Sortie du 26 octobre 2022 par François Lannes Le Tabor-antécime nord (2312m) par le versant est et le ruisseau de la Pisse

Je ne sais plus exactement comment j’en suis arrivé à regarder le Géoportail du Tabor. Ce devait être au hasard d’une observation du massif voisin : le Taillefer

Itinéraire, carte // Fiche topo

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Conditions météo

Pour le climat : très bonnes conditions d’automne, et pas encore froides.
Le débit du ruisseau de la Pisse était suffisamment faible pour ne poser aucune difficulté lors des franchissements.

Récit de la sortie

Je ne sais plus exactement comment j’en suis arrivé à regarder le Géoportail du Tabor. Ce devait être au hasard d’une observation du massif du Taillefer voisin, pendant laquelle la souris a déplacé le point de mire un peu plus à l’ouest… ??
Mystère.
Peut-être fut-ce le pointillé succinct sous le Piquet de Nantes, dans son versant est, qui a attiré l’œil ??

Toujours est-il que l’intérêt a été titillé, et que je me suis plongé dans les détails d’une montagne qui m’était complètement inconnue : le Tabor, celui de la Matheysine.

Les topos d’Altituderando montrent que la fréquentation est importante dans le versant ouest, à partir de la station Saint Honoré 1500. Il en est de même sur le côté nord, et l’Oreille du Loup. En escalade, les possibilités existent aussi, dans les rochers des falaises sud. Et le ski de randonnée n’est pas en reste, un peu de partout…
Partout, sauf dans le versant est !
Pas de sentier qui soit indiqué. Pas de topo qui raconte la fontaine de la Truie. Rien qui ne parle d’une montée en partant de Lavaldens…
Tiens, tiens.

C’est à ce moment-là alors, que l’intérêt pour le Tabor monta d’un cran.
S’il n’y a rien, il faut vérifier.

Une heure plus tard, il fallait bien en convenir, ce versant semblait vierge de toute information internet. En tout cas, je n’avais rien trouvé, car on ne peut pas exclure une recherche incomplète. Résultat de la situation : il y avait quelque chose à préparer en rapport avec ce versant est du Tabor.

Après analyse un peu plus poussée, il n’y a pas plusieurs alternatives, il n’y en a qu’une seule, qui est évidente : c’est de monter par le lit du ruisseau, le ruisseau de la Pisse. Diable, comme nom, ce n’est pas très agréable. Ils auraient pu choisir mieux…
Comme toujours, quand on part d’une altitude de 1000 mètres, il faut traverser des forêts avant d’en arriver aux alpages. Cet obstacle de la forêt est bien rude en général, et particulièrement si aucun sentier n’existe. Or, c’est ici le cas : il n’y a pas de pointillé sur Géoportail. Il s’agit donc d’un premier écueil.

Mais loin de m’effrayer, cette situation m’attire, au contraire.
Les forêts sont devenues, depuis deux ans, une sorte d’Eldorado vert dans lequel les plaisirs ne me manquent pas. Même si, parfois, quelques inquiétudes s’invitent au cours des déambulations.
Bref…

Ce ruisseau de la Pisse n’a pas l’air si rebutant.
La pente moyenne est raisonnable ; les pentes ponctuelles ne montrent pas de gros à-coups. Finalement, au milieu d’un monde de brutes (à savoir les deux versants, à droite et à gauche du lit), il semble que ce ruisseau offre un cheminement faisable. La recherche avec les photos aériennes confirme que les cascades - synonymes de ressauts pouvant être infranchissables à la montée - semblent absentes de son cours. En tout cas, les grosses cascades.
Tout cela est fort intéressant, et fournit de mieux en mieux l’occasion d’une balade de découverte tout à fait dans les goûts visés.

Voyons maintenant la partie au-dessus de la forêt.
La montée directe au Tabor apparaît sévère, et même plus que sévère. De nombreuses ravines, piquetées de quelques tours rocheuses et lacérées de nombreuses petites falaises, coupent toute envie de se lancer dans ce coin. Une variante doit être envisagée qui biaise les difficultés et évite la ligne directe vers le sommet du Tabor. Oui, il faut viser l’antécime nord du Tabor, seulement, et ce ne sera déjà pas si mal.

