Sortie du 17 août 2018 par bibox Glacier Blanc et Glacier Noir
Haut lieu du massif des Écrins, avec la Bérarde, une randonnée à partir du Pré de Madame Carle est un must pour les amoureux de la montagne. Les sentiers, encerclés par les géants que sont le Pelvoux, l'Ailefroide ou encore les Agneaux, sont bien balisés mais quelques pas de côté suffiront à vous faire entrer dans un monde sauvage d'altitude et cette sortie est aussi l'histoire d'un renoncement sur le Pic du Glacier d'Arsine. Heureusement, admirer la Barre des Ecrins du Glacier Blanc, ce n'est pas seulement apprécier la hauteur de ses 4102m mais c'est contempler un joyau qui comme la Meije est un des plus beaux sommets des Alpes, voir du monde.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Trés beau en partant le matin mais déjà un peu trop tard car les nuages viendront boucher les environs progressivement. Quelques petites averses l’après-midi.
Récit de la sortie
La météo pour ce vendredi n’annonçait rien de bien beau. Pas forcément très moche mais rien de bien encourageant. C’est pour cette raison que je suis si surpris de trouver le ciel si bleu en daignant sortir la tête de la tente vers 7h du matin !
J’avais rechigné à me forcer à me lever plus tôt, un peu résigné pour aujourd’hui. Je vérifie mon portable et les prévisions maintenant plus propices et sort pour commencer à me préparer en quatrième vitesse.
La Tête de Moïse était mon dernier bel objectif des vacances à Guillestre mais par delà le col de Vars, il faut oublier car les nuages sont légion et des intempéries sont à prévoir.
Les Écrins sont les plus dégagés et tant pis si je ne fais pas un sommet mais je n’ai encore jamais foulé le Pré de Madame Carle. Je vais me faire plaisir en montant jusqu’au Glacier Blanc avec pour but final de contempler la Barre des Écrins dans son versant nord !
La route est plus longue que je ne l’imaginais entre Argentière la Bessée et Ailefroide à travers la Vallouise où l’on a déjà le loisir d’admirer le Pelvoux. Après quelques kilomètres d’une montée qu’il ne faudrait pas négliger sur un vélo, mon pèlerinage en automobile prend fin au Pré de Madame Carle.
Il est déjà 8h30 quand je me mets en marche. Tout est déjà incroyablement beau. Les mélèzes, le joli refuge Cézanne, le torrent que l’on franchi ; les lacets qui zèbrent les flancs de la montagne. Malgré que l’on soit aux pieds de géants de roches et de glaces, l’endroit est vaste, aéré.
Je lève la tête et le Pelvoux se dresse tout droit vers sa Pointe Durand tel un gratte-ciel à New-York mais en bien plus immense encore. Le Glacier Noir, dont la randonnée doit déjà se suffire à elle-même, est dominé de manière grandiose par le Pic Coolidge, le remarquable Fifre et bien sur, la Barre. Conclusion, le Pré de Madame Carle c’est un peu comme être dans Central Park ; à quelques différences près !
Penser à mes lectures ; notamment sur l’âge d’or de l’alpinisme me replace les lieux en perspective. Whymper, Duhamel, Coolidge ; Meta Brevoort qui grimpait en petites chaussures et en robe pour une première sur la Grande Ruine... et bien sur, leurs guides, enfants du pays ou de plus loin, tels le Père Gaspard, Christian Almer ou Michel Croz.
Au XIXème siècle, les glaciers étaient bien plus volumineux et se rejoignaient dans le Pré. Le Glacier Noir, recouvert d’une couche morainique de graviers, pierres et autres blocs, subit bien moins de recul que le Glacier Blanc, le plus grand des Alpes du sud, qu’il va falloir aller trouver plus haut, vers 2600m.
Je suis resté un moment au niveau de l’ancien Refuge Tuckett, sur le petit plateau, à contempler les faces nord du Pelvoux, du Pic Sans Nom et de l’Aile Froide qui se reflètent sur l’eau.
Les accès aux sommets de la barrière nord du Glacier Blanc semblent bien dégagés et les névés restant doivent pouvoir être contournés si jamais il me prenait d’essayer une ascension. Deux gaillards de l’ONF me parlent des risques de chutes de pierres en raison des effets du gel-dégel, une fois le soleil installé. Mais l’idée va germer.
Une fois passé le Refuge du Glacier Blanc dont la terrasse donne juste envie de prendre un bouquin et de s’arrêter là quelques heures, le sentier se fait moins évident et plus raide sur une courte portion.
Pas simple de continuer sur la bonne voie, celle qui va vers le Refuge des Ecrins, hors crampons. D’abord, je suis machinalement la sente qui me mène jusque sur le glacier très crevassé. Je fais quelques pas dessus pour le plaisir, sur une centaine de mètres, en bordure avec les trous bien visibles en cette période.
Puis un guide m’indique en riant les points blancs juste au dessus marquant le passage balisé dans les rochers. Je le rejoins en coupant. Là, fini le GR bien confortable du début de journée. On change de style d’autant que l’on s’écarte en amont du glacier sur des blocs.
À plus de 3000 mètres, j’arrive au point que je m’étais fixé en partant. Face à moi, la Barre des Ecrins est là. le Dôme de Neige à côté. Il ne fait pas un temps de rêve. Il est déjà 11h passé et les nuages sont gris et enveloppent une partie de ce superbe panorama. Ce n’est pas grave car je vois vraiment cette journée comme une première incursion en ces lieux qui en précédera d’autres. Et ça ne sera pas pour acheter du terrain comme on dit ! Pause déjeuner.
