Sortie du 15 mai 2023 par CourtePatte Le Piolit (2464m) par l’arête sud-est

Le Piolit n'était qu'une étape au cours de ce long voyage de Chorges à Ancelles, entre le printemps et l'hiver, les floraisons et les névés.

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Conditions météo

Très beau le matin, se couvrant un peu dans l’après-midi. Les pluies annoncées pour la fin d’après-midi ne se manifesteront pas.

Récit de la sortie

Tous les bulletins météo me le disaient : "Ne va pas en montagne aujourd’hui, ça va se couvrir dans l’après-midi, avec un gros risque de pluie." Mais ça fait des jours et des jours qu’elle dit cela la météo. Alors je coupe la poire en deux : je choisis une destination où le bulletin n’est pas trop sinistre, avec de multiples possibilités de repli. Ce sera le Piolit : il m’avait fait envie lors d’une sortie précédente (ici), et puis je suis très tentée d’explorer le secteur entre le col de Chorges et Ancelle où je n’ai jamais mis les pieds.

Il me faut partir de Chorges. Ça fait un bon dénivelé, mais ce n’est pas ma première sortie dans ce pays qui est une espèce d’Arcadie pour moi : une mosaïque de cultures et de hameaux, des sentiers anciens bordés d’arbres centenaires. Je l’avais pratiqué en automne et je découvre son visage de printemps : les jeunes rossignols qui s’égosillent dans les haies, les coucous qui se répondent dans les lointains, et des fleurs, des fleurs, des fleurs. Après les pluies récentes, un velours vert habille les prairies, on ne peut pas s’en rassasier - tant pis si je me trempe les chevilles dans tous les herbages.

Et bien sûr, il y a les vues. Dès que l’on prend un peu de hauteur, c’est tout le paysage du lac de Serre-Ponçon qui se développe dans l’ombre bleue du Morgon, des crêtes encore blanches qui cisaillent l’horizon ; ça non plus je ne sais pas si je m’en rassasierai un jour.

On monte. Lorsque j’arrive sous le Col de Chorges, le ciel est encore presque pur. Mais de menues bouffées de coton s’effilochent par moments à la crête entre les Parias et la Pousterle. Aïe aïe aïe, serait-ce le début de la couverture nuageuse annoncée par la météo ?
Je fais la course avec le bouillonnement de la convection qui déborde lentement sur les Autanes. Et je perds. Le temps d’arriver au sommet, un gros nuage s’est accroupi sur le Piolit : me voici sur une île engloutie par les brumes. Je parviens seulement à distinguer des corniches qui s’incurvent dans l’inconnu, quelques pans de paysage spectral à travers les nuées ; et voici qu’enfle une brise glaciale qui me fait promptement sortir les gants et le coupe-vent.

Même pas mal. Les vues, j’en connaissais déjà l’essentiel ; et le sommet du Piolit n’était pas l’objectif unique de la balade. Redescendons.

De retour au col de Chorges, j’essaie d’abord d’emprunter le tracé du sentier qui longe la combe de la Plaine en rive droite - je dis bien le tracé, parce que le sentier lui-même est totalement invisible sous la neige. Après quelques centaines de mètres, je renonce : je m’enfonce à chaque pas jusqu’au-dessus des genoux. Je repense à ce contributeur d’AR qui disait vouloir chausser du 50 et peser 25 kilos, c’est exactement ça ; non, en fait, je voudrais avoir quatre pattes et des pieds palmés.
Bah : je reviens sous le Piolit et je me faufile le long de la première épaule rocheuse, où la pente est déneigée, puis je traverse droit dans la combe en direction du sentier dont je distingue le fil sous la Pointe de Fleurendon. Sur le sentier, le névé s’est rétracté et l’on parvient à le longer. Mais je n’ai pas fini de me mouiller les pieds pour autant : le sentier traverse très régulièrement de petites ravines encore comblées de neige. Et dire que c’est le jour où je n’ai pas pris les guêtres, qui n’avaient pas quitté mon sac au cours des dix dernières sorties...

