Sortie du 10 octobre 2017 par François Lannes Le Moucherotte (1901m) par le pilier est
Voici une histoire, une petite histoire, et même une partie seulement de cette histoire. Celle d'un bonhomme, et d'une montagne.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Temps beau pour une fin d’octobre.
Terrain sec : heureusement !
Récit de la sortie
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Le Moucherotte…
Cela fait maintenant 35 ans que j’habite à son pied, juste sous son pilier est… C’est dire si les occasions ont été nombreuses de le voir, de le regarder. De l’admirer !
En effet, tous les matins, au départ de la maison, et en refermant le portillon du jardin, d’un court mouvement de tête vers le haut, ce sommet se dévoile dans les lumières matinales. Que les lumières soient grises, ou marron terne, ou d’un jaune bien vif, suivant la saison et la météo du jour, ses pentes et ses falaises se sont amusées à me titiller, à me tenter, et peut-être aussi à me défier à l’occasion.
Dans mes années de jeunesse, son défi semblait manquer d’ambition car d’autres falaises, ailleurs, qui sont plus hautes, plus audacieuses, prenaient le pas sur lui. Je m’en allais donc au loin, lui faisant des infidélités, sachant pertinemment, bien sûr, qu’il allait rester là - quelques années encore - et que je le retrouverais, plus tard, disponible quand même à mes visites.
Diable d’homme !
Du haut de ses millénaires, Moucherotte ne voulait pas se faire oublier pour autant. Un jour, par une magie dont seul il détenait le pouvoir, il lança un appel à ne pas le laisser en attente, appel dont la fulgurance et la poésie me noua les tripes. Il fit monter des larmes aux yeux…
Ce jour-là fut un déclic.
La jeunesse s’était envolée, en bonne partie.
Une nouvelle façon de comprendre la montagne s’était ainsi glissée dans l’esprit.
Moucherotte pouvait revenir d’actualité, à ce moment-là.
Déjà, bien sûr, j’avais parcouru son très classique sentier du versant est, celui qui passe par Château Bouvier. Cette grande sortie constituait aussi, à l’occasion, un entraînement au dénivelé car de la plaine jusqu’à son sommet 1700 mètres sont à gravir. C’est un score tout à fait respectable, qui fut réussi une fois ou deux.
Mais ce n’était pas tout.
Autour de l’année 2000, deux itinéraires d’escalade furent ouverts dans le grand pilier qui jouxte cent mètres au nord le vrai sommet du Moucherotte. L’accès à ces voies emprunte une magnifique vire à chamois dont les photos me laissaient rêveur. Il y avait là, avec cette vire, un parcours à ne pas manquer et rapidement une visite des lieux fut organisée.
C’était le début des années 2010.
Cette première fois fut marquante. La météo n’était pas très propice à un exercice de funambule comme cette vire l’exige. L’équipement et le rodage du bonhomme n’étaient pas encore bien au point, non plus. Bref, ce fut une première visite qui nécessita quelques arrêts pour permettre au moral de se monter au diapason des passages, et de l’ambiance…
Une fois la vire finie, il fallait sortir de ce versant, en excluant évidemment le retour par le même chemin, beaucoup trop engagé. Dans le petit vallon où l’on se trouve parvenu (vallon que j’ai pris l’habitude de nommer « Vallon Étroit »), la situation demande réflexion car de nombreuses falaises entourent l’imprudent arrivé ici. Seule possibilité hors escalade : une traversée vers le sud, à l’horizontale, en direction du versant dominant Château Bouvier. C’est ce qu’il fut fait, finalement sans trop de complications, mais avec un grand soulagement.
Curieux de voir comment serait la suite du pilier, plus haut, je suis monté dans le versant est, hors sentier. Revenant à droite, au pied de son grand ressaut rocheux, je dominais le Vallon Étroit. Là, une seconde vire à chamois débouchait, raide comme tout, mais fréquentée par les bêtes, et permettant un accès direct du Vallon Étroit jusqu’au pilier.
Ce cheminement improbable et un peu insensé était tentant malgré tout. Commençant la descente en me retenant aux pins ayant poussé ici, parfois à croupetons, voire sur les fesses, environ la moitié de la vire fut descendue. Une dalle d’un rocher très incertain créa l’hésitation. L’acrobatie à faire – à la descente – n’était pas franchement sympathique, et je ne la tentais pas.
Sauf que – peut-être !? – à la montée, ce passage pourrait s’envisager…
Il faudrait voir.
Une autre fois.
Ce jour-là, l’exploration du pilier s’arrêta là.
Je rebroussais chemin sur cette raide vire, puis remontais la fin du versant est, plus facile, et rejoignis le sommet du Moucherotte.
La balade était terminée. Mais une petite lueur venait de s’allumer : enchaîner la vire des Grimpeurs plus la vire à 45°, permettrait d’arriver pile au pied du pilier est proprement dit. Il faudrait donc explorer un peu plus ce pilier, et voir si une suite pourrait exister au-dessus, qui mènerait alors directement au sommet.
Ce ne fut qu’en octobre 2017 que se présenta l’occasion de retourner faire ces vérifications.
Suivant les observations précédentes, les deux vires furent remontées, l’une à la suite de l’autre.
Dans ce sens, le passage « pas bien sympathique » au milieu de la vire à 45° ne fut pas bloquant. Il fallait s’y prendre prudemment, avec un peu de sang-froid, et tout allait normalement, malgré un rocher pas vraiment solide.
Revenu ainsi sur le fil du pilier est, la suite directe s’avérait n’être que de l’escalade de haute voltige, non équipée bien sûr, ce dont je n’étais pas capable. Encore moins en étant seul… Il n’y avait d’autre choix que de faire un contournement par la gauche.
Ce contournement se fit commodément. Puis, par une grande diagonale de gauche à droite, plus quelques passages de semi-escalade sur un excellent rocher, passages dans lesquels les pins étaient toujours présents et utiles, le fil du pilier fut à nouveau atteint, plus haut.
Quelle ne fut pas la surprise de trouver là une plateforme rocheuse, bien plane, assez grande – peut-être deux mètres de côtés – dominant le vide, face à l’immense vallée de Grenoble ! Le plaisir de cette découverte m’emplit de joie.
Sauf qu’il ne fallait pas trop remuer quand même, car aucune rambarde n’assurait ici la sécurité… Prudence et réflexion devenaient des mots remplis de bon sens, en de tels lieux.
Un rapide examen permit de comprendre que la balade allait s’arrêter brutalement. Hormis par le chemin d’accès à cette terrasse, aucune autre possibilité ne s’offrait pour continuer : falaise verticale au-dessus ; précipice profond sur la droite et en dessous. Bref, une impasse !
Le temps du casse-croûte n’apporta pas d’idée lumineuse permettant de trouver une sortie qui n’existait pas ici : il fallait faire demi-tour et reprendre le cheminement emprunté à l’aller. Bien content d’être quand même arrivé à un tel belvédère, je quittais la « Terrasse Panoramique », retrouvais le versant est, plus facile, et rejoignais le sommet, une fois encore, par ces pentes ludiques.
Finalement, toutes ces recherches-explorations-tentatives faisaient chou blanc.
Le pilier est du Moucherotte n’avait pas livré de faiblesse dans sa structure qui permette de le remonter entièrement, en style randonneur, ni même en style randonneur du vertige.
Bon !
Et maintenant... ?
Le temps passa…
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Photos
Auteur : François Lannes
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