évidents, mais on trouve aussi selon le lieu de récolte des polluants chimiques (industries et élevages) et radiologiques (tout aussi sympas).
Ces deux dernières catégories sont redoutables car difficiles voir impossibles à extraire complètement.
Rendre potable la seule boisson indispensable à la vie implique donc quelques connaissances :
• #4 : Puisez l’eau la plus propre possible.
Plus le liquide sera propre au départ et moins vous aurez à le traiter. : logique.
Pour estimer la qualité de votre point d’eau, le mieux est de se poser quelques questions :
"Si vous répondez non à ces 4 questions, votre point d’eau est donc de bonne qualité."
- a. Y a t-il de la pollution en amont ? Plus vous remontez un cours d’eau vers sa source, moins l’eau est chargé en polluants divers. À moins, bien sûr, que le terrain au-dessus ou autour de la source soit lui-même pollué (par un lac, un campement, des déjections, un animal mort, la présence d’une industrie ou d’un élevage). Malheureusement, si la source en question est trop éloignée, il faudra un peu s’en remettre à la chance ou vous abstenir jusqu’au prochain point d’eau. À vous de juger, selon la situation et les risques que vous êtes prêt à prendre.
- b. Le volume du cours d’eau est-il faible ? Plus il est important plus votre eau sera propre, tout
simplement parce que les polluants s’y retrouvent dilués.
Il y a donc un point d’équilibre à trouver entre proximité de la source et volume du cours d’eau
(et oui c’est parfois difficile, je vous l’accorde).
- c. L’eau est-elle trouble ? Si oui, il est peut-être possible de la filtrer (voir point #5) ou de
descendre un peu pour trouver plus de volume (donc une eau plus claire).
Dans le cas d’un lac ou pire d’une flaque, il vous faudra ne puiser que les premiers centimètres du liquide (ceux qui reçoivent le plus d’U.V. et ont le moins de particules en suspensions). Le plus simple pour çela reste d’utiliser un quart ou une popote et de faire preuve de précision.
- d. L’eau est-elle stagnante ? Moins l’eau est stagnante moins elle est sujette à l’accumulation des polluants. Préférez donc un filet d’eau (même mince) à une flaque.
Si vous répondez non à ces 4 questions, votre point d’eau est donc de bonne qualité.
Il m’arrive même parfois de me passer de purification si tous les feux sont au vert. Mais c’est personnel et je ne vous pousse pas à m’imiter sur ce point.
Dans le doute, je préfère toujours traiter l’eau que de me retrouver avec une diarrhée explosive au milieu de la nuit (et non, pour une fois ce n’est pas du vécu !).
• #5 : Filtrez-la…
C’est le point le moins obligatoire pour rendre votre eau potable.
Pourquoi ? Parce qu’en l’absence de suspicion de pollution chimique ou radiologique (en choisissant les points d’eau consciencieusement - voir point #4), vous pouvez vous passer de filtration sur une eau trouble.
La condition sera d’utiliser un traitement chimique à base de dioxyde de chlore liquide. Il sera suffisamment efficace pour éliminer les pathogènes présents même dans une eau trouble et froide.
Si vous souhaitez quand même un peu améliorer l’aspect de votre breuvage, inutile d’investir dans un filtre à pompe ou à paille du commerce. Ils sont en général chers, lourds et se bloquent de toutes façons rapidement en présence de sédiments en suspensions.
Certes, certains modèles filtreront les protozoaires et les bactéries (mais pas les virus) et diminueront un peu les contaminants chimiques et radiologiques.
Néanmoins, leurs avantages sont moins nombreux que leurs inconvénients et le choix d’une bonne source sera de toute façon recommandée.
Du coup, comment améliorer grandement une eau trouble à moindre coût (et poids) ?
En utilisant simplement un bout de serviette en microfibre (celle qui me sert un peu à tout au bivouac) et un petit entonnoir de cuisine.
Vous verrez souvent cette technique dans une version un peu différente (avec un bandana ou un bout de tissu utilisé dans la longueur). J’ai toujours été déçu du peu de débit obtenu (un goutte-à-goutte au mieux). L’utilisation d’un bout de serviette en microfibre accélère grandement le processus et rend enfin ce système utilisable autrement qu’en cas d’urgence.
