Sortie du 21 juillet 2021 par bibox Mont Pécloz (2197m) par l’arête Nord de Chamosseran
Enchainer Arménaz et Pécloz dans la même journée est naturel. Je n'imaginais pas d'autre parcours que cette traversée à partir de la Pointe de la Fougère pour réaliser le doublé en grandes pompes. Les chaussures ont travaillé dures vus les kilomètres et le dénivelé avalés. Le marathon photos proposé est proportionnel à l'ampleur de la boucle. J'ai réalisé une variante très alpine, pour montagnards avertis, à l'ascension du sommet du Pécloz par sa vire du versant 'est' et la remontée de la portion finale rocheuse de son arête nord. Cela faisait un bout de temps que j'avais cette exploration dans un coin de ma tête.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Si je n’ai pas enfilé mon coupe-vent au sommet du Pécloz, c’est qu’il faisait encore bon là-haut. Temps beau, un peu voilé avec quelques nuages qui sont passés au sommet de l’Armènaz entre midi et deux.
Récit de la sortie
Certainement mon périple le plus mémorable dans ce que j’ai déjà fait dans le massif. J’ai coché les neuvième et dixième sommets dans ma quête Messnerienne des quatorze 2000 des Bauges ! Plus que quatre donc.
Déjà, dès le départ alors que le torrent du Chéran coule à flots, je fais une petite variante au topo en préférant monter par le sentier en lacets un peu plus en amont de celui proposé passant par le Chalet Ruiné de Combe Fort. Ce sentier d’ubac me comble déjà du bonheur d’être en montagne, de part son côté sanglier. Les moments en forêt lors de cette journée, à l’approche et au retour, auront été une vraie plus-value. Les premières vues sur les hauts sommets me prouvent que je n’ai rien perdu de mon enthousiasme à les contempler. Le sentier est parfois en dévers dans les raides pentes du bois alors que je passe sous des arches naturelles formées des rapprochements câlins de troncs d’arbres. J’ai pour une fois embarqué beaucoup d’eau dans mon sac et je ne vise pas à la réserve en marquant une pause au niveau d’une cabane forestière.
Au lieu-dit "Sous la Fougère", je suis un peu déçu de n’avoir fait que quelques cinq cent mètres de dénivelé. Le cheminement en lacets jusque là était ample et peu pentu. Cela change radicalement alors que j’attaque maintenant la remontée dans une ligne plus directe pour rejoindre la crête. Néanmoins, les mollets bien échauffés, je m’élève maintenant plus sérieusement vers la Pointe de la Fougère alors que la lumière perce à travers les branches des arbres qui se dispersent. Je peux admirer dans toute leurs proportions les versants des Monts d’Arménaz et Pécloz que je vais rejoindre par les arêtes. Je suis fasciné par ce versant, l’un des plus remarquables et préservé des Bauges. Celui que j’avais découvert en me retournant en montant aux chalets d’Orgeval avec ces rails verticaux si originaux séparant les deux cimes.
La Pointe de la Fougère est atteinte en la compagnie de nombreux insectes volants. Sur la crête, le décor s’ouvre alors complètement sur les massifs alentours, jusqu’à la reine Meije et ses voisines d’Arves. Le Mont Blanc étant toujours bien sûr le point d’ancrage incontournable du panorama. La route vers l’Arménaz commence déjà par la courte mais pentue ascension de la Pointe de Chamosseran. Pas celle que j’imaginais la plus difficile mais la portion où j’aurais été le plus vigilant ; les pentes herbeuses étant trompeuses car il serait mal venu de glisser notamment, encore une fois à l’inverse de ce que l’on pense, en versant ouest. De plus, la terre sur la sente à suivre est humide et je patine un peu en certains points. La suite très esthétique de l’arête me verra plus à mon aise à grimpouiller des ressauts que l’on suit la plus part du temps sur la gauche.
Arrivé au point coté 2080 de l’arête, je découvre le final dans l’alpage sommital. Des nuages enfument les lieux et c’est encore plus joli comme ceci. Les Pointes d’Arces, des Arlicots et la Dent d’Arculsaz apparaissent au gré de leurs va-et-vient. Je suis en bordure de la zone de recherche protégée de l’Armène où il est interdit de quitter les chemins balisés. La végétation est abondante et je perds la notion de l’altitude au moment d’apercevoir la croix de ce sommet de 2158m, ayant plus l’impression d’être dans une prairie de campagne. Je me ravitaille, je profite des lieux, remarque les autres randonneurs en haut de mon prochain objectif et entame la descente, pressé d’aller contempler ces fameux rails de plus près. Et effectivement, leurs lignes s’admirent sans modération. Les photos les rendent un peu plus raides qu’ils ne le sont vraiment et je ne suis pas sûr de prendre complètement pour un fou celui qui ambitionnerait de les gravir. Je suis peut-être devenu taré.
