Sortie du 19 juin 2022 par Sylvain Tête de Garnesier (2367m) par les vires de la face nord-ouest

Mises en garde :

Attention parcours très dangereux : l’évolution des terrains en montagne a rendu ce parcours bien plus délicat sur un court passage, par rapport à sa description d’origine par P. Sombardier dans Vertiges d’en Haut.

Dans sa sortie datée de juillet de 2019, Mick1018 mettait déjà en garde sur l’importante érosion de la vire inférieure, et du danger qu’il y avait à la parcourir. Celui-ci précisait même que cette course ne serait peut-être même bientôt plus réalisable.

Juin 2022 : une partie entière de la vire a été grignotée par l’érosion, et l’étroit passage glissant sécurisé par une main courante décrit dans le topo de michel s’est considérablement réduit. Mais celui-ci ne présente finalement pas de réelles difficultés grâce à la corde fixe (celle-ci est vieillissante, mais je n’y ai constaté aucune zone de faiblesse apparente), mais il est dorénavant impératif de s’y longer.

Le vrai danger, ce sont les quelques mètres situés juste après la corde fixe. La vire est tellement érodée qu’il est maintenant presque impossible de contourner un rocher penché légèrement décollé de la paroi. Il faut donc passer dessus pour redescendre de l’autre côté, l’exposition est maximale, avec juste la place de poser la pointe du pied derrière afin d’arriver sur une petite banquette herbeuse d’environ un mètre de long.

Cette banquette est interrompue par une seconde zone d’effondrement instable et glissante. Seule une étroite "dalle" un peu branlante de quelques dizaines de centimètres de large, recouverte de pierres roulantes permet encore de franchir ce dangereux passage. Combien de temps tiendra-t-elle...?

Je rejoins les propos de Mick1018 et déconseille totalement de réaliser cette course, tant que la main courante n’aura pas été prolongée.

Pour ceux qui s’y aventurerons quand même, bien suivre les recommandations du topo de michel qui à été mis à jour en conséquence, et ne pas hésiter à faire demi-tour tant qu’il en est encore temps. Avoir également conscience que même avec une corde, il est très difficile de sécuriser ce type de terrain instable.

Notre sortie :

Voilà maintenant quelques semaines que je fais faux bond au Dévoluy, et l’envie d’y randonner à nouveau se fait sentir !

Ayant connaissance de la dégradation de cette itinéraire, j’ai beaucoup hésité avant de choisir les vires de la Tête de Garnesier.

Allons quand même voir, vu que la zone effondrée se situe quasiment en début du parcours, nous pourrons toujours faire demi-tour et aller au Roc de Garnesier tout proche !

Afin de profiter d’une descente plus aisée, nous choisissons de démarrer du vallon de l’Abéou plutôt que de la Jarjatte.

Ce vallon est vraiment très sauvage, et la marche d’approche avec la vue sur les Garnesier est très plaisante.

De loin la montée au Col de Corps semble délicate, mais finalement celle-ci se révèle relativement aisée.

Arrivés au col, nous faisons une pause afin de profiter de la vue, et de nous équiper pour le passage délicat.

L’ambiance le long de cette première vire encore dans l’ombre avec le vent violent est dantesque, mais j’appréhende un peu avant d’arriver à la zone effondrée...

Nous y voici, celle-ci est étroite et ravinée, mais cela ne semble pas si terrible grâce à la présence de la main courante. Nous nous longeons et arrivons sans difficulté au bout de la corde fixe. Mais là, surprise... (En fait pas vraiment car j’avais lu la sortie de Mick !) La vire est toujours aussi étroite et n’est plus sécurisée.

J’hésite à contourner le rocher penché dos au vide par la mince bande d’herbe qui subsiste à sa base, avant de vite me raviser... Celle-ci est beaucoup trop érodée par le dessous, pas sûr qu’elle supporte notre poids.

Il faut donc passer par dessus ce rocher. Je le grimpe et m’assieds dessus les pieds dans le vide. S’ensuit un petit blocage... Je n’ai pas envie de me retourner et de poser mon pieds sur dix centimètres de cailloux avant de pouvoir accéder à la toute petite banquette herbeuse de l’autre côté. Les prises sont pourtant bonnes, mais en général dans ce massif tout ce qui à l’air de tenir n’est qu’une illusion...

La conversation avec mon compagnon, qui lui est encore longé à ce moment précis :

Lui : - Tu te chies ?
Moi : - ...
Lui : - C’est expo mais ça n’a pas l’air trop dur !
Moi : - ... Non pas trop dur, faut juste oser se lancer !
Lui : - Ça me fait plaisir, car ce n’est que la deuxième fois en trois ans que je te vois avoir peur !
Moi : - ... Si on allait au Roc de Garnesier ?
Lui : - Tu es sur que ça ne passe pas, après on va le regretter... ça fait peur mais ça a quand même l’air jouable !
Moi : - Ok mais faut vraiment que tu passes aussi car je ne ferai pas l’aller-retour !
Lui : - Oui je passerai !

Et voila comment nous nous sommes motivés à poursuivre sur ce dangereux passage.

Je me retourne et me décide enfin à descendre de ce rocher pour prendre pied sur la banquette herbeuse. je ne sais pas vraiment comment passer la zone effondrée qui suit, tant le passage est exigu et croulant. Une étroite dalle un peu branlante semble être la solution, je me lance. De toute façon je ne reviendrai pas en arrière...

Me voici passé, avec en prime un bon shoot d’adrénaline ! Mon ami me rejoint peu de temps après, lui aussi semble un peu shooté...

Nous sommes ravi d’avoir pris sur nous, et continuons sereins sachant la difficulté derrière nous !

La remontée du pierrier conduit à un éperon rocheux tout proche, délivrant une incroyable vue sur le parcours déjà effectué. Le contournement jusqu’au couloir permettant de rejoindre la vire supérieure, ainsi que la descente sur celle-ci, est peut-être la plus belle partie du parcours !

La paroi en "pierre sèche" dominant la seconde vire est impressionnante. Nous arrivons rapidement au pied du bastion sommital, celui-ci est vraiment très raide, mais jamais difficile.

Nous faisons une longue pause au sommet avant de redescendre. Quel incroyable cheminement pour arriver jusqu’ici !

Nous redescendons tranquillement par le paisible vallon de Boudelle.