(Filtre avec une serviette microfibre et un petit entonnoir…)
(…le débit est bien plus conséquent qu’avec un bandana…)
(…pour un résultat tout aussi efficace.)
• #6 : …puis faites-la bouillir…
C’est la solution classique qui à fait ses preuves. La controverse vient par contre souvent du temps d’ébullition nécessaire. Dans nos contrées, amener l’eau à l’ébullition franche (grosses bulles) suffit largement. Même en altitude. En zones tropicales ou à fortes concentrations virales préférez un traitement chimique.
• #7 : …ou utilisez du dioxyde de chlore.
Les traitements chimiques sont utilisés contre les protozoaires, les bactéries et les virus. Ils existent sous formes de tablettes ou sous formes liquides. Cette dernière est la moins utilisée en France et c’est bien dommage, car ses avantages sont nombreux.
La marque Aquamira commercialise le traitement le plus connu outre-Atlantique.
À base de dioxyde de chlore stable (une molécule utilisée pour l’eau du robinet par de nombreux services publiques à travers le monde), son utilisation est simple, laisse peu ou pas de goût et son action est extrêmement rapide (40 min maximum). Si on ajoute à ça un poids très léger, un coût modéré et une action qui reste efficace sur de l’eau trouble ou très froide (là où les tablettes ont des difficultés), on obtient au final la meilleure forme de purification sur le marché. Bien plus avantageux à mon sens que le DCCNa (Micropur Forte).
Le seul défaut de l’Aquamira reste l’obligation d’attendre près de 4 heures pour l’élimination du seul cryptosporidium. Peu d’utilisateurs (dont votre serviteur) respectent néanmoins ce point.
Chacun est en définitive libre de ses choix, mais si vous avez un doute, n’hésitez pas à patienter le temps nécessaire.
La suite du programme : les besoins.
Vous connaissez maintenant les techniques nécessaires pour trouver et produire un liquide potable (au sens propre comme au figuré). La question qui se pose naturellement est donc de savoir quelle dose il vous faudra ingurgiter…et c’est précisément ce que nous allons voir ici.
• #8 : Beaucoup de pipi, le plus transparent possible.
C’est le meilleur indicateur de votre niveau d’hydratation. Si vos urines sont abondantes et de couleur claire c’est que vous êtes correctement hydraté. Attention cependant, si vous ingérez un autre type de liquide (si vous randonnez à la bière par exemple, c’est une façon de voir le monde…), les données seront automatiquement faussées. Vous serez déshydraté mais avec des urines d’un blanc limpide et le volume d’une rivière en crue. Du coup…restez-en à l’eau !
• #9 : Buvez tout le temps et en petite quantité.
Pour tout un tas de raisons dont je vous épargnerai le détail, c’est le moyen le plus rapide et efficace de s’hydrater. Point.
• #10 : Transportez le minimum d’eau tout en restant parfaitement hydraté.
L’eau pèse lourd. Il ne sert donc à rien d’en avoir 3 litres sur le dos si vous croisez une source tous les kilomètres. Le jeu sera d’évaluer vos besoins pour trouver un point d’équilibre.
Nous avons besoin de 2 à 5 litres d’eau par jour selon la température, l’effort et la personne. C’est une fourchette intéressante mais trop imprécise. La technique d’évaluation la plus simple sera d’extrapoler votre consommation à partir de celle des jours précédents et des conditions rencontrées entre les deux sources.
Plus de distance, de dénivelé et des températures plus chaudes voudra dire plus d’eau sur le dos.
Si vous avez du mal à évaluer correctement les quantités nécessaires, prenez-en un peu plus que prévu. Vous vous délesterez du poids supplémentaire en buvant plus. Tout simplement.
• # 11 : Faites des pauses et « chamélisez ».
Une fois à une source, prenez votre temps. Profitez-en pour grignoter quelque chose d’un peu salé (surtout si vous êtes déshydraté, ça vous évitera une hyponatrémie) et faire un point sur la route à suivre.
