Sortie du 6 septembre 2013 par Julien B Le Breithorn sommet ouest (4164m)
Moment d'émotion, pour l'ascension de mon premier "4000", en solitaire qui plus est ! Le Breithorn est un sommet facile certes, mais qui offre un tel panorama au sommet... Et le sentiment de faire corps avec la montagne est encore plus fort après une telle ascension.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Ciel bleu sans nuage, température clémente au-dessus de zéro degré.
Récit de la sortie
Chapitre I, le Breithorn
Il est 7h30 quand je monte dans la cabine, à la gare du téléphérique de Zermatt, qui m’emmène au Petit Cervin (Klein Matterhorn), à l’attaque de mon premier "4000". L’émotion me noue la gorge, et c’est à la fois avec impatience et retenue que j’attends d’arriver à 3800m pour commencer mon ascension en solitaire. Les conditions météo sont parfaites, il y a encore quatre jours un compte-rendu d’ascension parlait d’un glacier en parfait état, tout est donc réuni pour que mon baptême se passe le mieux possible !
L’ascension débute à 8h50, et l’intérêt d’être monté dans une benne matinale est de voir le glacier dégagé, avec deux ou trois cordées mais guère plus, donc pas de risque de bouchons sur le trajet ! L’ambiance alpine en est d’autant plus renforcée, à mon grand bonheur. Le glacier est effectivement en parfait état et bien enneigé, je ne mets les crampons qu’à partir de l’attaque du flanc sud-ouest du Breithorn proprement dit.
La trace est évidente, elle se divise en deux avec donc soit la possibilité de prendre sur la gauche par le versant sud-ouest, soit par la droite pour une attaque nord-est. Je choisis la première possibilité à l’aller, et c’est parti avec mon piolet ! La montée est régulière, aucun problème de souffle ni de mal de tête, l’acclimatation réalisée la veille avec l’ascension du Mettelhorn porte ses fruits. Je n’ai croisé qu’une seule mini-crevasse très simple à franchir et évidente à repérer.
Je mets un pied devant l’autre, un pas après l’autre, peu à peu je monte, je monte... Et bientôt, au-dessus de ma tête, je ne vois que le ciel : je suis arrivé ! J’ai du mal à réaliser, mais à 10h15, après moins d’une heure trente d’ascension, je viens de gravir mon premier "4000" et d’établir mon nouveau record d’altitude à 4164m ! Je suis seul au sommet, et profite de l’instant, en portant mon regard au loin. Le panorama est d’une beauté à couper le souffle, et je me gorge d’images de sommets : Castor et Pollux, si proches, mais aussi le Liskamm dans l’enchaînement, la pointe Dufour et toute la chaîne du Mont Rose, le Weisshorn, les faces nord et est du Cervin... Bientôt je suis rejoint par une autre cordée qui arrive de la trace nord-est, on se sourit, on se congratule, on est heureux d’être là.
J’entame par la suite la descente, je choisis de revenir en boucle et de redescendre par la trace nord-est que l’on rejoint par une arête. Après le franchissement d’une rimaye, je me retrouve très vite au point de divergence des deux approches du sommet, puis sur le plateau du Breithorn et enfin au Petit Cervin. Il est 11h30, j’ai fini ma journée, avec des images plein la tête et de l’émotion plein le cœur...
Chapitre II, tentative au Castor (4228m)
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Le lendemain 7 septembre, je tente de me lancer à l’assaut de Castor, le sommet le plus accessible du secteur après celui du Breithorn. Suite aux conditions météorologiques exécrables avec une telle purée de pois que l’on ne voyait pas à cinq mètres, j’abandonne, et je retente ma chance le 9 septembre, le soleil étant revenu sur les sommets.
Je débute à 9h00 depuis la gare d’arrivée du téléphérique du Petit Cervin. Les conditions météo sont excellentes quant à l’ensoleillement, la température est relativement basse. Je me retrouve assez rapidement sur le plateau du Breithorn, et contrairement à l’ascension du Breithorn il faut continuer sur l’arc est-nord-est pour s’engager sur le glacier Grande Ghiacciaio di Verra. Nous sommes quatre, moi et une cordée, dans la même direction. La trace au début est peu évidente puis se révèle peu à peu. Le glacier est très enneigé, ce qui bouche les crevasses mais rend aussi la progression fatigante.