Au col, attendent deux employées du parc régional pour faire de la pédagogie aux promeneurs et répondre à leurs éventuelles questions sur la faune, la flore, la protection de l’environnement. Très sympathiques, je reste en leur compagnie un bon quart d’heure bien venu pour me reposer. On se met à comparer les Bauges aux autres massifs préalpins en vantant la tranquillité jalousement gardée et les efforts mis en place ici pour la préservation de la biodiversité. Elles m’invitent à regarder dans la longue vue directement pointée sur un chamois qui se prélasse sur des rochers. Leurs collègues sont apparemment positionnés eux près d’un nid d’Aigles royaux, dans le Trélod. Quand je leur explique mon parcours, elles me demandent si il est envisageable de descendre en sens inverse. Je réponds que selon moi, oui, mais que cela dépend de leur pratique de la montagne. J’espère ne pas dire de bêtise. J’entame l’ascension du Pécloz avec une autre idée bien en tête.
Après les escarpements de la voie normale, plus proche du sommet que du col, je file sans me poser de questions sur le départ de la vire du versant "est". Il m’était inenvisageable de me trouver là et de ne pas aller l’explorer alors que je la contemple en photos depuis si longtemps. Cette vire doit forcément avoir été pratiquée de par sa visibilité évidente et son accessibilité mais je ne connais aucune publication internet qui la mentionne. Peut-être parce que avant 2018, tout le versant nord du Pécloz était une zone interdite pour le commun des marcheurs. C’est vraiment impressionnant car toute la journée, j’ai eu les yeux sur les immenses falaises en dessous. Je suis dans l’inconnu, je ne sais pas si elle file jusqu’au bout comme je le souhaite. J’ai l’expérience des vires et il ne sert à rien de se monter la tête en les visualisant dans toute leur ampleur, c’est trop de pression mentale. Il faut prendre bout après bout tant que ça passe. Celle-ci est relativement bonne et ça passera tout du long ! Dans deux courbes, quand la sente flirte avec le vide, il est possible d’évoluer plus près des parois pour moins d’émotions. Vers la fin, avant de rejoindre l’arête nord, une cassure que j’avais repérée et qui me posait question, demande de descendre une courte rampe. Je pourrais rester debout mais pour une sécurité maximale, je me mets sur les fesses. Hop, on remonte des pentes herbeuses et c’est presque terminé. La fin me parait un peu déversante proche de l’abîme donc j’effectue une diagonale dans des gradins faciles pour éviter le danger.
Surprise, l’arête nord, en versant ouest, à ce niveau et un peu plus bas, n’est pas directement exposée. C’est même tranquillou. Je fais une pause avant d’ambitionner la suite. Au pire, je reprendrai la vire. Je regarde cette arête où se distinguent deux buttes sommitales rocheuses. Sous la seconde, la plus grande, la roche colorée dessine un carré qui attire mon attention, un gros caillou beige coincé dedans donne l’impression d’un énorme coffre fort de calcaire. Avant d’envisager d’escalader ces buttes, une sente bien marquée se dirige vers une verte corniche plus à droite, à l’ouest. C’est mon premier essai. Les pentes herbeuses sont en revanche bien plus raides que les photos ne le montrent. Le cheminement demande de la prudence, je me tiens aux touffes pour l’équilibre. Dessous, un précipice, impasse. Revenir demande de la concentration d’autant que le souffle est court. Je suis dans ma bulle, attentif aux maximum de détails. J’essaye une rampe très inclinée plus près de l’arête. Cette rampe, je l’avais remarquée sur les clichés. Ça débouche presque, en amont d’une plateforme herbeuse sous le sommet mais les dix mètres pour la rejoindre sont impossibles. Donc, de retour sur l’arête, je grimpe son petit couloir encaissé, aux quelques petites dalles lisses.
