Sortie du 18 septembre 2024 par Pascal Pic de Tenneverge (2989m) par Emosson
Un des sommets sur la liste des "à faire" depuis un certain temps déjà... Solitude totale sitôt quitté la route du barrage d'Émosson, et on naviguera dans un décor bien varié avant l'assaut final de l'immense citadelle de pierre.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Beau au-dessus des nuages bas recouvrant les plaines, assez frais par un petit vent du nord. Bourgeonnement de cumulus sur les massifs et arrivée de gros nuages depuis l’Italie en cours d’après-midi, se dissipant en début de nuit.
Récit de la sortie
Le Tenneverge, enfin... Ce sommet dominant le Haut-Giffre, bien visible durant de nombreuses escapades dans la région, méritait bien une ascension... Certes, il faut de la route pour se rendre à Émosson, mais on n’envisage pas l’ascension par le versant Giffre, une toute autre affaire dont les 2000m de dénivelé pur style "Haut-Giffre" n’ont rien d’une rando classique sur bon sentier régulier...
Bon, voilà, il est déjà 10h30 au barrage d’Émosson, mais le sommet se trouvant seulement guère plus de 1000m plus haut, ça devrait le faire... En tout cas, la journée est magnifique, et le vent, bien que frais, semble avoir suffisamment fait fondre le saupoudrage automnal arrivé 5 jours plus tôt.
Mais c’est sans compter les plus de 5km de route et de sentier pour contourner le lac, ce qui prendra déjà une grosse heure, et certainement autant au retour... Cependant, le décor est superbe, le long du lac turquoise vif entre les rochers moutonnés rayés de verdure, dominés par les sommets minéraux encore zébrés de blanc, le tout éclairé par le frais soleil automnal...
Enfin, la montée commence, à la transition géologique séparant le cristallin des Aiguilles Rouges du sédimentaire du Haut-Giffre. Le décor change brutalement, alors qu’on se dirige vers ce qui reste du glacier de la Finive, étendue de glace noire et caillouteuse que quelques stries de neige fraîche tentent d’égayer... Les crampons ne seront pas du tout nécessaires.
Puis on délaisse la glace pour l’herbe. N’ayant pas vu la sente qui passait plus haut, on s’offrira un petit hors-sentier dans les pentes de verdure, ce n’est pas plus mal, et on rejoindra la sente plus haut sous la montée finale sur la crête de Vers l’Homme. On profitera de ce sommet herbeux pour une petite pause relaxante avant d’attaquer la minéralité de l’autre côté...
Car maintenant, le Pic du Tenneverge se montre enfin de près. Immense château-fort de roche striée défendue par des pentes de visu abominablement raides, style dolomitique... La traversée en direction du col de Tenneverge permet de contempler la chose à loisir...
Toujours cette appréhension : "C’est tellement raide, cela vaut-il la peine de sa fatiguer à tenter cela et ne pas arriver au sommet ?"... Mais non, à ce qu’il parait ça passe, de toute façon on est là pour ça, on ne fera demi-tour que si on se retrouve au pied d’une difficulté infranchissable. Et on se lance dans la pente de caillasses...
Finalement ça monte... Le premier dévers de roches en pierrailles n’est pas très agréable, mais se monte facilement, il y a juste ce petit couloir de neige fraîche recouvrant la trace qui embête un peu... Et voilà le premier replat. Méfiance sur le rebord d’un névé recouvrant une espèce de lapiaz crevassé, il ne faudrait pas tomber dans un trou sous la neige... Et on poursuit la montée dans la caillasse vers les fameuses vires à traverser, s’offrant un petit raccourci à travers les dalles pour y accéder.
La vire inférieure se parcours sans aucune difficulté, suffisamment large et pas vraiment déversante, ce qu’on ne soupçonne pas vu d’en bas. Le plus difficile est en fait sur la fin, dans la petite pente de caillasse qu’il faut franchir pour accéder à la croupe sous le sommet.
Puis cette fameuse montée finale... De visu bien raide, toute en rocher et dalles dans laquelle on ne voit aucun itinéraire évident... Rien d’engageant, mais on s’y colle, comme dit auparavant on ne fera demi-tour qu’au pied d’un obstacle infranchissable.
Finalement, une fois dedans, ça monte... On trouve une vague rampe vers la gauche, puis une petite vire confortable vers la droite permettant de revenir dans l’axe de la croupe... On monte ensuite à l’intuition, jusqu’à ce qu’un nouveau ressaut se contourne également par une rampe et un vire...
