Levanna Centrale (3619m) ‒ Face sud-ouest

Difficulté :
Difficile
Dénivelé :
1650m
Durée :
8h30

Face sud-ouest inhospitalière et infernale mais à l'arrivée, une superbe arête sommitale, aérienne et vertigineuse sur le versant italien. Parcours très rugueux au-delà de l'altitude 2750m avec au sommet, un panorama quasi équivalent à celui de la Levanna Occidentale. – Auteur :

Accès

De Bonneval-sur-Arc, rejoindre le hameau de l’Écot en quittant la D902 au niveau de Tralenta (premier virage de la montée au col de l’Iseran). Une étroite route bitumée de 3km mène à un grand parking, avant et après le Pont Saint-Clair (2027m).

Précisions sur la difficulté

  • Au-delà des sources de l’Arc (2750m), cheminement hors sentier et peu évident sur un terrain totalement minéral, avec des rochers souvent instables (moraines et pierriers).
  • Passages raides : moraine de l’ancien glacier des Trois Becs, franchissement d’une barre rocheuse à l’altitude 3280m et surtout, les 200 derniers mètres de dénivelé sous le sommet (pente ≤ à 40°).
  • Usage fréquent des mains pour franchir de petits ressauts et évoluer dans les gros blocs des moraines.
  • Pas de II+ pour gravir le plus simple des piliers sommitaux (pilier Est).

Les infos essentielles

  • Carte : IGN TOP25 3633ET Tignes - Val-d’Isère
  • Altitude de départ : 2027m
  • Altitude du sommet : 3619m
  • Dénivelé cumulé : 1620m
  • Balisage : rouge-blanc jusqu’aux Sources de l’Arc, aucun par la suite
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Itinéraire

Matériel

  • Face sud-ouest sèche : piolet (très utile sur la fin de parcours).
  • Présence de grands névés : piolet et crampons indispensables.
  • Casque pour d’éventuelles glissades ou chutes de pierres.

Ascension

De l’Écot, suivre sur 3 kilomètres le chemin carrossable en direction du hameau de la Duis. Une fois arrivé au hameau, un sentier fait suite au chemin après franchissement du ruisseau de Léchans.

Le sentier s’élève sur la gauche d’une moraine frontale, marquant l’extension du glacier des Sources de l’Arc au milieu du XIXème siècle.

Vers l’altitude 2255m (bifurcation avec panneau), rester à gauche sur le sentier des sources Supérieures de l’Arc.

Tout au long de la montée, on peut apprécier la belle moraine médiane située sur la droite, avec le Roc du Mulinet et les Ouilles de Trièves en toile de fond.

À l’altitude 2730m, un replat annonce l’arrivée aux sources de l’Arc. Ici prend fin le sentier, au pied de l’impressionnante moraine de l’ancien glacier des Trois Becs.

  • Voir l’itinéraire approximatif sur photos (le trait orange sur la photo 1 correspond à la variante de descente) : 1 et 2.

Passer sur la rive gauche des sources et les remonter à l’est dans un petit vallon, afin d’aborder la moraine par sa droite (plus courte hauteur), à l’aplomb d’une grande barre rocheuse. La moraine est en partie stabilisée, ce qui est appréciable pour la progression. En revanche, elle est bien pentue.

Contourner la barre rocheuse pour atteindre le haut de la moraine situé vers l’altitude 3030m. On entre sur le cirque glaciaire des Trois Becs où l’on trouve une pente assez modérée.

Cap à l’est sur ce terrain chaotique. L’itinéraire n’est pas tout à fait rectiligne, il faut naviguer parmi les blocs et dalles, avec toutefois une bonne visibilité vers l’amont.

À partir de l’altitude 3170m, la pente se redresse au passage d’une barre rocheuse (facile à négocier). Pente encore plus raide au passage d’une seconde barre rocheuse située à l’altitude 3280m. La franchir tout à gauche, à son extrémité nord.

Terrain instable à la sortie de la barre rocheuse. On se trouve sur une large croupe d’éboulis, délimitée au sud par la barre rocheuse précédemment franchie.

Effectuer un très large virage à gauche, sud-est puis est, en suivant (à distance) la crête de la barre rocheuse. Un peu de répit lors de cette traversée, pendant laquelle on prend assez peu d’altitude.

À l’est de cette croupe, on trouve alors un large couloir caillouteux orienté nord-nord-est, approximativement dans l’axe du sommet.

Suivre ce couloir caillouteux tant que la pente est acceptable (c’est-à-dire pas très longtemps). À partir de l’altitude 3400m, la pente se redresse à nouveau et le couloir devient vraiment fastidieux, voire impraticable. Virer alors sur la gauche du couloir afin d’évoluer sur un pierrier. Pas mal de blocs instables mais la progression est plus efficace.

