Sortie du 20 juin 2020 par bibox Tête des Pras Arnaud (2617m) par le Pas de Paul

Rien que de se réveiller au hameau de la Montagne, le bien nommé, et de contempler les paysages dévoluards en prenant le petit déjeuner me fait dire que cette journée part vraiment du bon pied. Les nuages annoncés sur à peu près tous les massifs, calment mes hardeurs sur des itinéraires encore plus relevés mais comme on me l'a dit, ce pas de Paul est un incontournable qu'il faut avoir fait au moins une fois dans sa vie ! Très esthétique sur le versant du plateau de Bure plus tranquille à l'écart de la foule que je retrouverai du côté du Pic.

Itinéraire, carte // Fiche topo

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Conditions météo

Le plateau de Bure et son versant sud sera resté l’un des rares secteurs de plus de 2000m qui auront résisté à l’assaut des nuages, ce jour-là.

Récit de la sortie

Un petit cap symbolique, ma 50e publication sur Altituderando. C’est pas ouf mais quand même, cela fait quelque chose. Doucement mais surement, ça augmente. Et voilà une belle sortie pour atteindre cette étape, le pas de Paul, pas vraiment hyper difficile mais pas si évident non plus, il offre une ascension mémorable sur des escaliers typiques, parmi les plus remarquables du massif. La beauté du Dévoluy incarnée. Grande ambiance dans ce couloir. C’était beau, tout simplement beau.

Je pars du col de Gaspardon, comme indiqué par Pascal Sombardier. Je suis la piste et rate complètement le sentier qui monte sur le col des Rimas. Tant pis, je continue et me retrouve vite devant les immenses versants, encore à l’ombre, du plateau de Bure. La Tête des Pras Arnaud est en vue ainsi que son pas de Paul dont quelques éclats orangés, embrasant le sommet, témoignent que le soleil franchira prochainement les hautes lignes de crêtes. Dans le grand lacet, je persiste sur la piste qui part à l’ouest plutôt que de chercher à rejoindre tout droit le secteur du Rocher des Hirondelles, autre possibilité pour atteindre l’objectif du jour. Quelques hectomètres plus loin, une coupe dans la forêt m’inspire et je grimpe raide dedans. Me voilà parti pour une biboxerie dont j’ai coutume.

Maintenant place à l’improvisation dans le bois, entre les pins. Je suis une trace sioux vers l’est, plutôt à plat. Mais il va me falloir prendre aussi de l’altitude et une ravine d’éboulis me permet une progression dré dans l’pentu, histoire de déjà s’entamer. Après un moment d’efforts, je me retrouve sous une petite barre rocheuse que je vais contourner sur la droite. C’est l’arrivée austère, au petit matin, aux abords du ravin de Côte Belle. Ce dernier est vaste, profond, menaçant. La bonne nouvelle, c’est que l’on a une vision dégagée sur la suite vers le pas de Paul. Une sente à même le gouffre est vraiment trop dangereuse et je remonte à l’arraché entre herbes et roches pour atteindre un environnement plus favorable mais surtout le bon sentier qui va me permettre la traversée du ravin.

Celle-ci est aérienne mais point de trop. Le terrain est à découvert. Mes yeux se posent sur les sommets des Alpes du sud. Les Séolane et la Tête de l’Estrop dominent l’horizon. Un bon cairn marque le départ de la large croupe herbeuse qu’il me faut remonter, derniers vestiges verdoyant d’un environnement où le minéral prend l’ascendant. Car c’est bien vers le haut qu’il faut regarder. Pas de stress pour s’orienter ici ; la direction à suivre étant assez naturelle et instinctive, le couloir du pas de Paul démarrant à gauche d’un beau pilier caractéristique. Je mets mon casque, les chutes de pierres étant le principal risque de ces parcours dévoluards. Après des courts gradins encore verts, un travers permet de gagner un premier escalier blanchâtre, très esthétique et relativement étroit, ses marches de calcaire faisant passer une sensation de froid dont je me souviens encore. Un peu plus raide que les photos le suggèrent, sa sortie est plus délicate et il serait déjà pas aisé de redescendre.

Autour, les parois me dominent de leurs silhouettes presque hautaines, pressantes, elles me prennent de haut. Belle ambiance. Un petit mur fait suite. Ayant la flemme de ranger mes bâtons, je le contourne pas la droite sur des gradins enlevés mais qui passent. Où continuer ? Après un peu de flottement, l’évidence me frappe. De l’autre côté, comme une révélation, majestueux, le grand escalier iconique du pas de Paul est là, une moitié au soleil, une encore dans l’ombre, le Yin et le Yang, opposés et complémentaires. Un peu déçu d’être parti trop tôt pour profiter d’un éclairage complet sur ce fabuleux passage, je trouve finalement un sens abstrait à cet instant ! Je le gravis là où l’eau issue de la fonte de quelques derniers névés résiduels, ne coule pas ; là où la chaleur de l’astre diurne a pu achever son œuvre estivale.