En quelques jours cette idée nouvelle se constitue en un projet qui tient la route. Et il ne manque plus à cela que de trouver le créneau de météo adéquate pour tenter l’expérience. Une certaine fébrilité grandit dans l’esprit. Et le corps vibre déjà, par anticipation. Ce sont de bons signaux, car ils indiquent que tout, à l’intérieur du bonhomme, se prépare pour être paré le jour J.

Le jour J, c’est le 26 octobre 2022 !
La voiture est stationnée à côté des fermes des Fréaux.
Les Fréaux, ce sont deux fermes seulement, un tout petit lieu, discret, encore endormi à 7h 45, quand j’y arrive.
Le ciel est tout clair : pas de nuage ; pas de vent non plus ; pas de pluie les jours précédents. Donc la note du 26 octobre, c’est du 20 sur 20.

Dès le départ, se trouve ce que j’ai appelé le « Talus » tellement ce nom m’a semblé lui convenir.
C’est une sorte de très gros éboulement, visiblement ancien, situé juste au débouché du ruisseau, et qui déborde en partie sur la vallée de la Roizonne. Il y a tellement peu d’épaisseur de terre étalée sur ces cailloux que rares sont les arbres qui ont poussé. De plus, les paysans d’ici semblent avoir fait de ces pentes proches, des prairies pour leurs bêtes. Beaucoup des pierres de surface ont été regroupées, soit en petits murs, soit simplement en tas, afin de laisser l’herbe pousser au mieux.

L’intérêt du « Talus », c’est sa pente régulière, et sa végétation presque inexistante. Il est aisé de le remonter, dans ses prairies anciennes, en zigzaguant pour trouver les passages faciles.
Rapidement, de l’altitude est prise, et le décor de ce fond de vallée montagnarde se montre. Le fond est plat. Des lignes d’arbres délimitent les parcelles. L’herbe bien verte rehausse le sentiment de Vie. Et, dans le calme matinal, l’esprit s’apaise à profiter de ce paysage.

De « furieuses » marques de peinture blanches indiquent une direction à suivre. Elles sont « furieuses » parce que tracées de façon très grande – peut-être quarante ou cinquante centimètres de haut – et que pour le côté discrétion, elles ont raté le coche.
Au bout du chemin que ces marques indiquent, on débouche sur une belle terrasse, surprenante ici, mais appréciable. Les marques blanches continuent à droite, droit dans une falaise… Je leur laisse leur choix, et m’en vais plutôt vers la gauche, à flanc, et en approchant du ruisseau.

La fin du « Talus » est là, donc la fin de la première partie de l’itinéraire.
Cela signifie aussi que c’est le début du vallon dans lequel coule le ruisseau…
J’attendais ce moment de découverte depuis longtemps, me demandant si le parcours au long de cette eau « cascadante » serait vraiment faisable. Et la réponse est oui !
Le fin ruisseau tombe en petites chutes, tourne en courts virages ronds, à petites eaux, avec une bande d’herbes sur sa droite, bande d’herbe suffisante qui permettra de marcher sans problème à son bord. Et de remonter le vallon…
Quel bonheur !
Le pari fait sur la possibilité de monter ici est gagné. Pour le début, en tout cas. Nous verrons au fur et à mesure si cela mène jusqu’au bout.

Sur la droite du lit, ce sont des rochers infranchissables.
Parfois, un passage est étroit, coincé entre ces rochers et l’eau du ruisseau, et il faudra frotter l’épaule pour le franchir. Mais ça passe quand même.
Sur la gauche, c’est une forêt.
Certains arbres ressemblent à des hêtres parce que le sol est couvert de feuilles couleur rouille. Mais je ne suis pas sûr de les reconnaître exactement. Leurs troncs sont si minces ! Cela ne me paraît pas normal. Sauf que, en voyant la faible épaisseur de la terre disponible ici, posée sur un substrat rocheux tout ce qu’il y a de plus compact, ces arbres ne doivent rien avoir à manger et, possiblement, ce facteur entrave leur développement et les laisse tout menus et peu hauts…

