Sortie du 12 août 2018 par patrick73 Pointe de la Galise (3343m) par le refuge du Prariond

Pointe de la Galise voie normale (Glacier de Bassagne), 11 et 12 Aôut 2018.

La Nebbia

C’est bien ce que l’on s’était dit en bas du glacier, quand nous nous sommes tous retrouvés...

• "Il va faire beau de partout, sauf sur notre pointe à nous."

Les plus optimistes en rigolaient, les moins optimistes aussi...en fait !

Mais la nebbia, ces lourds rouleaux de nuages denses dégueulaient sans cesse sur la chaine frontalière, laissant parfois le soleil matinal filtrer au travers d’une brèche.

Et chacun repartit sur sa cordée à son propre rythme, imposant parfois de courtes pauses, qui pour une photo, qui pour reprendre son souffle, souvent pour les deux.

C’était encore une fois l’occasion de nous retrouver, d’échanger nos impressions, et finalement d’apprécier, chacun avec ses mots, chacun avec ses maux aussi, l’instant, ce long moment linéaire que nous déroulions.

Au gré des coups de vent, au gré des nuages qui nous emmitouflaient, dans ce grand univers blanc parfois uniforme, nos pas nous portaient inévitablement vers la cime.

Parfois, entre deux éclaircies, le paysage grandiose s’ouvrait, laissant voir aussi où chacun naviguait sur le grand glacier blanc.

En contre-jour, deux silhouettes nous devançant se détachent sur une arête raide, masquée parfois, souvent même, par de turbulentes nuées. Le sommet est là, juste devant nous, à 50 mètres peut être, nous le devinons, mais ne le voyons pas.

Dans cet univers feutré, opaque, presque humide, nous butons presque brutalement contre le grand cairn sommital.

L’ambiance est chaotique.

Secoués par le vent furieux qui remonte les à-pics italiens, les nuées qui se déchirent au gré des turbulences, le soleil qui, comme un phare déboussolé, nous éclaire puis disparait dans une ouate grise et dense...Et puis des voix !

Derrière le grand cairn, nous nous retrouvons encore une fois. Quelques mots, un sourire, un "Ciao à tout’ " et la cordée entame sa descente.

Nous resterons là-haut sur notre perchoir, peut-être un peu plus longtemps, à savourer l’instant, les volutes chaotiques du vent, des nuages, du jeu du soleil et des ombres.

Une éclaircie, là-bas, bien plus bas, sur la vaste étendue glaciaire, deux cordées qui imperceptiblement s’éloignent.

Il est temps pour nous aussi de quitter cette bulle d’univers improbable, coupée du monde des hommes.

Brouhaha assourdissant, va-et-vient incessant...La terrasse du refuge est une fourmilière agitée en tous sens.
Quelques heures en arrière nous étions, nous, perdus dans la turbulente danse des éléments.
Loin, bien loin, très loin...