Sortie du 11 mars 2018 par Antoine Bellevue - Sommet de Pravena (735m) par Mont Rolland

Nous sommes dimanche, il est 13 h. Il pleut et il continuera de pleuvoir jusqu’à ce que la pluie cesse. En attendant les feuilles de mélisse et de sureau infusent paisiblement dans la chaleur de la casserole. Tout du moins, j’espère qu’elles sont paisibles, les pauvres feuilles. Triste fin, que de finir ébouillantées après avoir vécu une vie au soleil, alimentée par la pluie, séchée par le vent, et instruite par le commérage des oiseaux.
Voilà une semaine que je n’ai pas chaussé mes souliers de rando, je trépigne d’impatience ayant besoin de ma marche comme un drogué de sa substance.

Le temps entre chaque salve de pluie semble vouloir augmenter de façon exponentielle. Il est temps de partir. Cela fait quatre ans que je vis ici et je n’ai encore pas été rendre visite aux sommets respectifs des collines de Pravena et de Bellevue pourtant à moins de dix kilomètres à pied de la maison. Une honte, un blasphème ! Je m’en vais de suite me confesser aux sommets.

La pluie tombe toujours, mais j’ai un subterfuge infaillible pour y échapper, ou plutôt la contourner. Laissant la course à pied à ceux qui fuient quelque chose, une belle-mère, une dispute, ou que sais-je encore, je marche pour contourner davantage que pour fuir. Il s’arrête de pleuvoir après quelques centaines de mètres et la pluie ne me rattrapera pas. Philosophie quand tu nous tiens, ne nous lâches sous aucun prétexte car souvent tu rejoins la poésie et ensemble vous faites des miracles.

Me voilà sur l’asphalte, cette drôle de matière dure et nauséabonde. Le monde circule bien trop vite à son contact, et pour les automobilistes, c’est un affront que d’y marcher. Qu’à cela ne tienne, je la quitte très vite après le village de Belmont pour descendre un chemin de terre sous le couvert des houppiers jusqu’à Vaulnaveys.
Le chemin défile sous mes pieds mais voilà qu’il remonte brusquement. Ha tiens, aurais-je déjà atteint l’autre rive de la vallée ?
Je remonte maintenant une sente vers le village de Brié, le but étant de rattraper la crête menant au premier sommet de Pravena.
Les cartes IGN sont des œuvres d’art mais elles ne notifient pas toujours les clôtures. Ayant voulu couper au plus court, en voilà deux que je dois sauter pour atteindre la crête. Soit, nous sommes dimanche et l’agriculteur doit se reposer, il n’en saura rien. Sinon je serais bon pour l’abreuver d’une bonne bouteille de ma cave en plates excuses d’avoir marché sur ses terres.
Arrivé au sommet, le vent se lève, séchant ma hâte de l’atteindre. Je pars en direction du sommet de Bellevue voir si j’y suis… hé bien oui, et le vent aussi. Moi qui voulais lire quelques pages à l’ombre de l’arbre, le vent bavarde trop fort et dissipe mes envies. Le printemps est bel et bien là, vu d’en haut le vert reprend du poil de la bête et commence à mater le jaune et le marron dans les champs.

J’amorce ma descente vers Brié en contrebas des deux collines, gai comme un pinson d’avoir aperçu les prémices de la nouvelle saison.
Les nuages et la pluie sont désormais loin, les aurais-je semés ? Non puisque je ne cours pas. Pourtant demain, il faut retourner à la ville, chez les fous. La nature est si belle et si vraie, J’ai peut-être trouvé ma raison de courir …