Sortie du 29 août 2022 par Pascal Le Pleureur (3704m)
Une escapade valaisanne pour aller goûter à l'ivresse de la haute altitude, qu'on prolongera en boucle par une grande marche sur un glacier déneigé par la canicule...
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Beau, plutôt chaud, quelques petits cumulus au cours de l’après-midi.
Récit de la sortie
On perd le sommeil à 4h du matin, c’est un peu tôt pour la petite balade prévue dans les Aravis... Alors, puisque les conditions sont pour une fois réunies, profitons de la situation pour épingler au tableau de chasse un objectif un peu plus ambitieux qui figurait déjà depuis un certain temps dans la liste des "à faire"...
7h30 au bas du barrage de Mauvoisin, à l’ombre en contrebas de la grande face tourmentée du Pleureur. Vu d’ici, ça ne semble pas si haut... Mais déjà, la montée des 150m pour atteindre la couronne du barrage via les galeries touristiques font déjà guise d’un bon échauffement...
Pas pris le temps de relire les topos avant le départ, il faudra donc se fier aux souvenirs... Mais on ne peut pas oublier les deux échelles au départ de l’ascension, qui mettent rapidement dans l’ambiance.
La montée de la croupe herbeuse, raide mais régulière, permet rapidement de trouver un rythme. On prend vite de l’altitude au-dessus du lac... Puis arrive la grosse barre rocheuse, sous laquelle on ne peut que partir à gauche, pour trouver le premier couloir équipé d’une chaîne. C’est humide et un peu glissant, mais à l’aide de la chaîne ça se monte finalement très bien.
Traversée vers le second passage chaîné à travers le dévers de dalles, ici bien sec, adhérent et finalement très facile, où la chaîne est surtout utile pour indiquer le cheminement... On débouche sous la troisième "échelle", verticale et très athlétique. Mais c’est là qu’un peu de bon sens est utile : c’est évident qu’il ne faut pas grimper cette échelle puisqu’on peut facilement contourner la bosse par la gauche.
Enfin du soleil, alors qu’on débouche sur la pente morainique à remonter. C’est raide mais régulier, avec une bonne trace, et se retourner de temps en temps pour admirer les Combins au soleil offre quelques excuses parfaitement valables pour de courtes pauses... Et tout autour, les bouquetins gambadent... Cette montée est vite avalée pour finalement aboutir au vaste replat sous les grandes pentes caillasseuses du Pleureur.
Pour la suite ? Faisons confiance aux sentes, qui se dirigent vers le petit couloir vers la crête où un gendarme forme une brèche typiquement "caractéristique" destinée à être mentionnée dans les topos... La pente de graviers et de terre minérale se fait raide, mais avec bonnes chaussures et bâtons ça passe finalement bien.
Après une courte pause, on attaque le remontée de la crête. On se met rapidement dans l’ambiance de ce qui fera toute la suite du parcours : Une pente raide mais pas excessive, alternant vires terreuses et quelques ressauts rocheux formés des marches un peu déversantes et rendues glissantes par ce mélange terre-sable-gravier, et pas grand chose pour les mains lorsqu’il faut escalader... Par rapport au calcaire de lapiaz des sorties précédentes, le contraste est violent. Mais on se prête rapidement au jeu, grimpant au mieux les ressauts rocheux là où c’est possible, faisant confiance aux vires et sentes terreuses ailleurs, et évitant au mieux ces zones "intermédiaires" de dalles déversantes, saupoudrées et glissantes... La clé ici, c’est d’observer pour trouver les meilleurs passages.
Finalement, l’exercice n’est pas si pénible que ça, et même plutôt ludique. La crête se dresse en ressauts de plus en plus raides, mais ça passe toujours, en contournant en général par la droite, même si les vues vertigineuses du fil valent souvent le détour. Et on apprend rapidement à tirer parti des pieds s’enfonçant dans le terrain meuble pour stabiliser et sécuriser la progression...
Le raidillon final, bien impressionnant vu d’en bas se franchit finalement plutôt bien dans cette pente de caillasse terreuse un peu croulante mais finalement assez sûre si on accepte de voir le pied s’enfoncer un peu à chaque pas. Quelques petits ressauts rocheux nécessitent quand même d’observer un peu pour trouver des points de passage pas trop scabreux. Et finalement, la pente se couche, le sommet est en vue...
Il est tout juste midi passé. La vue au sommet est magnifique, après ces 1850m d’ascension qu’on aura presque pas vu passer, tellement on s’est pris au jeu de cet itinéraire à la fois varié, ludique et efficace. On se pose et on profite de la vue, où seuls quelques petits cumulus se sont invités pour cacher un peu les sommets de la ligne d’horizon... 3700m ? On n’en a pas l’impression, vu qu’on est dominé à proximité par la masse des Combins et le Mont Blanc de Cheilon, et plus loin les 4000 du Valais. Mais on domine le val de Bagnes de vraiment très haut, les quelques 200m de haut du barrage n’ont d’ici vraiment l’air de rien... Cependant, c’est rare d’avoir vu la haute montagne aussi sèche, et mis à part la présence de quelques glaciers, on a plus l’impression d’être en Ubaye qu’en Valais...