Cette remontée du lit du ruisseau est splendide. J’ai bien fait de tenter le coup.
Bien sûr, il y a quelques passages dans la végétation, forcement. Je n’en compte que trois sur l’ensemble du parcours. Ce qui est très peu finalement, car le parcours en question mesure quand même un kilomètre de long. Vérifiez : cela fait un tout petit pourcentage. Et le reste est tout bien, voire même facile.
Qui plus est, le soleil de cette fin octobre se positionne pile dans l’axe du vallon et, rapidement, il m’a réchauffé et a allumé les couleurs de la forêt.
Plaisir !
Grand plaisir !

Juste sur la fin du vallon, il a fallu franchir un ressaut plus raide. Les mains ont été utiles mais ce n’était pas un passage inquiétant : la raideur n’y était pas vraiment intense, et le rocher était, lui, d’un solide à toute épreuve. Seul bémol, c’est que ce passage est probablement le lit du dernier affluent, le quatrième. Aujourd’hui, cet affluent ne coulait quasiment pas d’eau, donc pas de problème. Mais cela ne doit pas être le cas en d’autres saisons. C’est un point à noter avant de programmer une autre visite.

Une fois sorti du vallon, ce sont les larges prairies sous la côte de Lau.
Le panorama s’ouvre amplement, et c’est là aussi un vrai plaisir que de déboucher dans cet espace ouvert, après avoir avancé à l’étroit, dans le vallon. Sans oublier de préciser que le ciel étant bleu, les conditions sont parfaites.
Tout à coup, les chaussures pataugent : plouf, plouf…
Plusieurs sources mouillent ici le sol. Peut-être sont-ce celles qu’IGN nomme la fontaine de la Truie, et qui sont indiquées sur la carte un peu plus haut et de l’autre côté du ruisseau ?? Cela pourrait se faire, car je n’ai pas remarqué d’autre source à l’endroit indiqué par Géoportail…
A voir.

Sauf que moi, aujourd’hui, je n’ai pas bien le temps d’aller voir le détail.
Oui, ce projet de venir ici, au Tabor, est un projet ambitieux pour le montagnard qui me reste en stock !
La dénivelée positive est de 1300 mètres.
Ouf !
Il y a bien longtemps qu’un tel effort n’a plus été exigé de la carcasse. Et je ne sais pas comment les choses vont pouvoir se passer. Arriverai-je en haut ?
Face à cette question, la préparation minutieuse a prévu deux solutions d’échappatoire possible.

La première, si le bonhomme est au plus piètre niveau, est de couper court à la montée vers l’antécime du Tabor et d’aller directement à la côte de Lau. C’est un « coût » de 950 mètres de montée seulement. La sortie du jour en serait sérieusement bâclée, tronquée qu’elle serait de sa partie finale. Mais, faute de mieux, quand on ne peut plus, on ne peut plus.

La seconde solution d’échappatoire, en cas de bonhomme en un peu moins piètre état, serait de monter dans le versant est jusqu’au-dessus de la « Vigie Verte », et puis d’entamer la descente à partir de ce niveau, par une courbe dite « en arc-de-cercle » sous les falaises de l’Oreille du Loup, pour retrouver alors la côte de Lau.
Là, l’effort coûterait 1200 mètres. C’est mon maximum récent…

Quant aux 1300 mètres qui mèneraient au sommet…
…… ???
Et je ne parle pas d’aller au Tabor lui-même, à 2389 m. Je ne parle que de l’antécime nord, à 2312 m.
Bref, les visites à la fontaine de la Truie, suivant indication IGN, ce sera donc pour une autre fois.
En attendant, montons encore un peu.

Pour aller vers la « Vigie Verte » il faut passer par un pierrier, finalement encore assez commode. Puis par une traversée de rhododendrons de grandes tailles. Il était facile de prévoir que ces plantes grasses pourraient être gênantes, dans la progression. C’est ce qu’elles sont, à chaque fois. Mais là, dans ce bout de versant au nord, par un phénomène incompréhensible, ces rhododendrons ont poussé de façon surprenante. Ils font peut-être quatre-vingts centimètres de hauteur. Peut-être plus d’ailleurs.
Le bâton de ski seul permettait de conserver l’équilibre lors de cette traversée de mer végétale, souple et instable. C’était incroyable. Heureusement que la traversée avait été choisie pour être la plus courte possible !