Je suis en haut de la première butte. Je fais un mini-cairn. Si je suis monté, c’est parce-que je me sentais aussi capable de redescendre. C’est l’instant de vérité, la dernière option. Et la descente sur la brèche, sous la deuxième butte est faisable, pas dure ; avec vigilance tout de même ! Un pont de pierre suffisamment large suit pour la franchir ! Ce pont de roche semble avoir été posé là exprès. Pour le coup, sa courte traversée est plus qu’aérienne, des deux côtés. Le coffre fort est juste là aussi. Je franchis en m’équilibrant également avec les mains, l’inclinaison du passage le permettant. En gros, je ne passe pas debout et sans jeter un seul regard à gauche ou à droite. C’est gagné, rejoindre le sommet est maintenant débonnaire. Derrière, je peux voir là où mes premières tentatives débouchaient. Devant, d’abord un gros cairn m’accueille puis la croix du Pécloz. Cela mérite bien un petit selfie pour illustrer le succès de cette exploration en mode reconnaissance, sans références. Et là, deux rapaces aux ailes déployées me survolent quelques minutes. Il parait que dans les Bauges il y a des aigles ? Nan, des vautours.
Le retour par l’arête nord-ouest sera rude pour les muscles, pentu mais les regards jetés autour en valent la peine. Principalement sur les pelouses, les clairières, les arbres, les rochers et les mystères du versant nord resté sauvage de nombreuses années et qui m’attire tellement. Dernière variante au topo, au carrefour du "Replat d’en haut", je coupe par le sentier qui mène aux Lauzières, sur la carte. Il permet d’éviter la longue remontée de la route et le dénivelé qui va avec et surtout de découvrir de l’intérieur cette fascinante forêt domaniale de Bellevaux. Ce sentier est assez sioux dans l’esprit car la trace n’est pas toujours évidente à suivre. De plus, alors qu’on pense l’avoir perdu au milieu, il se cache derrière de gros blocs à outrepasser. Une combe est habitée plus loin par un énorme névé résiduel qu’il faut parcourir. L’ambiance est belle, les feuilles tamisent la lumière de l’après-midi quand je gagne la route au pont du Plan du Bout.
Un panneau, à la sortie du sentier indique que je viens de traverser une forêt située dans la réserve biologique intégrale du Haut Chéran. Il est mentionné que l’on doit rester impérativement sur le sentier (ce que j’ai fait) mais qu’aucune intervention de secours saurait être menée en dehors. D’après les documents que j’ai consulté sur le site du parc naturel, cette zone ne fait plus partie des sites interdits après les changements de fin 2018. Ce panneau date-t-il d’avant et est-t-il resté en place ensuite histoire de continuer à dissuader les profanateurs ? Ou est-ce réellement toujours impossible d’aller explorer ce versant hors des chemins forestiers ? En remontant vers le parking du Nant Fourchu, vers la belle cabane, je jette un dernier coup d’œil sur ce dernier, hypnotisé.
Photos
Auteur : bibox
Avis et commentaires
une bien belle ’’bambée’’ en pays bauju avec de magnifiques photos quelques fois vertigineuses
un vrai régal !
Merci pour vos retours chaleureux !
Oui le sentier des Lauzières évite la route et aussi du dénivelé car il y a 130m+ à remonter sur le goudron si on descend jusqu’au parking du Couvent... et la boucle est déjà assez costaude comme ça ! Jicépé, j’ai fait pareil que toi à l’aller par Sous la Fougères et au retour donc.
Trois ans sans sorties publiées sur AR pour cette traversée et boum, deux en 11 jours !
Joëlle, quelle chance pour le gypaète !
Impressionnante ta recherche d’itinéraire !
Pour info côté rapace quelques gypaètes en provenance de la yaute font des incursions dans les Bauges, j’ai pu en observer un du côté de Massoly.
Bravo : j’ai fait cette boucle il y a 15 jours, mais de façon classique : je n’aurais jamais osé me lancer seul sur la vire suivie au Pécloz.
Pour la descente, j’étais passé aussi par les Lauzières pour éviter le maximum de route : j’avais bien repéré la vire en forêt se rétrécissant de la photo 125, pensant qu’une brève main courante à cet endroit serait utile. J’ai trouvé le sentier descendant en lacets vers le Pont du Plan du Bout très détérioré par les orages et difficile à ne pas perdre !
J’avais noté aussi le panneau au bas, qui correspond manifestement à l’ancienne réglementation qui ne permettait pas de traverser sous la Fontaine d’Enfer.
Cordialement.
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