Puis à l’altitude 3500m, on se trouve face à une succession de ressauts qui limitent grandement la visibilité vers l’amont. Techniquement, ces ressauts sont faciles mais avec l’inclinaison, tout est plus délicat.

Le cheminement se fait alors plus intuitif, zigzagant sur les étroites terrasses qui séparent les ressauts. Il peut arriver de rebrousser chemin, tester par-ci, tenter par là. C’est aussi ça, la montagne.

Une fois la zone de ressauts passée, les piliers sommitaux sont en vue. Sur le haut du couloir, obliquer à l’est pour rejoindre l’arête, au pied du pilier Est.

Sur la droite du pilier, une petite escalade (II+) assez aérienne permet d’accéder au sommet de ce pilier qui domine vertigineusement la Valle dell’Orco.

D’un côté, la Levanna Orientale dévoile toute sa face ouest et de l’autre, se profile l’arête déchiquetée menant à la Levanna Occidentale. Par ailleurs, superbe vue plongeante sur le glacier des sources de l’Arc.

  • Remarque : des montées de brume venant d’Italie n’ont pas permis de proposer des vues lointaines. Voir ce topo pour un panorama similaire.

Descente

Pour le retour à la barre rocheuse 3280m, on peut privilégier une descente directe dans le couloir caillouteux. C’est un peu plus confortable mais pas moins raide et même très glissant. Dans la première partie de descente, une succession de petits ressauts nécessite l’usage des mains.

Après la barre rocheuse 3280m, 2 possibilités :

  • suivre approximativement l’itinéraire pris à la montée.
  • effectuer une variante par la traversée du cirque glaciaire des Trois Becs (en orange sur le tracé IGN).

Variante : plus longue (en temps de parcours) et plus fastidieuse, sur un terrain très chaotique (moraines de fond et latérale de l’ancien glacier des Trois Becs). L’intérêt est d’évoluer dans un cadre austère mais splendide, au pied des belles parois rocheuses de la Levanna Occidentale.

Une fois la barre rocheuse 3280m franchie, descendre le plus raide de la pente puis obliquer sur la droite, nord-ouest, en direction des parois rocheuses de la Levanna Occidentale. S’il y a des névés persistants à cet endroit (très probable), les crampons seront nécessaires.

Longer un peu les parois (on retrouve de beaux gneiss oeillés) puis virer plein ouest jusqu’à la moraine latérale (bien dodue, facilement identifiable). Toujours vers l’ouest, franchir la moraine constituée de très gros blocs (attention, courte mais très raide descente de l’autre côté).

Continuer vers l’ouest pour venir buter contre les barres rocheuses (orientées sud-ouest) qui sont dans le prolongement des parois rocheuses. Longer ces barres rocheuses jusqu’à 2900m, altitude à laquelle les premières pentes en herbe apparaissent.

Engager alors une raide et franche descente au sud (dans l’axe des sources de l’Arc que l’on a en visuel), en contournant quelques ressauts et petites barres rocheuses. Encore quelques éboulis au bas de la pente puis c’est l’arrivée aux sources de l’Arc où l’on récupère le sentier du retour sur la rive droite du ruisseau.

Sortie du 06 août 2015

Ce sommet d’allure peu acceuillante m’attirait depuis le 08 septembre 2012, date de l’ascension de la Levanna Occidentale.

Je savais que ce serait difficile, ce fut au-delà des mes prévisions. Mais quelle joie au sommet du pilier Est, malgré la brume qui monte violemment de la valle dell’Orco et tente de m’emporter avec elle.

Tout commence à l’Écot, à 06h45.

Pour la énième fois, je parcours le chemin qui longe l’Arc. C’est la période de fauche, une divine odeur d’herbe coupée flotte dans les airs. Le ciel bleu domine largement.

Après la Duis, le sentier des sources Supérieures de l’Arc est toujours aussi beau avec ses passages sur dalles rocheuses. Et j’admire toujours autant la longue et régulière moraine médiane qui accompagne toute la montée jusqu’aux sources.

À mi-chemin, rencontre avec quelques biquettes, dont une se précipite vers moi. Habituellement, elles ont plutôt tendance à s’écarter du chemin.

Je lui tends une touffe d’herbe qui ne l’intéresse nullement. Elle cherche seulement le sel sur les bras. Fin mignonne la biquette, mais j’ai de la route à faire.

Quelques nuages apparaissent dans le ciel, rien d’inquiétant cependant.