Nous passons sous le sommet central puis oriental du Breithorn, puis sous la Roccia Nera à partir de laquelle nous remontons légèrement en construisant notre propre trace. Seules deux crevasses sont rencontrées, très petites et facile à franchir. Bientôt nous nous séparons en deux : la cordée va tenter l’ascension du Pollux, pour ma part je me dirige vers Castor et donc vers le Zwillingsjoch.
J’arrive bientôt entre Pollux et Castor, sous le Zwillingsjoch, après deux heures éreintantes de marche sur le glacier. Je commence mon attaque, je dois passer une rimaye. Le sommet est en vue, j’ai presque l’impression de le toucher ! Mais le vent, présent dès le début de l’ascension, se fait de plus en plus fort, et rend la progression difficile et potentiellement dangereuse. Devant les difficultés, je renonce alors une fois la rimaye franchie, et au moment d’entamer l’ascension terminale qui amène à l’arête sommitale. Un tel vent sur une arrête comme celle du Castor, ce serait une erreur, et je m’arrête à 4100m d’altitude environ.
Je reviens alors sur mes pas, je retraverse tout le glacier et rejoins finalement le Petit Cervin à 13h00. J’aurai donc fait une sortie de quatre heures, dans une belle ambiance alpine car sur le glacier Grande Ghiacciato di Verra on se sent seul au monde, les remontées mécaniques du Petit Cervin étant hors de vue. J’ai presque fait le Castor, mais tout est dans le presque ! Ce sera pour une prochaine fois, la bonne !
Photos
Auteur : Julien B
Avis et commentaires
Depuis je pense que le Castor est à ton palmarès, nous l’avons grimpé en 2006,( pour mes 58 ans) depuis le refuge du Quintino Sella, 1 an après le Breithorn, mais si ce n’est pas encore fait, va au Grand Paradis, c’est moins haut (4061) mais très très beau, avec moins de risque seul... N’oublie jamais que la montagne est belle mais dangereuse aussi...Bonnes grimpettes !
Merci Dapiks ! C’était une expérience intense, non seulement le premier ’4000’, mais en solitaire en plus... Ceci dit, si je me considère comme un randonneur chevronné, je ne suis encore qu’un débutant en alpinisme, et il va falloir beaucoup progresser (et en cordée !) avant de pouvoir attaquer des sommets sérieux comme la Barre des Écrins, le Cervin ou la Meije, sans parler d’aller plus loin hors d’Europe.
Mais le virus est là, la drogue est installée, ça ne risque pas de partir de sitôt !
Jolies photos merci Julien B, une sacrée sensation de se retrouver seul en haut d’un 4000 j’imagine !
C’est l’apanage de la jeunesse, l’envie et la fougue !
Le Cervin fascine, l’arête hornli est longue et le rocher de mauvaise qualité. On regrettera les trop nombreux passages sécurisés qui enlève un peu au caractère sauvage de la voie.
Mais c’est la rançon du succès !
"Il faut toujours prendre le maximum de risques avec le maximum de précautions"
Kipling
Ça fait plaisir de vous lire tous !
Les conditions d’ascension cette année étaient si exceptionnelles qu’elles ne se représenteront plus avant longtemps. Il est donc certain que mon ascension de l’Allalinhorn dans l’avenir se fera encordé et sécurisé à 100%.
C’était une belle aventure mais d’autres sont à venir ! Et, un jour, après beaucoup d’expérience, je tenterai le Cervin et vous raconterai ça sur AltitudeRando 🙂
Je ne me suis jamais encordé pour monter au refuge des Ecrins (à tort), l’itinéraire devient exposé, si j’y remonte je prendrai la corde. Certes Breithorn et Allalinhorn, puisque Julien en parle sont des sommets faciles et je me garderai de donner des leçons de sécurité sur glacier, car moi-même j’ai parfois dérogé aux règles élémentaires de sécurité. Mais je suis d’accord avec Alain, il ne faut pas confondre difficulté de la voie et risque potentiel de passer à la trappe. J’ai vu cette année des gens perdre la vie sur des portions de glacier que je connaissais, débonnaires et se confondant aux névés de début de saison, la connaissance de la montagne demande du temps. Et moi aussi je vieilli !