La « Vigie Verte ».
Le couloir à emprunter, sous elle, est un point que l’analyse préparatoire avait répertorié comme « raide ». Bon, même si ce ne fut pas le pire du pire, ce fut déjà du sérieux.
Le souffle manquait de plus en plus.
Et les arrêts pour repos devenaient très fréquents. Le moral flanchait sérieusement. Pour preuve, il suffit de savoir que la consultation de l’altimètre - consultation qui permet de quantifier la progression du montagnard - ne montrait une progression que de huit mètres de dénivelée seulement. Et cela, à chaque nouvelle consultation…
J’étais cuit ! Et n’avançais plus qu’au compte-gouttes.
Vraiment.

L’arrivée au sommet du couloir, fut un soulagement.
Il y avait là une très belle plateforme rocheuse, formant promontoire au-dessus de tout le vallon remonté depuis ce matin. Superbe !
Le lieu justifiait de faire une pause-restauration, la troisième du jour.
Le moral justifiait aussi d’y penser.

Regardant la suite à faire, elle s’est montrée plaisante, finalement presque attirante.
Tiens, tiens…
Alors, remettant le sac sur le dos, à petit pas, sans trop regarder vers le haut, j’ai repris mon « projet » dans l’idée que peut-être j’allais pouvoir le mener à son terme.

Et effectivement, le sol présentant des marches commodes pour mettre les chaussures, des marches pas trop hautes, le sommet fut atteint. Il était bien temps !
Mais il ne restait plus grand-chose à grignoter dans le sac.

La restauration fut ce que l’on qualifie de rapide.
Et, malgré le beau temps, l’horaire, à ne pas laisser couler trop vite, obligeait à entamer la descente sans tarder.
Tranquillement, je me mis à descendre.
Dans cet autre sens, les muscles ne semblaient pas encore usés. Et finalement, cela se passa bien.

Voici l’endroit où il faut couper à gauche, vers la traversée « en arc-de-cercle » sous les falaises de l’Oreille du Loup. Un coup de jumelle confirme bien une trace sur le versant en face. Parfait ! Il n’y a plus qu’à aller la rejoindre, ce qui se fait somme toute bien facilement. Cette trace est presque un sentier d’ailleurs. Chose que, au pied de la falaise, confirme un trait de peinture blanche horizontale, et un cairn. Re-parfait !

La traversée vers l’épaule qui domine la côte de Lau ne pose aucune difficulté. Moi qui craignais d’avoir à faire ici quelque petite bataille tout-terrain… ! Rien de tout cela, et en trois-quarts d’heure du sommet, la côte de Lau est rejointe.
Je suis toujours intéressé par ces reliquats de murs que les hommes des générations d’avant ont pu construire pour leur vie et leur travail. Ici, il y en a un exemplaire flagrant, que l’on peut voir de la crête : un petit abri, et un enclos pour les bêtes. Bien sûr les murs sont écroulés. Mais les tas qui en restent sont bien explicites. Et je les trouve vraiment émouvants…
Je ne sais dire si, malgré la dureté de leur travail de berger, à 1900 mètres d’altitude, ils avaient quand même le loisir de profiter de la beauté de cette montagne. Cette montagne qui, ici, offre tout ce qu’elle peut avoir de beau, de splendide, de presque envoûtant…

A gauche, dans les herbes souples de ce col, la trace indique par où il faut partir.
Une photo, pour la montrer, nette qu’elle est.
Et c’est la descente dans la forêt.
La forêt, qui n’est jamais simple quand on la parcourt en commençant d’en haut, sans en connaître les subtilités internes.
La forêt qui, aujourd’hui, m’a imposé quelques inquiétudes pour le cheminement à suivre…
Mais la forêt qui m’a quand même relâché, en fin d’après-midi.

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Randonnée réalisée le 26 octobre 2022

Dernière modification : 25 novembre 2022

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