Le glacier du Giétro, justement, s’étale en contrebas. Après cet été exceptionnel Il est déneigé de bout en bout jusqu’au col du Mont Rouge malgré ses plus de 3300m d’altitude, laissant apparaître ses belles lignes de crevasses. Ce col qu’il y a un certain temps, on avait envisagé de visiter en aller-retour par son autre versant... D’où l’idée, faiblement envisagée au départ, qui maintenant se révèle être parfaitement envisageable : traverser le glacier et franchir le col du Mont Rouge, puis revenir en boucle par la Lire Rose, Tsofeiret et le long du lac de Mauvoisin...
13h30, après une bonne séance d’observation du glacier pour planifier un itinéraire évitant les zones les plus crevassées, on quitte le sommet pour se lancer dans cette partie de l’aventure.
Bien sûr, pour descendre au plus court et rejoindre le glacier plutôt vers l’amont, on ne va pas descendre par la crête, mais suivre un itinéraire plus direct dans la pente de caillasses du versant sud du Pleureur. Il y a certes un ressaut rocheux la coupant dans toute sa largeur, mais au souvenir de quelques lectures de visu, celle-ci semblerait être franchissable à son extrémité gauche. D’ailleurs, une belle trace dans le pierrier invite à l’aventure.
Après une prudente descente du raidillon supérieur, on se laisse agréablement glisser dans la caillasse terreuse. La trace négocie assez facilement un couloir de caillasses pour franchir une barre intermédiaire, sous laquelle on la quitte pour tirer franchement à gauche dans la grande vire de caillasses au-dessus du ressaut vers le point de passage repéré. Mais plus on va à gauche, plus le terrain se fait raide et malcommode, jusqu’à atteindre le lit d’un petit torrent. De là, soit on désescalade deux ressauts rocheux dans le lit du torrent avec absolument rien pour les mains pour se tenir, soit on poursuit la descente encore plus à gauche dans un terrain encore plus péteux sans vraiment savoir où ça mène... Bon, si passage il y a, ce n’est certainement pas par là...
C’est parti pour le "plan B" : Revenir au centre de la vire pour rejoindre la trace, en espérant que celle-ci mènera à un point de passage. Mais la trace se termine sur le haut du ressaut, au-dessus de dalles déversantes, fuyantes et couvertes de graviers, où on ne peut pas s’approcher pour observer... Après quelques allers-retours au-dessus de la barre pour tenter vainement de voir quelque chose de probant, il est temps de se résigner au "plan C" : Traverser la vire, en montant vers la droite cette fois, pour revenir sur l’itinéraire de la crête au niveau d’un couloir évident.
La traversée, au début facile, devient de plus en plus délicate dans un dévers de plus en plus raide, jusqu’à ce qu’un ressaut ne barre complètement l’accès au couloir. Après quelques hésitations, ce sera finalement un petit retour en arrière suivi d’une prudente montée droit dans la raide pente qui permettra de rejoindre une sente de l’itinéraire de montée. Tant mieux, on s’épargnera ainsi l’abominable "plan D" : Revenir au centre de la vire pour remonter la trace sur l’intégralité du pierrier, peut être agréable à descendre mais absolument infâme à remonter, pour rejoindre l’itinéraire de la crête là où on l’avait quitté.
Une relecture de topos après coup montrera qu’un passage existe bel et bien sur la gauche, mais pas autant à gauche que le lit du torrent, et certainement pas là où la trace vient buter sur le ressaut. Mais c’est impossible à voir d’en haut, il faut lire les topos en détail...
Après toutes ces aventures, la descente des sentes terreuses et ressauts de la crête n’est qu’une rigolade. On basculera ensuite rapidement sur les traces dans les pierriers de la face, sans surprises cette fois, pour expédier la descente.
Bon voilà, avec tous ces errements, on a perdu deux bonnes heures, sans parler de la fatigue physique et mentale. Il est déjà 16h30, la grande boucle du glacier semble compromise...
Quoique... Il reste environ 4h de soleil, largement de quoi atteindre les cols du Mont Rouge et de Lire Rose à la lumière du jour avant un retour sur sentier long mais facile. De plus, on a les frontales et encore pas mal de vivres. Et les quelques 300m de montée sur le glacier presque plat ne devraient pas être bien pénibles... Cette occasion ne se reproduira peut-être pas de sitôt, alors on y va, acceptant dès le départ le prix à payer d’un long retour de nuit.