Hébé je sais Michel, c’est évidemment par là que je suis passé. Rien d’un exploit donc de faire le sommet dans ces conditions 😉)
Finalement le plus dur sur ces sommets du Mont Rose (Lyskamm excepté)c’est de réserver et de payer les refuges 😊
PS : pour l’accès au refuge des Ecrins par le glacier blanc, c’est vraiment craignos. Faut en parler car la force de l’habitude des vieux (comme moi) fait que l’on ne s’encorde pas sur cette portion pourtant très dangereuse.
Si ça peut illustrer : dailymotion.com/video/xs5...
Je t’assure que si un pont de neige avait cédé sous tes pieds, les émotions auraient été encore plus fortes.
Hé Paul !
Pour le Breithorn,le téléphérique te dépose à quelques encablures du sommet, c’est un peu comme la montée au refuge des Ecrins, la plupart du temps on ne s’encorde pas (à tort)
Pour le Castor, je trouve que c’est gonflé, perso je le ferais pas !
La rimaye du Castor cette année n’était pas si large (que par rapport à ce que tu en dis), mais par contre je confire qu’après la pente est soutenue, et c’est pour ça que j’ai abandonné direct avec le vent qu’il y avait (et avec le recul, même sans vent, hum hum...), je ne suis pas complètement fou non plus ^^
Merci beaucoup pour les photos !
Paul : c’est un miracle que tu t’en sois sorti ! Lorsque je suis allé au Petit Cervin le 7 septembre et que j’ai renoncé à m’engager, ça devait être la même purée de pois que toi, comment as-tu fait pour arriver presque au sommet ? C’est un sacré exploit, pour ma part je n’aurais jamais su quand tourner sur le plateau pour s’engager sur la face sud-ouest du Breithorn... Par contre tu es complètement cinglé ^^
Ma prochaine tentative du Castor sera en cordée, idem évidemment pour tous les autres sommets de cette chaîne. À la rigueur le seul autre sommet que je me vois faire en solitaire serait l’Allalinhorn, et encore car vu les photos il peut y avoir de sacrés crevasses !
Cette année les conditions météo étaient tout de même exceptionnelles. Ça n’arrivera pas tous les ans...
En tout cas, que d’émotions j’ai eues au sommet, sans doutes les plus fortes de ma vie pour l’instant !
hi, hi... moi aussi je suis monté au Breithorn en solitaire avec mes grosses en cuir. C’était en 1998 et dans la purée de poids. Au sommet, je m’engage sur l’arête et d’un seul coup les nuages disparaissent juste 10 secondes pour me montrer où je suis sur cette arête de 15cm de large. Je n’ai pas tardé à faire demi-tour et à descendre par le chemin de montée. Pour le Castor, j’y suis allé encordé et pour les autres sommets du Mt Rose idem. Maintenant je ne me vois plus du tout marcher seul sur un glacier. Les temps changent, les glaciers aussi du reste 😉
Même si ces grands glaciers ne paraissent pas crevassés, je peux t’assurer qu’ils le sont.
Le Breithorn est moins exposé que Castor. La rimaye qui barre l’accès à la voie normale du Castor est large (du moins en 1997), elle se franchit sur la zone ouverte, de suite après la pente est soutenue, un relai est obligatoire car si tu dévisses, tu vas en bas !
Tes photos sont très belles !
Bonjour Michel !
Si tu parles de la rimaye du Breithorn, je l’ai traversée à la descente, dans ce sens-là c’est beaucoup plus sécurisé car tu la vois parfaitement et surtout tu vois très bien les points de rupture et les points d’appui. En comparaison j’ai trouvé la crevasse à la monté plus sioux, car un manque de vigilance et c’est la chute.
Par contre, j’aurais croisé cette rimaye à la montée, j’aurais sans doute fait un gros écart pour la contourner (si possible), je te l’accorde sans problème !
Merci Origami pour le commentaire 🙂
Je connais cette rimaye pour l’avoir franchi, dans des conditions climatiques similaires. Si tu l’as vraiment traversée sans corde, tu prends de trop grands risques. Je ne suis pas du genre sécurité à tout prix mais c’est le type même de passage qu’il faut sécuriser.
Toi aussi, tu t’amuses à faire de la randonnée tout seul et à chercher à te retrouver "seul au monde" ? Noooon, Julien ! Je te croyais plus prudent que moi !
Magnifiques photographies. 🙂
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