Me voilà aux sources de l’Arc où je pause. Ayant peu d’infos sur la Levanna Centrale, j’avais étudié un possible itinéraire sur des clichés pris lors d’une récente sortie dans le secteur. Mais une fois sur place, pentes et distances n’ont plus la même allure, tout est chamboulé.

La moraine de l’ancien glacier des Trois Becs se dresse comme une cascade de rochers. J’opte pour une montée tout à droite de la moraine, sur sa "petite" hauteur. Mais ce n’est pas moins pentu et j’y laisse quelques plumes.

En arrivant dans le cirque glaciaire des Trois Becs, du roc à perte de vue. L’endroit est austère mais je me trouve au pied des parois de gneiss colorés de la Levanna Occidentale. C’est magnifique.

En revanche, la brume venant du Piémont tente une percée en Haute Maurienne avec le Roc du Mulinet pour première cible. Puis c’est au tour de la Levanna Orientale.

Cap à l’est pour rejoindre la face sud-ouest de la Levanna Centrale. Un peu de répit lors de la traversée du cirque glaciaire, la pente est assez modérée. Terrain chaotique, on dirait que le glacier des Trois Becs s’est retiré la veille, oubliant de nettoyer les lieux après son départ. Et pourtant, il y a bien 15 ou 20 ans que ce glacier n’est plus...

Passage facile d’une première barre rocheuse puis la pente s’incline sérieusement jusqu’à une seconde barre rocheuse (3280m), plus corsée.
À la sortie de la barre rocheuse, ça croule sous les pieds, difficile de rester debout.

Vers 3350m, je retrouve une bonne visibilité côté Piémont, mais rien de bon en vue. La brume s’épaissit, s’assombrit, les Levanna Centrale et Occidentale sont maintenant concernées. Le Piémont semble prendre l’avantage sur la Haute Maurienne et la dégradation pourrait être rapide.

Sachant que l’ascension est loin d’être terminée et que la descente sera également longue, un élan de sagesse me fait renoncer. Retour sous la barre rocheuse 3280m où j’ai la bonne idée de pauser.

Que faire maintenant ? Devant moi, le cirque glaciaire des Trois Becs. Ce serait bien s’il y avait un lac, mais il n’y en a pas. Le cirque n’est pas suffisamment creusé pour permettre à un lac de se maintenir dans un ombilic. Quant au lac des sources Inférieures, il a été visité 9 jours auparavant.

Je patiente, et bien qu’abattu sous ma barre rocheuse du cirque glaciaire des Trois Becs, je profite d’une vue splendide.

Je patiente encore et la dégradation tant redoutée n’arrive pas. Mieux, la Haute Maurienne résiste et contient les assauts piémontais.

Le moral revient, je n’en ai pas encore terminé avec la Levanna Centrale. Sac à dos raccroché, je quitte ma barre rocheuse et repars avec la ferme intention d’aller jusqu’au bout.

Par la traversée de la croupe d’éboulis, j’effectue le roulage afin de me présenter au pied du couloir caillouteux, dans l’axe du sommet. Piste dégagée, je mets plein gaz.

Rapidement, la pente se redresse et c’est l’inévitable décrochage (1 pas en avant, 2 en arrière, ce n’est pas très efficace). Je rétablis l’assiette en prenant à gauche sur le pierrier. C’est mieux mais ça tangue fort sur les rochers. Coup d’œil sur l’altimètre et la jauge de carburant. C’est limite, il faut envisager un ravitaillement en vol, brillamment exécuté avec 2 barres aux céréales.

Sur le haut du couloir, les instruments ne répondent plus, je dois rallier à vue la tour sommitale après quelques acrobaties sur les ressauts rocheux.
Une dernière figure de haute voltige et c’est l’atterrissage en douceur au sommet du pilier Est. Ma che bella vetta !

L’escalade du pilier Est peut impressionner, du fait qu’une petite partie est suspendue au-dessus du vide, côté Piémont. Aucun souci, cette masse colossale peut bien supporter quelques dizaines de kilos supplémentaires…

Je bénéficie de quelques éclaircies, mais pas de Grand Paradis ou Mont Blanc pour aujourd’hui. Pas grave, la montagne est toujours belle, même avec des nuages. En revanche, quelques violentes montées de brume sur le vertigineux versant italien.

La descente sera également délicate mais sereine, toute dégradation météo étant désormais écartée. Une fois les ressauts passés, je n’hésite pas à prendre le couloir caillouteux, très glissant mais plus confortable.

De retour sous la barre rocheuse 3280m, je me lance dans la variante de descente qui était prévue : traversée du cirque glaciaire des Trois Becs, en longeant les parois rocheuses de la Levanna Occidentale.