Mais je vois les pentes de la vallée de la Rouanne, qui sont vertes et séduisantes, tout un nouveau pays à explorer ; et bientôt, je commence à tourner le dos à l’hiver.

C’est en cherchant à éviter un dernier champ de neige que je fais un détour par le replat coté 1939, à l’est du Peyron Roux, où m’attend l’une des surprises de la journée : une nappe de crocus d’une étendue et d’un foisonnement comme je n’avais encore jamais vu. Dans la lumière un peu étrange qui filtre sous les nuages bas, ils illuminent la prairie comme autant de flammèches blanches et mauves. Je reste là un grand moment à contempler et essayer de capturer la magie en photo.

Repartons. La fin de la balade n’est qu’une délicieuse flânerie sur ce sentier des Balcons de la Rouanne. Si le plafond nuageux me prive de la vue sur les Autanes, il m’offre une ambiance dramatique à l’arrière-plan de la Pointe de Fleurendon et ses voisins, avec ce qu’il faut de neige pour en souligner les reliefs.

Sur l’aimable piste qui redescend vers Ancelle, je me retourne régulièrement pour admirer encore un peu le fond de la vallée, que les nuages disputent aux lumières du soleil déclinant. Longue balade, mais dont j’aurai savouré chaque minute.

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Randonnée réalisée le 15 mai 2023

Dernière modification : 18 mai 2023

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Avis et commentaires

Whoa ça c’est de la rando. Dénivelé de folie et distance. Respect ! À l’ancienne quand il n’y avait pas les routes d’accès ni la voiture.

Ça me rappelle une tentative au Puy Gris avec un ancien qui me disait qu’il l’avait fait en partant de Chambéry en vélo...

Et magnifiques crocus. Ces tapis printanniers sont vraiment superbes.

Bonjour François,
Merci !
J’étais basée à Gap, d’où j’étais partie par le premier bus pour Chorges le matin. Pour le retour j’espérais faire du stop à partir d’Ancelle, mais je savais pouvoir, au pire, rentrer à pied à Gap : j’en aurais eu pour 3h30 environ, j’ai déjà fait plus exigeant...Ancelle, silencieux, faisait village fantôme à mon passage et la route était déserte ; mais j’ai eu de la chance, après quelques kilomètres quelqu’un s’est arrêté.

Bonjour CourtePatte,
Encore un moment de vrai plaisir à la lecture de ton récit ! J’ai beaucoup aimé ton "velours vert qui habille les prairies", ou bien encore les "crêtes blanches qui cisaillent l’horizon"... La musique des mots, les images qu’ils créent, rendent l’histoire tellement plus belle. Merci.
Et je n’oublie pas les photos, dont les contrastes de couleur sont toujours agréables...
Vivement que l’on puisse reprendre les vraies affaires, car sur Grenoble et sur une bonne portion du sud-est, c’est de la pluie... Et ce n’est pas bon pour aller sur les vires, ça.
Autre remarque : arrivée à Ancelle, tu n’en avais pas fini de ta boucle. Ce fut du stop, ou encore de la marche à pied ?? Ou bien une bonne auberge dans le Champsaur ??

Merci à tous les deux !

@vermatoiz : patience...Les beaux jours finiront bien par revenir...En attendant il nous reste la consolation "Chaque goutte d’eau est un trésor", même si on préférerait que le trésor tombe plutôt la nuit..

@BA42 : tiens c’est vrai, je ne donne pas à "bucolique" une valeur particulièrement idéalisée. Mais si je comprends bien tu insinues que mes moutons ne sont pas beaux 😉 ?

Toujours un plaisir de lire.
Poisson pour moi, mais pas spécialement effrayant...
Légende photo 2 : excellent ! Pour ceux qui ont tendance à considérer cet adjectif comme un synonyme de vert, beau, etc...

Narration bien agréable comme d’habitude, et des photos qui donnent envie de sortir, avec ce mauvais temps qui nous plombe !
Photo 28, plutôt un poisson. Un moche qui fait peur ! Mais toutes ces fleurs, quelle merveille !

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