Sortie du 25 août 2019 par CourtePatte Vieux Chaillol (3163m) par le Col de la Pisse et le Col de Côte Longue

Un tas de cailloux ? Oui, mais pas n'importe quels cailloux. Au Vieux Chaillol, les pierres ont des choses à dire...

Itinéraire, carte // Fiche topo

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Conditions météo

Grand beau. Brise agréable en altitude.

Récit de la sortie

« Encore une sortie au Vieux Chaillol ?!? » Et bien oui. Pour ceux qui comme moi craignent que la portion minérale de l’itinéraire ne soit que « bête caillasse », car j’ai été très agréablement surprise par les menus détails de la-dite caillasse.

Sortie annuelle dans les Alpes avec une cousine qui se déplace exprès depuis le Golfe du Morbihan. Nous voilà enfin dans le Champsaur auquel nous avions dû renoncer l’année dernière pour raison météorologique, et le choix de l’objectif est cornélien : il faut départager la balade du Pic Queyrel, qui a l’air drôlement riche entre autres sur le plan géologique, et celle du Vieux Chaillol qui promet des vues fantasbabuleuses mais dont la portion minérale semble plutôt ingrate.

C’est la météo qui l’a emporté : il nous a semblé que par une journée aussi belle, c’eut été cracher dans l’œil des dieux que ne pas monter au Vieux Chaillol. Surtout que quelques jours avant le départ nous n’étions pas encore sûres de pouvoir seulement mettre un pied dans les Alpes tant les prédictions étaient inquiétantes...

J’attendais beaucoup des fameux grès du Champsaur, et jusqu’au Col de la Pisse le spectacle, comme souvent, dépasse l’espoir nourri par les photos : les grandes tables de grès où les cascades ont des airs de jardin paysager ; les tours et les sculptures à demi fondues, qui font contraste avec le velours des pelouses : cela procure un plaisir presque tactile. Mais personne ne nous avait dit que ces mêmes cascades étagées recelaient un menu trésor : des swerties vivaces, que pour ma part je n’ai vues qu’une seule autre fois, en zone de tourbières dans le Jura. Légèrement dissimulées dans la végétation riparienne, il s’en trouve sur les deux sentiers à gauche et à droite du vallon sous le Sellar.

Au Col de la Pisse s’ouvre la partie de l’itinéraire qui me paraissait la plus rebutante : une longue progression dans une pente lunaire, avec pour seule distraction les vestiges du canal de Mal Cros. Mais c’était compter sans les détails minéraux. Tout d’abord, cette étrange roche tachetée, qui m’évoque d’abord quelque variolite et m’oblige tous les deux pas à ramasser un échantillon pour essayer d’en comprendre la constitution. C’est GeolAlpes qui m’expliquera plus tard que je viens d’observer les Grès Mouchetés du Champsaur (geol-alp.com/drac/0_gener...). Pour la variolite on repassera 🙂 mais au moins je n’avais pas tout faux puisqu’ils doivent leur peau de murène à la présence de cendres volcaniques.

Encore plus fascinant : nous sommes bientôt intriguées par la présence d’étranges cupules, de dimensions variables, au flanc des dalles rocheuses. Il n’y a pas que des cupules : nous découvrons bientôt que ces cratères sont l’empreinte d’inclusions plus sombres qui tendent à s’éroder ou se détacher de la roche mère, comme des œufs minéraux. Au contact ces œufs ont une texture gréseuse plus grossière que celle de leur « matrice ». Intrigant. Oh, mais il y a encore mieux : en nombre d’endroits, là où ces œufs ont été partiellement arasés, nous réalisons qu’ils peuvent constituer une sorte de fleur, avec une auréole plissée autour d’un cœur distinct. Quel mécanisme a bien pu conduire à la formation de pareilles structures ? Là encore c’est GeolAlpes qui volera à notre secours (cf référence précédente) : il s’agit cette fois des fameux « galets mous » (!!!) que les courants marins auraient façonnés avant de les abandonner dans le lit du grès « encaissant », entourés d’une gangue qui formerait cette mystérieuse collerette.

Avec tout ça, le dépaysement minéralogique dépasse mes attentes. Et ce n’est pas fini. Nous atteignons la séduisante et graphique Cabane des Parisiens, où le canal de Mal Cros s’enfuit au long d’un sentier balcon drôlement attirant – mais ce n’est pas l’objectif du jour. Désormais nous attaquons la montée finale. Sur les photos, les pentes m’avaient parues essentiellement schisteuses et sans mystère. Pendant la marche d’approche sur Côte Longue, la calotte cristalline présentait, de loin, des couleurs un peu plus variées que le bête noir schisteux, avec des teintes roussâtres que j’attribuais à l’oxydation. Sur le terrain c’est mieux que ça. Non seulement les schistes sont fréquemment ponctués de veines de quartz blanchâtres, mais leur feuilletage est effectivement multicolore, soulignant les effets de plissement. Et ils présentent régulièrement des lustres roses très exotiques pour qui, comme moi, ne connaît que les schistes lustrés bleu-verts.