On traverse la caillasse vers la gauche pour prendre pied sur le glacier vers 3000m. La glace rugueuse croustille sous les semelles qui accrochent bien. Pour l’instant, les crampons sont inutiles, et on part rapidement sur le grand plat, se tenant éloigné des quelques crevasses de bordure. Après tout ce temps passé sur la caillasse croulante, c’est tellement agréable...
Les crampons, il faudra les chausser vers le milieu du glacier, là où la pente se fait un peu plus marquée et où les crevasses un peu plus nombreuses nécessiteront de s’en approcher un peu plus pour se faufiler entre. Certains contournements sont d’ailleurs assez longs, mais on finit toujours par trouver un passage. D’ailleurs, pas certain d’être sur l’itinéraire planifié, c’est difficile de se repérer sur cette immensité plate... Mais, pas de regrets, la marche est tranquille, et l’ambiance tout a fait magnifique, surtout marqué par la géologie colorée de la Ruinette dont l’immense face lâche constamment des pierres... La traversée du glacier semble interminable, mais finalement, défendu par encore quelques longues crevasses à contourner, le col du Mont Rouge est finalement atteint.
On déchausse les crampons et, après une ultime contemplation du glacier, on se lance dans l’autre versant, où on a l’agréable surprise de trouver une sente marquée par des cairns pour faciliter la raide descente dans la caillasse. Mais le soulagement est de courte durée car, une fois au bas de la cuvette de Lire Rose, il ne faut pas poursuivre dans le vallon, mais remonter en traversée dans un raide dévers de caillasses, visant une épaule à gauche du col proprement dit. C’est chaotique, croulant et cette fois sans traces, mais pas le choix, on s’y colle... Heureusement, les rayons du soleil couchant filtrant à travers les trouées de cumulus offrent quelques belles couleurs au décor minéral...
20h, les difficultés sont derrière, il n’y a plus qu’à se laisser glisser sur le sentier. Enfin un vrai sentier, étroit mais tranquille, sans grosses pentes ni caillasses, en direction de Tsofeiret. On admire l’immense vallon glaciaire du Brenay faisant penser à ces grandes vallées himalayennes, en imaginant que derrière se trouve le vallon d’Otemma, plus immense encore... Que de lieux sauvages à découvrir, où on se sent vraiment au bout du monde...
Il fait déjà bien sombre lorsqu’on atteint le col de Stofeiret au-dessus de son lac, avec enfin un sentier balisé à suivre. Dommage que la nuit empêche de contempler la beauté du lieu côté Chanrion. Un rapide regard sur la carte montre qu’on est maintenant au point le plus éloigné à vol d’oiseau de la boucle par rapport au point de départ... Après une ultime pause casse-croûte pour reprendre des forces, on se lance dans le long retour, n’allumant la frontale que lorsque cela devient vraiment nécessaire pour profiter au mieux du décor avant de se retrouver enfermé dans la bulle de lumière.
Le retour sera long, très long, sur un sentier facile, mais hésitant toujours à vraiment descendre... Seule petite séquence émotion lors de la traversée d’un pâturage, où les vaches, qu’on ne verra pas mais dont on entendra les sonnailles, décideront de partir à la poursuite de cette lumière baladeuse. Heureusement, la clôture n’était pas loin...
Puis enfin le sentier se fait chemin, descendant en quelques lacets vers le lac, qu’on suivra tranquillement, évitant les raides raccourcis du sentier pour ne pas avoir à forcer sur les jambes fatiguées... Les chaussures alpi, tellement agréables dans la caillasse, montrent maintenant leur poids... On retrouve les tunnels, puis la couronne du barrage où on éteindra la frontale pour admirer une dernière fois les étoiles et la Voie Lactée. Finalement, la descente de la route goudronnée sous le barrage sera presque une torture. Fin de la balade vers 23h30, après environ 16h passés au grand air. Sieste obligatoire dans la voiture avant de reprendre la route.
Photos
Auteur : Pascal
Avis et commentaires
Ouaouh ! j’avais programmé l’ascension de ce sommet cette année, mais je n’ai pas pu, mais c’est chouette d’avoir de nouvelles informations ainsi que de nouvelles photos de ce parcours impressionnant. Merci d’avoir publié cette sortie, et bravo !
Le détour, je ne le regrette pas ! Le glacier déneigé, c’était une occasion exceptionnelle de pouvoir le traverser ! Et d’aller découvrir le fond du vallon de Mauvoisin, car je n’ai pas souvent l’occasion de visiter ce lieu.
Mon seul regret, ce sont les deux heures perdues à errer dans la descente. Mais ce sera une leçon pour moi : Malgré l’expérience, toujours lire les topos en détail lorsqu’il y en a !
Impressionnant ... cela donne envie ... mais peut-être sans le détour du retour un peu long pour moi !
Merci.
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