Sortie du 14 juillet 2024 Tête de Moïse (3104m) par la Via Ferrata et la Cima Dronero (3050m)
14 juillet, Fête Nationale. Mais pour nous trois, ce jour-là sera surtout une fête d’émotions, de sensations, une fête de la Montagne et une montagne majuscule, qui touche au divin puisqu’elle s’appelle Moïse. Le feu d’artifice, nous l’aurons dans nos cœurs tout au long de cette belle aventure et le bouquet final sera cet improbable cheminement entre l’antécime et le sommet, une traversée technique et engagée, de celles qui marquent à jamais les esprits.
Itinéraire, carte // Fiche topo
Topo de référence
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Conditions météo
Ni trop chaud ni trop froid pour un mois de juillet. Quelques grosses rafales de vent. Persistance de névés assez épais pour la saison.
Récit de la sortie
La sortie par Pierre
Le vallon de l’Orrenaye est encore calme lorsque nous le remontons jusqu’au col de Feuillas, accompagnés par de nombreuses marmottes qui jouent, se battent et galopent dans ce petit coin de paradis.
Au col, nous suivons une sente à gauche pour descendre vers le refuge Enrico Mario mais elle vient buter rapidement contre un imposant névé. Pour le contourner, il nous faut dès à présent enclencher le mode « tout terrain », une glissade ici pouvant faire mal, voire plus. Plus loin, lorsque nous nous retournerons pour regarder le col, nous nous rendrons compte qu’il y avait une autre sente à droite du névé qui l’évitait ; peu importe, ce mauvais choix nous aura servi d’échauffement !
Une fois au refuge (fermé lors de notre passage), ça grimpe sec pour aller chercher le début de la via. Celle-ci est très bien équipée (suréquipée, diront sûrement certains) et en réalité, pour l’essentiel, il s’agit plus d’une succession de mains courantes dans un terrain raide et délité que d’une via ferrata avec des échelons et des palettes.
D’ailleurs, nous n’éprouverons à aucun moment le besoin de nous longer… sauf pour le final, car là c’est bien une échelle qui nous attend, et quelle échelle ! Mieux vaut espérer que Moïse et tous les prophètes veillent sur nous. L’installation ne date pas d’hier (années 30-40), rouillée, avec de nombreux barreaux tordus qui semblent pouvoir rompre à tout moment. S’y engager relève de l’action de foi, que l’on soit croyant ou non.
Après cette bonne dose d’adrénaline, nous voilà à l’antécime. La Tête de Moïse nous fait face. Elle est toute proche mais nous allons mettre encore près de deux heures avant d’y parvenir : un premier rappel, puis la grimpe avec le pas de IV, désescalade/rappel, nouvelle grimpe en III et final aérien sur l’arête.
Spider Mick grimpe « en flèche » et comme une flèche. Avec Didier, nous doutons un peu de nos capacités à l’imiter mais nous ne nous en sortons pas si mal. Il est difficile de décrire cette progression où la concentration est à son maximum mais excepté un petit emberlificotage de cordes (désolé encore Didier !), l’important est que la conclusion soit heureuse.
Passé le répit plus que savouré au sommet, nous entamons la descente par la voie normale. La désescalade semble facile en comparaison de ce que nous avons traversé jusqu’alors et nous gagnons rapidement le haut du couloir, le fameux, le terrible.
Certes, il est particulièrement pénible, glissant au possible et nous sommes heureux de ne pas avoir eu à le gravir en plus de le descendre mais il est à la fois tellement grandiose, avec ses aiguilles et ses tons ocres, noirs, jaunes, que c’est également un grand bonheur que d’être là, de se sentir si fragiles dans ces entrailles gargantuesques. C’est comme si la montagne nous régurgitait lentement après nous avoir nourri de sa force et gentiment abrité en son sein. Elle a beau être minérale, elle est forcément vivante et un cœur dessiné par les éléments sur un névé en bas du couloir termine de m’en convaincre.
Comme récompense ultime à ces derniers efforts, j’ai la chance de trouver une belle obsidienne qui cristallise en elle toute la beauté et la dureté de notre aventure.
Entre le refuge Enrico Mario et le retour dans le vallon de l’Orrenaye, nous n’aurons croisé que des grimpeurs italiens, six qui se seront arrêtés à l’antécime et trois qui montaient par la voie normale.
Après un peu plus de 8 heures à crapahuter entre monts et merveilles, un profond sentiment de gratitude s’impose et me fait égrainer un bref chapelet de mercis :
Merci à la nature d’être ce qu’elle est, si belle, puissante et paisible à la fois, d’être tout,
Merci au soleil, au vent et aux nuages de nous avoir accompagné,
Merci à mon mollet récemment blessé d’avoir su resté vaillant,
Merci à cette échelle presque centenaire d’avoir résisté à nos assauts,
Merci à chaque prise dans la roche de nous avoir porté,
Merci aux pionniers, à ceux qui ont ouvert la voie,
Et bien sûr merci à mes compagnons de cordée sans qui je n’aurais jamais pu effectuer, ni même imaginer, une telle entreprise.
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