Tout ça fait que le dernier coup de collier passera bien plus facilement que sur le sinistre terril auquel je nous avais préparées – même si le sommet du Vieux Chaillol paraît drôlement haut par rapport au Golfe du Morbihan ; mais ma compagne monte ça avec une patience et une bravoure admirables malgré la fatigue.

Du sommet et de sa vue totalement dégagée (à l’exception d’un tout petit amoncellement orageux vers l’Ubaye) je ne dirai rien. Évidemment que c’est à couper le souffle, mais le sujet a déjà été largement couvert par les autres sorties. Comme nous n’avons pas fait du cent et du zéro à la montée nous sommes bonnes dernières au sommet : ça nous vaut de finir le casse-croûte en solitaires, reines du Vieux Chaillol.

A la redescente nous prenons le sentier en rive gauche du vallon du Sellar. Je recommande cette option : à l’aisselle du vallon, juste avant l’entrée dans la forêt, se trouve la plus jolie cascade du parcours, à nos yeux en tous cas. A gauche, en amont, c’est l’encorbellement des dalles gréseuses où l’eau descend en filets noirs et blancs ; à droite, une autre dalle précipite le torrent dans le vide ; et tout ça est bordé d’une végétation exubérante. Il reste même une ou deux gentianes jaunes encore en fleurs, et nous trouvons nos premières framboises charnues et goûteuses - jusqu’ici nous n’avions trouvé que des fruits racornis par la sécheresse. Ce ne seront pas les dernières : curieusement les framboisiers semblent plus prospères de ce côté du vallon. Affaire d’exposition sans doute.

Au final nous revenons ravies, et nous ne nous serons pas ennuyées une seconde. La seule ombre au tableau ? Que les contraintes logistiques du retour, le lendemain soir, ne nous permettent pas d’envisager sereinement la balade du Pic Queyrel. La voilà désormais rangée dans la lonnnngue liste des envies !

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 25 août 2019

Dernière modification : 29 août 2019

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Avis et commentaires

Merci du conseil ! A vrai dire j’avais déjà inscrit le Chenaillet dans mon interminable Liste des Envies, moins pour les pillow lavas (j’ai la chance d’avoir des attaches familiales dans les Côtes d’Armor, où il est également possible d’en voir) que pour d’autres formations qui ont l’air fascinantes : variolites "in situ", serpentinite etc.
J’ai dans l’idée que si je finis par trouver l’occasion d’y aller, le programme rando du jour devra accommoder de larges pauses contemplatives...

Pour la géologie tu peux aussi au départ de Montgenèvre aller au Mont Chenaillet. C’est un site géologique reconnu pour son ophiolite, il me semble qu’il y a un circuit géologique d’ailleurs.
Tu peux voir des Pillow lava, ils se forment uniquement lors d’éruption volcanique sous marine donc pas si commun que ça dans trouver des beaux en surface. A priori au Mont Chenaillet c’est les plus remarquables des Alpes.

Un lien peut être utile pour les curieux
svt.ac-versailles.fr/?brev...

Merci pour les retours !
@BA42 : c’est pourtant vrai que je n’y connais pas grand-chose en géologie, la preuve : c’est geol-alp qui m’a apporté toutes les réponses, comme souvent. Par contre c’est effectivement un sujet qui m’intéresse, et j’espère toujours que je vais finir par m’améliorer...

En tous cas je suis contente si cette sortie met en valeur une facette un peu différente du Vieux Chaillol : c’était le but (à mon sens c’est l’un des charmes du format "multi-contributeurs" d’Altituderando).

@Hereme : merci pour les liens ! Je n’ai pas encore tout lu mais ça a l’air très intéressant.

#23 Swertie : Liste Rouge UICN de la Flore menacée de France : préoccupation mineure.
Espèce pour laquelle le risque de disparition de métropole est faible.
Tendance d’évolution en France : diminution.

Espèce protégée en Aveyron (30 décembre 2004), Champagne-Ardennes (8 février 1988), Rhones-Alpes (4 décembre 1990), Auvergne (30 mars 1990) (Bourgogne (27 mars 1992).

Tu ne t’y connais pas qu’en géologie... en botanique aussi !
Texte très intéressant et belles photos, merci du partage...

Salut michel.
Pour moi c’est pareil !
Et quand tu lis l’auteure sur une précédente sortie (Roche Château) :
"Je regrette d’être aussi médiocre en géologie."
...

J’y suis monté deux fois, pourtant à lire ce récit, j’avais l’impression de découvrir un sommet inconnu !
Un regard intéressant qui met en exergue notre ignorance de la géologie.

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