Ça se complique dans la deuxième moitié, il faut maintenant se résoudre à monter tout droit dans les dalles. L’eau de fonte de petites plaques de neige rend la chose plus difficile, heureusement, le rocher accroche suffisamment, et en observant un peu, on peut trouver un cheminement pas trop désagréable où poser les pieds. Le point le plus important est de ne pas se laisser tenter à se déporter vers la gauche par des pentes certes moins raides, mais couvertes d’abominables graviers.
Puis voilà ce qui semble être le crux de l’ascension, ce ressaut de roches claires où le seul passage possible semble être cette petite cheminée... Pas bien haute ni raide, mais la roche déversante n’offre aucune prise franche pour les pieds et les mains, et elle est de plus arrosée par l’eau de fonte d’une plaque de neige au-dessus...
On réussit tant bien que mal à franchir l’obstacle, qu’on qualifierait un pas de III plutôt que du II, l’effort ayant oblitéré la considération qu’il va falloir redescendre par là... Soulagement, il ne reste plus que cette pente de caillasse croulante pour arriver au sommet...
15h30, enfin en haut, on admire le paysage... Toute la minéralité alentours est rayée des stries de neige fraîche, donnant un certain caractère au décor. De nombreux nuages sont là, à commencer par le stratus recouvrant les plaines, les cumulus qui bourgeonnent de plus en plus sur les massifs, et surtout ces grosses nuées en provenance d’Italie qui, après avoir croqué le massif du Mont Blanc, envahissent de plus en plus le ciel... On énumère les sommets connus et on admire les abîmes versant Giffre, alors que le soleil laisse progressivement la place à l’ombre...
17h, il faut maintenant penser à descendre... On redescend prudemment le pierrier en direction de la cheminée, mais impossible de ne pas faire glisser la caillasse qui fonce droit vers la cheminée et les pentes inférieures... Heureusement qu’on est seul sur cette montagne.
Revoilà la cheminée... Vu d’en haut, impossible de voir à quoi se tenir... On prend l’excuse de "faire le ménage" et dégager toute la caillasse qui pourrait rouler dedans pour se donner le temps d’observer... On est monté par là, cela doit être possible de redescendre, le tout est de se rappeler où on a posé les mains et les pieds...
On se lance... C’est presque par hasard qu’on pose les pieds sur des grattons qui tiennent, malgré le filet d’eau qui coule dessus. Et il vaut mieux, car les doigts, également dans l’eau glacée, ne tiennent sur pas grand-chose... Ouf, après 5 min passés pour faire trois pas, on est en bas... Non, cela n’est vraiment pas du II...
Retour sur les dalles... C’est impressionnant mais finalement assez facile, en cherchant les marches les plus confortables et surtout sans graviers. La roche adhère très bien... Encore quelques dévers, petites vires et rampes, on est en bas des difficultés. Le retour sur la grande vire n’est qu’une formalité.
On poursuit la descente par le replat, puis le petit couloir enneigé où aura lieu l’autre petite frayeur de la journée. Alors qu’on descend tranquillement en profitant de la neige, un bâton s’enfonce soudainement profondément, beaucoup trop profondément... On se rend compte qu’il y a une grosse crevasse de roche sous la neige, totalement inattendue à cet endroit plus caillasseux que rocheux. Rappel qu’il faut toujours faire attention...
Retour au col du Tenneverge, puis traversée pour rejoindre l’herbe. Le ciel est maintenant tout gris, et l’ambiance, sombre, a radicalement changé. Une petite pause avant d’attaquer la descente dans le vallon de la Finive dans une ambiance beaucoup moins colorée que celle de la montée...
19h, on quitte le glacier et on descend tranquillement la sente traversant vers le lac... C’est là que la "surprise du chef" se produit : rallumage des projecteurs qui viennent éclairer les crêtes de Bel Oiseau d’une violente lumière orange vif. Au-dessus, les nuages se colorent de couleurs vives, et toutes les montagnes se teintent d’un clair-obscur brun contrastant avec le turquoise du lac... Couleurs "technicolor" irréelles qui ne ressemblent à rien de ce qu’on a vu jusqu’à présent... On profite du spectacle pendant un bon quart d’heure avant que la lumière ne s’éteigne définitivement.
20h, on a rejoint les rives du lac et on parcourt le long sentier du retour... Les nuages se morcellent et se dissipent progressivement. On est sur le point de sortir la frontale lorsque, soudain, la lune presque pleine surgit de derrière Bel Oiseau. La frontale retourne dans le sac, et on profite d’une marche incroyablement calme à la lumière de la lune se reflétant dans le lac... Une dernière pause sur le barrage pour profiter de l’ambiance... Fin de la balade vers 21h30.
Photos
Auteur : Pascal
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