Sortie du 22 septembre 2018 par Antoine Cime des Torches ou Grand Agnelin (2958m), en boucle par la crête du Petit Agnelin
Une dernière avant l'hiver. Troisième et dernier sommet d’une jolie trilogie entamée l’année dernière (Pic du Mas de la Grave - Pic de la Buffe d’en haut - Cime des Torches.)
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Nuages le matin, forêt d’ortie à 11h, et grand soleil l’après midi.
Récit de la sortie
Le réveil sonne sans autre forme de procès que de m’inviter à me lever. En écoutant la pluie tomber sur la fenêtre de toit, j’avale mon petit déjeuner en regrettant d’avoir confirmé la rando. Je dois retrouver Greg à Vizille dans 1h et nous partons pour Saint-Sorlin-d’Arves. Un coup d’œil sur les webcams de Chamrousse me motive néanmoins. Au-dessus de la couche d’humidité, il fait grand beau. Je poursuis mes investigations avec les webcams des vallées alentour. Même principe, il fait beau par-dessus l’épaisse couche de nuages.
En plein flux de Nord, cette humidité aurait tendance à m’inquiéter mais le flux bascule à l’Ouest puis au Sud-Ouest au cours de la journée, ce qui signifie un assèchement rapide de la masse d’air. Faisons donc confiance aux modèles météo, et partons joyeusement deux massifs plus loin plus à l’intérieur des Alpes, là où l’air s’assèche plus rapidement. Les massifs internes font souvent office de VMC pendant que Grenoble se trouve sous les nuages.
Vision d’horreur lorsque nous passons le col de la Croix de Fer, les stratus montent assez haut et bouchent complètement la vallée jusqu’à plus de 2000m. Je réfléchis rapidement à un plan B mais décide finalement de faire confiance à la météo et à mon instinct. Le flux d’air ne ment pas. S’il passe au Sud, l’humidité disparaît.
Nous entamons donc notre marche sous une petite bruine bretonne fort agréable. Les odeurs dans le sous-bois sont exquises. Champignons, feuilles mortes, humidité, pas de doute possible, l’automne est là.
Le sentier se retrouve très rapidement barré par les clôtures à vaches. Nous nous dirigeons donc en plein brouillard en direction du sommet du Montzard. Droit dans le pentu comme ils disent dans le Grésivaudan. Entre deux sentes, nous croisons des vaches. Peu à peu, la végétation se densifie alors qu’elle devrait se raréfier au profit des pelouses. Nous progressons dans un terrain peu propice à la randonnée en nous disant qu’une machette n’aurait pas été de trop. Fort heureusement les berces hautes de 2m sont sur le déclin et nous ne craignons rien face à leur saisonnier poison. Après 700m de dénivelé, le sommet points le bout de son dôme. Une infamie, couverte de ronces et d’orties. Nous contournons donc l’antre du diable en direction d’un collet, quelques dizaines de mètres plus bas, permettant enfin de prendre pied sur la crête.
Les stratus de fond de vallée s’évacuent doucement. Quelques salves d’humidité montent sur les pentes pour accrocher la crête de temps à autre. Les Aiguilles d’Arves se dévoilent.
La crête défile sous nos pieds et l’univers devient de plus en plus minéral. Au diable les pelouses, place à la roche. Un schiste caractéristique de ce chainon du massif.
A notre droite, les Grandes Rousse. J’observe avec attention le Pic de l’Étendard que je convoite depuis plus d’un an. J’aimerais bien y monter avant la fin de la saison alors que le glacier est en glace vive. Les crevasses sont alors bien visibles et l’itinéraire plus évident.
Nous passons le sommet du petit Agnelin, les mollets commencent à tirer. Direction plein Sud vers la Cime de Torches. La crête sommitale s’étire maintenant en hauteur pour atteindre enfin les 2958 du sommet. Curiosité locale que cette pelouse perchée à près de 3000m d’altitude. L’affaire est faite, ou presque …
Au sommet, nous croisons un groupe de randonneurs fort sympathiques avec qui nous bavardons quelques instants avant d’entreprendre la descente.
C’est une des choses que j’apprécie sur les itinéraires sauvages, lorsque l’on croise du monde, ce sont des passionnés qui savent pourquoi ils sont là. Nous discutons le l’itinéraire ce qui confirme mes craintes quant à mon plan A, la bascule du petit Agnelin vers la crête secondaire à l’Ouest est difficilement réalisable en rando. Nous basculerons donc dans le vallon rejoignant l’altisurface plutôt que de rattraper la crête menant au Crêt d’Ornon.
Je reviendrai sur cet itinéraire dans l’autre sens car je suis presque sûr qu’il existe un passage.
Quelques dizaines de mètres sous le sommet, Greg perd un bâton dans la raide pente. Il me dit de laisser tomber mais au regard des 1800m de dénivelé à descendre, je préfère tenter un sauvetage. J’ai l’impression de tailler des marches sur un névé, et cinq minutes plus tard, le bâton retrouve son propriétaire. Heureusement car la descente fut longue.
Nous enchainons les parties raides et les replats, salvateurs pour les genoux. L’univers minéral laisse peu à peu la place aux pelouses puis les pelouses chassent peu à peu l’univers minéral. Drôle de combat.
Je crois que je ne me lasserai jamais de tels changements d’univers. En quelques heures, il est possible de passer de la forêt aux pelouses, puis aux rochers et enfin à la glace lorsqu’il s’agit de monter encore plus haut. Les Alpes possèdent une variété de paysage vraiment impressionnante, presque inépuisable.
Il est temps de retrouver les moutons et leur regard questionneur, puis les vaches et leur regard accusateur à la limite du snobisme, et de nouveaux les arbres, qui ne regardent pas, mais n’en pensent pas moins. Nous finissons le parcours en trottinant un peu. Les jambes en bas, les pieds sur terre, mais la tête toujours en haut, confortablement calée, avec le ciel bleu comme coussin et les pelouses comme couche …
Ce fut ma dernière sortie montagne de la saison, ma voiture me lâchant quelques semaines plus tard. C’est à pied que je vais désormais, au gré du pouce, et ce pour les quelques semaines à venir.
Je comprends désormais que la voiture est tout simplement la meilleure amie du randonneur amoureux des Alpes. Sans elle, nous sommes limités à notre vallée, notre plaine ou pire pour les plus malchanceux, nos trottoirs …
Je n’ai jamais vécu un automne aussi morose et déprimant alors qu’un été Indien surpuissant sévit et invite aux ascensions les plus folles. Un paradoxe ? Oui …
Joyeux hiver à toutes et à tous. Rendez-vous l’année prochaine, après une saison que j’espère humide (bon déroulement de l’ensemble), froide (congélation de la pluie pour jouer avec les crampons et les broches), venteuse (snowkite) et neigeuse (ski).
Photos
Auteur : Antoine
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