Bon, je me retourne et je vise un col tout proche, au nord. Je n’ai même pas encore idée de son nom. A ce moment là, je vois que un pic semble vraiment accessible sur la droite et l’identifie comme étant la Pointe Cézanne. J’ai la carte mais ce n’est pas vraiment important pour l’instant. Tout ce que je vois, c’est que c’est bien large ici et que en remontant les pentes par le milieu, je n’ai pas à craindre de chutes de pierres.
Je commence sans m’imposer quoi que se soit mais je sais que ça va m’emmener plus loin. A mi-chemin, je croise un homme qui redescend ; toujours rassurant car le terrain devient plus aventureux. Il me dit qu’il n’a pas pu faire le Pic du Glacier d’Arsine (c’est donc celui-là... ) car la ligne de crête qui y mène depuis le col n’était pas facile.
D’où je suis, ça ne m’a pas l’air bien méchant et le dénivelé pas très important. Mais la météo est toujours plus menaçante. Elle annonçait que ça pourrait se dégrader à partir de 14h et il est 12h30 ! On dirait que la seule petite zone encore sous le bleu du ciel est au dessus de ma tête maintenant casquée.
Je continue en prenant les dalles roses sèches au centre où il est plus aisé d’évoluer et atteint vite le névé sous le col du Glacier Blanc. Le névé est plus étendu, à droite, en direction du Pic du Glacier d’Arsine, tout proche. Je décide de contourner la neige par la gauche et imagine un chemin en diagonale pour atteindre le col. Première erreur.
Un peu plus exposé, j’attaque à crapahuter dans de mauvais rochers qui ne demandent qu’à partir. On ne rigole pas à vérifier ses prises car même les gros blocs qui semblent bien encrés dans la montagne ne sont pas sûr. Dans ce coin, rien n’est fiable tant que l’on n’en est pas assuré.
Je comprend tout de suite qu’ effectuer un travers pour rejoindre le col est bien trop dangereux. Je choisis de monter tout droit pour rejoindre un point de crête, dans un goulot en amont. Deuxième erreur.
Grimper à gauche, me faisant le pied léger, fut relativement facile mais j’aurais mieux fait de redescendre au névé et de ne pas chercher absolument à passer par le col.
A la crête, j’obtiens néanmoins ce que je cherchais, le plus important, la vue de l’autre côté. Mais on ne regarde pas très loin. Seuls les Pics de Combeynot se distinguent et les Lacs du Glacier d’Arsine juste en dessous. L’Arvan est bouché, comme les Cerces ou encore la Grande Ruine.
L’atmosphère se fait plus fantomatique avec les nuages sombres qui viennent buter sur les parois de la Pointe Cézanne juste là. Rejoindre le col du Glacier Blanc (3275m) après une désescalade prudente prend encore du temps. C’est terrible ; le Pic du Glacier d’Arsine (3364m) est à porté de mains. Mais ce n’est pas raisonnable. Il est tard et on ne sait pas comment ça va tourner. Je suis seul. La ligne de crête n’est pas simple, certes. Si il y avait fait beau, j’aurais réussi.
C’est très frustrant mais la meilleure décision est de renoncer. Au col, je peux encore m’extraire des difficultés en quelques minutes. En m’avançant plus haut, je prendrais des risques dans cet univers sauvage où il faut surveiller chaque pas.
Pour faire le Pic du Glacier d’Arsine, le plus simple était de viser au plus court, droit vers l’objectif. Aller au col m’a vraiment coûté du temps et le sommet ; ça et la météo. Au moins, pas de regrets niveau contemplation car je n’aurai pas vu plus sur le pic.
Il me faut redescendre et je prends droit vers le névé avec précaution mais ça passe plutôt bien. Je contourne la neige par le cheminement que j’aurais du suivre dans l’autre sens. A cet instant, quelques gouttes se font sentir. L’averse est courte. Il n’y a pas à dire, je préfère être là. Maintenant si jamais il y avait un orage, malgré l’aspect galère de la chose, la route ne poserait point de gros problèmes.
Je retiens ensuite surtout la foule que j’ai pu croiser en rentrant sur le Pré de Madame Carle, surpris par le nombre de gens qui montaient encore sur toute la longueur. La majorité allait, j’espère, certainement vers les refuges.
Il y avait de tous les genres. Des ados en converse qui couraient dans la descente, des parents tenant la main à des enfants de 5 ans montant dans les quelques parties équipées d’un câble, des alpinistes satisfaits d’avoir fait la Barre, le Dôme ou la Roche Faurio ; des couples, des solitaires, des vieux etc etc...
Je retrouve le même monsieur que en allant au Col du Glacier Blanc et la discussion s’engage très agréablement entre passionnés. On parle des importantes chutes de séracs annoncées le matin sur la voie normale du Dôme des Ecrins. Il me dit que son guide avait juré qu’il ne proposerai plus cet itinéraire parmi ses services, à l’avenir. Les séracs sont un paramètre que l’on ne peut guère contrôler et c’est toujours au petit bonheur la chance.
En bas, après les lacets, à la jonction, je m’engage sur le sentier du Glacier Noir que je parcours au tiers avant de prendre une radée qui me pousse à faire demi-tour. La journée est déjà bien remplie comme ça et je retrouve mon confort avec plaisir.
Photos
Auteur : bibox
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