En amont, il serait plus ludique de gravir le couloir dans sa partie obscure mais c’est toujours autant mouillé. Après avoir franchi une petite barre toute en strates peu dures à négocier, je reste au centre, vers une aiguille que je longe sur sa gauche. Une jolie surprise se trouve là, une petite lucarne dans le mur de l’aiguille. Je la rejoins prudemment en vire exposée. On aurait envie d’y mettre des rideaux sur cette fenêtre. Toujours raide, la portion finale du pas de Paul est un terrain relativement paisible où l’on peut profiter de la plénitude de l’ascension quasiment accomplie. Reste à rejoindre la petite encoche de sortie. Juste à côté, une faille composée d’une grande dalle blanche semble être aussi une option envisageable. Pour ma part, je choisis la version classique mais il me faut effectuer un léger numéro d’équilibriste pour passer au-dessus de la neige d’un ultime névé barrant l’accès, véritable toboggan qu’il vaudra mieux éviter d’essayer. Une fois la brèche atteinte, le spectacle est au-delà de mes espérances.

Il n’est pas encore 10h. Le plateau de Bure s’offre à moi avec les fameuses oreilles des radiotéléscopes de l’IRAM et surtout la merveilleuse ligne d’horizon avec tous les sommets des Écrins bien distincts ! Quel angle de vue, on les voit tous ou presque avant que les nuages n’aient eu le temps de les prendre d’assaut, ce qui sera le cas seulement une heure plus tard ! Quelle atmosphère dans cette brèche aérienne qui donne un vrai goût de haute montagne ! Je grimpe sur un rocher pour contempler d’en haut la combe de Mai, lunaire et aux falaises tourmentées. Le Pic de Bure est à l’opposé, point culminant du secteur. Le pas d’escalade pour rejoindre la Tête des Pras Arnaud me semble d’abord tout de même plutôt relevé mais s’avère bien plus simple en pratique. J’atteins le cairn sommital tout proche. Mais je n’en ai pas fini !

À l’ouest, la grande barrière dévoluarde. Les Garnesier, silhouettes pyramidales parfaites. Puis la Tête de Vachères et son élégant versant sud habillé d’une robe où les plis sont autant de couloirs verticaux remontant jusqu’à sa ligne de crête. Et le Grand Ferrand qui rivalise avec n’importe quelle autre cime en termes de charisme et de parcours spectaculaires. Je traverse la reposante crête des Bergers. Je flâne paisiblement alors que pourtant c’est ici, dans les parois sous mes pas, âgé de trente-cinq ans comme moi, que l’immense alpiniste Jean Couzy trouva la mort, tué par une pierre. En arrivant à la Tête de la Cluse, une pelouse incongrue m’accueille au bout de ce désert de cailloux. L’Obiou dépasse de la mer de coton, on entrevoit les pistes des stations de ski, au centre du massif et l’arrivée du dernier téléski. Je descends en contrebas pour découvrir une autre des vastes combes entourant le plateau ainsi que l’intimidante Tête d’Aurouze, avant d’engager la traversée vers l’est.

Marcher sous les antennes, en mouvements constants, est certainement à ne pas rater. Je ne suis pas spécialiste, je sais juste qu’elles permettent d’avoir des informations, quelques réponses à ce qui se passe très très loin de notre Terre, jusqu’au plus ancien trou noir jamais découvert. Un site pareil ne manque pas de provoquer notre imagination. On peut penser aux scientifiques en mission sur plusieurs mois, passant l’hiver dévoués à leurs tâches, entourés par les neiges immaculées, mais en ayant certainement besoin de pouvoir aussi se changer les idées. Pour cela, regarder le film The Thing de John Carpenter est peut-être une idée...

Le Pic de Bure est très proche. Je ne vais certainement pas louper l’occasion de cocher le troisième sommet du Dévoluy ! On monte en pentes régulières sur un sentier optimisé pour ne pas trop en baver. C’est parfait car j’ai moins de forces en réserve. En haut, c’est la Montagne de Faraut qui m’attire le plus évidemment, celle qu’il me faudra arpenter pour être adoubé. Je discute avec un couple de montagnards passionnés, descend des marches rocheuses vertigineuses pour étudier le terrain de jeux d’un haut niveau de difficultés que constitue le versant est jusqu’à la Dent d’Aurouze, tombe en émoi devant le vallon d’Âne, le Pic Ponsin et la crête de Raz de Bec, repère la bande bleue du lac de Serre-Ponçon et entame la descente sur un long névé. J’improvise sur la voie normale en traversant spectaculairement le pierrier au-dessus du sentier habituel, sous les cabanons de Montmaur. Il me faut redescendre tout droit pour retrouver le passage des Marches et le GR. Arnaud m’indiquera ensuite qu’il aurait été plus ambitieux de rentrer par la combe de Pré la Pare dont j’avais oublié d’en regarder la possibilité. La Fontaine du Vallon est bien une oasis de mélèzes, de verdure, à l’aura magique qui n’a d’égale que l’étrange forme de la montagne de Céüse au nom celtique qu’on rejoindrait en quelques battements d’ailes. Je rentre par le sentier transversal refusé au départ, raccourci qui après un deuxième franchissement aérien du ravin de Côte Belle, me permet de finir la piste vers le col de Gaspardon, avec cette fois-ci, lorsque je regarde par dessus mon épaule, une vue imprenable sur les versants éclairés, comme vous pourrez le voir sur les dernières photos.

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 20 juin 2020

Dernière modification : 24 août 2020

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Avis et commentaires

Joli récit et ... jolie bambée !
Oui ! Il faut l’avoir fait au moins une fois dans sa vie ce pas de Paul ...
De passage dans la combe de Mai il y a une quinzaine de jours, les souvenirs revenaient en force dans ma tête avec comme une petite envie ... d’y retourner !

J’avais fait un peu plus simple en partant des Sauvas héhé.
La sortie sur le plateau est un régal, que de bons souvenirs 🙂

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