Un peu de marche sur névé, ça va reposer les pieds. Oui, mais c’est raide et une courte glissade m’encastre sur des rochers, me délestant d’un peu de peau au passage. T’aurais du mettre les crampons, me dis-je...

Chose faite, je repars crampons aux pieds et profite au maximum des névés. Puis le terrain chaotique reprend ses droits. De la moraine de fond suivie d’une moraine latérale sur laquelle je m’offre encore une belle glissade.

Les chevilles commencent à fatiguer de tous ces blocs instables, mais que le paysage est beau !

J’ai enfin les sources de l’Arc en visuel et les rejoins après quelques zigzags entre des petites barres rocheuses, sur des pentes herbeuses couvertes d’éboulis.

Après un bon rafraîchissement aux sources, je retrouve ensuite avec un certain plaisir le sentier. Lors de la descente, le ciel bleu s’est progressivement imposé sur les Levanna.

Puis je traîne volontairement sur le retour à l’Écot que j’atteins à 19h10, après plus de 12h00 de marche.

Une fois rentré, je fais le bilan des écorchures, toutefois insignifiantes au regard de cette superbe journée d’aventure.

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Dernière modification : 22 septembre 2022

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Avis et commentaires

Bonjour, une comparaison est possible avec un sommet comme la Font Sancte niveau difficulté ? Merci

steve

De grands souvenirs sur ce sommet, où nous nous étions arrêtés dans les dalles enneigées....à 3614m d’altitude sur l’altimètre, sans trouver la sortie et le bon couloir pour déboucher sur la crête.
On y retournera, l’endroit est un paradis solitaire 🙂

Merci Agarock !

Tes photos sont magiques ! merci !

Merci pour le commentaire Jérémy.

Ni trace ni cairn après les sources de l’Arc. Une fois la barre rocheuse 3280m passée, l’orientation pour rejoindre le sommet n’est pas très compliquée. C’est surtout le terrain qui est fastidieux.

Bonnes randos.

Un seul mot..... Bravo. Pour avoir fait la Levanna Occidentale et je ne pensais pas que l’on pouvait atteindre ce sommet quasiment sans équipement et sans technique d’alpinisme.

Un superbe article bien rédigé et accompagné de nombreuses photos.... Du bon boulot pour une géniale rando....

Une question : y a-t-il des traces, des cairns qui facilitent l’orientation de l’ascension après les sources de l’Arc en direction du sommet ?

Encore une fois bravo...

Merci !

Je me doutais bien pour les biquettes. Peut-être à une prochaine, aux confins de la Haute Maurienne.

Beau récit et belles photos ! Ça fait rêver ! Et les biquettes, ce sont celles dont je m’occupe ! La blanche est plus docile que les autres, parce qu’elle a été traite pendant 2 saisons.

Merci Pascal, Alain, jump38 et galipette, pour vos passages et remarques !

Entre l’itinéraire (variante de descente, optionnelle) et les parois rocheuses verticales de la Levanna Occidentale, des gradins assez larges permettent de stopper les chutes de pierres (sauf peut-être de très gros blocs, bien plus rares). Lors de mon passage en plein après-midi (vers 15h30), je n’ai pas détecté le moindre son de chute.

Ceci étant, il est évidemment possible de traverser le cirque glaciaire en se maintenant à distance de la base des parois du premier gradin. Je suis allé au contact pour observer les variétés de gneiss oeillés (j’adore).

Au final, je pense que la probabilité de se fracasser la tête lors d’une glissade sur la face sud-ouest est infiniment plus grande que de recevoir une pierre provenant des parois de la Levanna Occidentale.

Mais comme partout en montagne, le risque "zéro" n’existe pas. Je rajoute le casque sur la liste des effets à emporter.

Bonnes randos.

Impressionnant, belles photos et compte-rendu sympa.

Chapeau ! Bravo pour tout : engagement de l’itinéraire, topo détaillé et belles photos pour l’illustrer, style du récit de la sortie. Un itinéraire où même un 14 juillet ou 15 août par grand beau temps on ne doit croiser ...que des chèvres !

Un grand bravo Alexandre. Ce sommet en fera rêver beaucoup et peu tenteront l’ascension. Perso, ces empilements me font flipper.

Magnifique sortie ! Hyper sauvage, pour un objctif d’altitude, comme on les aime ! Dommage que pour moi, la Haute-Maurienne soit l’autre bout du monde !

Mais, par ces jours de grosse chaleur, n’y a-t-il pas des risques de chutes de pierres en longeant le pied des falaises d’altitude en pleine chaleur d’après-midi sur le chemin du retour ?

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