Sortie du 30 octobre 2024 par JM Pointe de l’Arcalod (2217m)

30 octobre, 7h50. J’arrive au parking du Nant Fourchu après une heure trente de route. Petits rituels au-dessus du coffre, lacets, sac, bâtons, sangles. Un dernier check. C’est parti. La journée s’annonce sublime, mais en attendant, il fait 2°. Marcher d’un bon pas fera du bien...

[Pendant la montée aux chalets, je repense soucieux à la première tentative. Je me souviens encore du moment où j’ai acquis la certitude que ça ne passerait pas, ni dans le sens de la montée, ni encore moins dans celui d’une éventuelle descente. Je me suis dis : c’est mort. Il faut lâcher. Faire demi-tour. Je me suis peut-être perdu quelque part dans les dalles, j’ai peut-être dévié de l’itinéraire, j’ai peut-être raté une balise. Ou peut-être pas. Peu importe. Cette fois-ci, j’ouvrirai l’œil.]

...J’arrive aux chalets d’Orgeval. Après une courte pause, je les quitte en obliquant plein ouest par un sentier que je trouve relativement dégueulasse. Honnêtement, pour parvenir au pied de l’Arcalod, je pense qu’il vaut mieux continuer jusqu’au Col d’Orgeval, revenir par le sentier qui part à gauche, et contourner le rocher par le Nord. Le chemin y est doux et agréable, et je l’ai emprunté à la descente comme il est indiqué dans le topo de référence.

Parenthèse : deux topos, à la tonalité très différente, peuvent servir de référence pour la portion Chalets d’Orgeval → Pointe d’Arcalod. Le présent, bien sûr, rédigé par Galipette, et aussi celui de Jicé. Je conseille la lecture des deux avant d’entreprendre cette sortie. On voit combien l’écart est grand entre tous nos pressentis, nos ressentis, nos expériences vécues, qu’on prend forcément un peu pour la réalité objective mais qui ne sont qu’une somme de projections.

Enfin bref.
Tout ce que je sais, c’est qu’au moment d’entamer le dur, vers la cote 1850 de l’IGN, j’essaie de ne plus penser à rien. Je sais maintenant que sans un minimum de confiance, on n’entreprend rien, on n’arrive à rien, mais sans un minimum de prudence, on peut vite fait risquer sa vie. Le tout, c’est de trouver le bon dosage.

C’est parti. Un premier pas de grimpette, raide, puis un deuxième, raide aussi, et ainsi de suite, toujours raide, avec entretemps des passages tranquilles sur des vires un peu défoncées. Il faut mettre les mains en permanence pour progresser, mais on est tout de même loin d’évoluer sur un plan vertical. Techniquement, rien de compliqué, à part un petit mur concave, aux deux tiers environ, avare en prises, sur lequel il faut progresser horizontalement sur deux bons mètres. Je pense qu’il vaut mieux ne pas tomber ici, les conséquences pourrait être graves. Le reste, c’est en effet un crapahut particulièrement réjouissant, il faut bien le dire.

[Un conseil : ne pas rater la première petite flèche sans laquelle on peut vite fait s’engager à gauche, sur une vire puis des dalles foireuses. Ce que j’avais fait, de toute évidence, la première fois.]

Je reste bien concentré. Le rocher sous le sommet est beaucoup plus péteux qu’en bas. Certains blocs sont descellés et il faut bien tester les prises avant de poser pieds ou mains. Un peu avant 11h30, j’atteins la croix sommitale. J’ai la tête qui tourne. Je me rends compte que je n’ai presque rien dans le ventre depuis le parking. Il est temps de manger un bout. Je reste seul au sommet pendant une bonne demi-heure dans le silence et la contemplation. Privilège absolu. Un type arrive. On se salue poliment puis on reste chacun dans notre solitude. Je n’ai aucune envie de bavarder, lui non plus de toute évidence. C’est parfait.

Pendant tout le temps que dure ma petite méditation face à ce panorama fabuleux, je ne peux m’enlever complètement de l’esprit qu’il va falloir redescendre un jour et se retaper ce crapahut dantesque en sens inverse. J’ai de plus en plus de mal à rester serein... Difficile de trouver un Uber pour rentrer. J’envisage un temps l’hélico du PGHM, mais il va falloir une meilleure excuse que mon appréhension. Appréhension teintée de flemme, j’avoue. Il faut dire que l’ascension est quand même intense.

La descente est épique, franchement. Tantôt en désescalade, tantôt à cul. Et jamais je n’ai trouvé aussi commode le fait de mesurer 1,90m. Par contre, les genoux prennent dix ans dans la gueule d’un seul coup. Déjà qu’ils ont cent ans.

En conclusion, je confirme qu’il faut se sentir sûr de soi parce que l’ascension des 350m D+ sous le sommet est globalement exposée, aérienne et nécessite un peu de technique et d’aisance sur les rochers. Il y a beaucoup de pas d’escalade, même si cela est assez facile pour qui a (ne serait-ce qu’un peu) l’habitude. Cela implique quand même de ne pas avoir le vertige, ni trop peur du vide, au sens large. En cas de peur, d’hésitation ou de raidissement, ne pas aller plus loin car plus loin, ce sera pire.

Durée totale : 7h30

• Départ du parking vers 8h00.
• Nant Fourchu → Chalets d’Orgeval : 1h30
• Chalets d’Orgeval → Pointe d’Arcalod : 2h (+ 45min au sommet)
• Pointe d’Arcalod → Col d’Orgeval : 1h45
• Col d’Orgeval → Chalets d’Orgeval : 45min [car cela inclut une collation, une petite sieste de 30min au Col, et un ravitaillement en eau à la fontaine des chalets]
• Chalets d’Orgeval → Nant Fourchu : 45min
• Retour au parking vers 15h30.