Une fois sur le départ avalez encore un peu d’eau. légèrement plus que nécessaire. Ça s’appelle « chaméliser » (stocker l’eau là où elle doit l’être : dans votre corps) et ça vous changera la marche. Promis.
• # 12 : Économisez le carburant, ralentissez.
C’est exactement la même logique que sur la route. Un rythme qui ralentit, des vêtements appropriés à l’effort (que vous pouvez même mouiller avec de l’eau non potable…effet « frigo » garanti) ainsi que des pauses aux heures les plus chaudes, c’est moins de liquide perdu au final.
• # 13 : Démarrez et finissez la journée avec un demi-litre d’eau.
Buvez avant de vous coucher et en vous réveillant, au moins un demi-litre d’eau à chaque fois, vous permettra de récupérer plus facilement. Si vous êtes sujet aux tendinites, ce sera le moment de mettre une cuillère à café de bicarbonate de sodium dans votre gourde. C’est extrêmement efficace pour lutter contre les inflammations et ça ne coûte rien.
De même un complément en multi-vitamines et minéraux sera le bienvenu à ce moment de la journée. L’effort et la nourriture de randonnée (assez pauvre en micronutriments) en augmentent grandement les besoins.
La règle bonus : la gourde qui va bien.
Quand il s’agit d’emporter de l’eau dans son sac à dos, le choix du contenant devient capital. Il est en effet très désagréable d’avoir une gourde qui fuit au milieu de nulle part ou un arrière goût de plastique bien présent à chaque gorgée. Je ne passerai pas en revue ici la totalité des solutions existantes sur le marché (tant l’offre est pléthorique) mais juste celles que j’ai testé et retenu au fil du temps. Rien de révolutionnaire, ce sont les mêmes que beaucoup de randonneurs ultra-légers
de par le monde. Du fiable et éprouvé donc.
• # 14 : Choisissez les contenants appropriés :
Le choix de la gourde dépend en général du terrain traversé et de la disponibilité des sources de bonne qualité sur le trajet.
Si beaucoup d’eau à disposition : deux gourdes souples Platypus Softbottle d’un litre chacune. Et pour tous les autres trajets des gourdes souples Platypus Platy Bottle de deux litres.
Deux gourdes, c’est la configuration minimale requise qui vous permettra d’effectuer des roulements pendant l’attente liée à la purification ou d’avoir un récipient de rechange en cas de fuite.
Le choix de ces modèles vient du fait qu’outre leur durabilité, ils sont aussi peu chers, très ne prennent pas de place à vide et ne laissent que peu ou pas de goût dans votre breuvage.
Une autre solution viable et très utilisée reste de récupérer une simple bouteille d’eau ou de soda (plus durable). C’est moins compact mais encore moins cher et tout aussi léger (ça reste ma solution de secours en cas d’imprévu)…
(© Platypus)
Les gouttes de purification peuvent être aussi transvasées dans trois contenants plus légers, de types bouteilles comptes-gouttes.
Veillez juste à bien choisir des contenants opaques comme ceux du lien et à bien noter quelle bouteille contient quel produit. La troisième bouteille, le « Mix », vous permettra de composer le mélange le matin et de l’avoir sous la main dès qu’il vous faudra désinfecter votre eau.
L’Aquamira, une fois les deux composants mélangés, à une durée de vie limitée. Si le « Mix » passe du jaune brillant au jaune terne c’est qu’il vous faudra recommencer l’opération. Ne prévoyez donc pas trop de mélange d’avance. Juste ce qu’il vous faudra pour votre journée.
(Aquamira dans mini-bouteilles : tant que la couleur est jaune vif le mélange reste actif)
Avec un peu de pratique…
Ces 14 règles sont tout ce dont vous aurez besoin pour pouvoir gérer efficacement vos besoins en eau.
Les pratiquer et les maîtriser, c’est faire le pas le plus important pour s’affranchir des structures humaines.
Et ne plus être tenu par les routes dessinées par d’autres, c’est en définitive entrer dans un monde fait d’Aventures et de nouvelles possibilités.
Auteur : Antoine Boutignon