Sortie du 29 février 2024 par CourtePatte Buts de l’Aiglette, de Saint-Genix et de Nève en boucle par le Col de Rousset

Des mers de nuage, des sculptures extravagantes de givre, des crêtes baignées de soleil : toute l'ambiance du rebord sud du Vercors entre l'hiver et le printemps.

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

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Conditions météo

Au matin : brouillard dans les vallées, soleil et mer de nuages sur les crêtes. Grand beau dans l’après-midi.

Récit de la sortie

Un mois que je ne suis pas repartie en montagne ! Je suis sûre que je ne sais même plus faire de dénivelé. Alors, profitant d’une brève fenêtre météo, je mets le cap vers les crêtes sud du Vercors, en bordure du Diois.
J’y avais fait, à l’automne dernier, une balade qui m’avait émerveillée entre les Rochers de Chironne et le Pas des Econdus. Aujourd’hui, je poursuis la découverte par une traversée du But de Saint-Genix à celui de Nève. Comme je démarre de Die et qu’il faudra que j’y redescende, je ne ferai pas toute la boucle décrite dans le topo mais seulement la portion sur les crêtes.

Au petit jour, le Diois baigne dans un brouillard gris qui avale les contours. Lorsque je m’engage sur le Chemin de Vassieux j’ai la sensation surréaliste de marcher en plaine. Je sais bien qu’en toute logique il y a devant moi la masse énorme des falaises du Vercors qui devrait emplir l’espace, mais je n’ai aucune peine à imaginer une perspective infinie de prés et de bocage.

Mais je ne suis pas en plaine, la preuve c’est que le sentier ne tarde guère à s’élever entre les buis et les pins. Et c’est déjà bon d’être en montagne, de cheminer dans ce décor fantomatique où surgissent des silhouettes délavées. Je frôle des falaises, je devine des ravins, et bientôt voilà que le brouillard devient jaune et bleu : le soleil n’est plus loin. Lorsque je parviens sous la crête à l’aisselle du But Saint-Genix, j’émerge comme un plongeur dans un monde baigné de lumière.

Il y a, bien sûr, la vaste mer de nuages qui engloutit tout le Diois, et où surnage un archipel de sommets familiers : la triple ondulation des Trois Becs, le Serre Chauvière, Aucelon. Mais aujourd’hui c’est moins la mer de nuages qui retient mon attention que le spectacle sur la crête.

C’est qu’au petit jour encore le secteur était pétrifié par la glace. Mais cela fait trois heures que le soleil, un brave soleil de début mars, réchauffe le bord de la crête, et les résultats sont spectaculaires. Les couleurs sont revenues, les buissons sont libérés. Mais pour les arbres c’est une autre affaire. Ils ont été si durement caparaçonnés de glace qu’il faudra bien plus de trois heures de soleil pour les délivrer. Ils ne s’égouttent pas, non, ils dégoulinent à grande eau.
De tous les sous-bois, il sourd un piétinement d’averse, et cette rumeur de pluie est absolument surréaliste sous le soleil. De temps en temps on entend un fracas, comme si quelque bête détalait sous le couvert ; mais c’est seulement un pan de glace dont un arbre vient de s’ébrouer.

Ce n’est pas tout. Dès que le sentier se faufile sous le couvert, on marche sur une litière blanche qui n’est pas vraiment de la neige, mais un tapis de lames de givre ; et les branches basses sont encore engluées de glace. Je ne résiste pas au plaisir d’en détacher quelques lamelles pour les suçoter, et comme il s’y trouve invariablement enfermées quelques aiguilles résineuses, j’ai la sensation de croquer dans un sorbet de sapin.

Alors que je monte vers l’extrémité du But Saint-Genix, le spectacle devient saisissant. Sous mes pieds le givre a formé des centaines de menus cônes, tous orientés dans la même direction, comme si un artiste fou avait longuement cardé la glace. Cela devient presque abstrait. Puis ce même artiste a rencontré les petits pins solitaires de la crête, et cette fois il s’est déchaîné. Chaque pin, sur son côté nord, est dédoublé par une extraordinaire cuirasse de givre aux contours torturés ; c’est comme si chaque arbre portait sur son dos son propre spectre hivernal. Nul doute que cette vision est familière aux habitués de la montagne, mais pour moi c’est nouveau, et un peu surnaturel.
Je sais bien que tout cela est l’œuvre d’un vent fou chargé de précipitations dans un air subitement refroidi, et je me dis avec un frisson qu’un être humain, dans ces conditions, n’aurait peut-être pas valu très cher.

En haut du But Saint-Genix, il n’est plus question de tempête. La vaste échancrure de la vallée de Quint, la longue jetée de la Montagne d’Ambel, autant de paysages qui m’étaient encore inconnus et que je savoure longuement. La lumière est un peu poudreuse et je devine plutôt que je ne distingue le liséré blanc des monts d’Ardèche enneigés, tout là-bas de l’autre côté du Rhône. Puis je leur tourne le dos et je repars en direction du But de l’Aiglette.

Cette portion de la balade m’est déjà connue. Mais randonne-t-on jamais deux fois dans le même paysage ? Aujourd’hui, la mer de nuages s’est dissipée sur le Diois, mais ce dernier est encombré de lambeaux vaporeux ; les sommets s’y découpent en un diorama d’ombres chinoises.

Du But de l’Aiglette, je considère le But de Nève. Je trouve son versant ouest encore un peu trop blanc à mon goût, et je décide d’y monter en aller-retour par la crête sud-est. C’est un peu désagréable parce qu’il faudra redescendre jusqu’au col du Rousset, mais je voulais faire du dénivelé, s’pas...
Je ne regrette pas cette décision, car cette crête sud-est, une longue succession de gradins mi-herbeux mi-rocheux, valait bien la peine d’être parcourue deux fois ; quant au But de Nève, c’est le parfait complément au But Saint-Genix pour améliorer sa géographie du secteur. J’ai tout le loisir d’admirer l’étroite enfilade de la vallée de la Vernaison, désormais débarrassée du brouillard, qui s’enfuit vers les profondeurs du Vercors ; et bien sûr, omniprésente depuis le début de la balade, la vague immobile du Grand Veymont qui ferme les Hauts Plateaux.

En redescendant, avant de m’enfoncer dans les sous-bois je jette un dernier coup d’œil à ces flancs sud de la grande étrave du Vercors, dorés par le soleil baissant. Ce n’est probablement qu’un au-revoir.

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 29 février

Dernière modification : 24 avril 2024

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Avis et commentaires

Merci !
Oui, c’était un spectacle extravagant...et la chance ce jour-là voulait qu’on puisse en profiter par un grand ciel bleu, tiède et sans vent.

Joli récit et superbes photos !
Ces paysages sont sublimes et donnent une forte envie d’y aller voir....
J’ai connu ce phénomène de givre épais, au Châtel une fois, et c’est vrai que c’est saisissant !

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