Sortie du 8 juillet 2024 par Mick1018 et Vertige66 Aiguille de Chambeyron (3412m) par la voie Coolidge

Ascension de la plus haute cime de l'Ubaye par la voie Coolidge en boucle par le versant Sud puis le Pas de la Souvagea. Une course de haute montagne très physique sur le plus emblématique sommet du massif.

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

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Conditions météo

Itinéraire très long qui nécessite une journée de beau temps. Si la sortie est faite trop tôt, la neige dans le versant S complique sérieusement la tâche. Si elle est faite trop tard, la voie Coolidge n’est plus en neige.

Récit de la sortie

Informations

Itinéraire suivi :

  1. Vallon de Chauvet.
  2. Couloir Coolidge.
  3. Sommet de l’Aiguille de Chambeyron.
  4. Versant S et couloir Gastaldi.
  5. Pas de la Souvagea.
  6. Vallon d’Aval.

Données : celles-ci incluent le demi-tour en haut du couloir Gastaldi.

  • Trace GPX.
  • Distance : environ 15 km.
  • Dénivelé : 1965 mD+.
  • Horaire : 12 heures. Départ 4h30 - retour 16h30.

La sortie par Mickaël

Lors du récit, je citerai quelques passages de l’ascension de l’Aiguille du 07/09/1923 par Jean Coste, célèbre alpiniste ubayen de Jausiers. Ceux-ci seront mentionnés en italique.

"Dans l’Ubaye c’est la grande difficile, c’est la montagne où l’on ne va pas. […] Sans doute ce doit être parce qu’on ne la voit de nulle part de la vallée et peut être aussi parce que ceux qui l’ont aperçu, beaucoup ont passé sans deviner son importance."

3h15 - Jausiers - 08/07/2024.

La sonnerie du réveil interrompt une courte nuit pour Didier et moi. Je sors sur la terrasse et scrute le ciel. Pas un nuage. Ceci présage un bon regel nocturne, c’est une bonne nouvelle. Les étoiles scintillent par milliards. En regardant vers le lointain j’ai une pensée pour Jean Coste dont je viens de dévorer un bouquin. C’était déjà il y a un siècle pour toi...

4h30 - Départ du Pont Vouté. La nuit nous enveloppe et nos frontales sont indispensables pour trouver notre chemin. Nous voilà sur le sentier le plus raide de tout le massif ! Dites moi si vous en trouvez un plus pentu...

Sortir du bois fait du bien au moral, nous sommes dans le bas du vallon de Chauvet parfois garni de pierres aux multiples couleurs. Là-haut se dresse le mur morainique offrant l’accès au Plan de Chauvet. Croyez-moi, celui-ci est détestable à gravir et c’est la deuxième fois pour moi.

Une fois sur le Plan de Chauvet le silence est absolu. On pourrait presque entendre les battements de nos cœurs. Le lieu est encore dans l’ombre et augmente la sensation d’austérité dans ce cul de sac. Face à nous la voie Coolidge (un autre très grand nom) et le couloir que nous allons devoir gravir. C’est un moment d’émotion qui me permet d’imaginer ce qu’avait ressenti Jean Coste à son époque en venant du Pas de Chauvet.

"Du point où nous nous trouvons, le glacier suspendu de Chauvet offre un aspect saisissant."

Premiers pas sur la neige : c’est du béton mais les crampons mordent. Avec Didier nous nous fixons en objectif d’aller jusqu’au pied de l’étroiture du couloir pour décider si le jeu en vaut la chandelle.

Les voyants sont à l’orange, c’est faisable mais la chute est interdite puisqu’elle serait très difficile à enrayer. L’effort sur les mollets dans ce raide couloir est important. Je gravis le couloir quasiment d’une traite en traçant tout droit. Didier fera un petit détour par les rochers à gauche pour soulager un de ses mollets qui se remet d’une déchirure (Hello Pierre... encore une histoire de mollet).

En haut du couloir la vue est déjà poignante. Face au Brec de Chambeyron et dos aux Écrins. Nous voilà entre la Great Tower Coolidge et l’Aiguille. Nous rejoignons l’itinéraire de la voie normale que nous connaissons bien par la traversée d’un névé qui demande beaucoup de prudence.

La suite est rapide et se déroule dans un décor fabuleux. Des colonnes de roches allant de la teinte jaune au rose pour la couronne de la reine de l’Ubaye.

Nous voilà au sommet avec beaucoup de joie. Didier avec qui j’avais partagé ma première Aiguille a encore répondu présent pour l’ambitieux projet du jour. Quand j’aurai 25 ans de plus, j’espère pouvoir en faire autant que toi mon ami.

Il y a 101 ans, Jean Coste trouva des cartes de visite dans une boite de sardines au sommet. Celles de tous les ouvreurs y étaient !

"Ainsi donc les Trois premières ascensions de l’Aiguille appartiennent chacune à l’une des trois premières nations qui pratiquèrent l’alpinisme et, chose curieuse, chacune d’elle à sa propre voie, chacune y possède sa première : Angleterre, Coolidge par Chauvet – France, Nérot par le Marinet – Italie, Gastaldi par le Chambeyron."

La vue sur le toit des Alpes de haute Provence est fascinante : Mont Blanc, Meije, Pelvoux, Ailefroide, Viso, Aiguilles d’Arves et j’en passe...

"De tous côtés la montagne plonge se dérobant aux regards. Tout autour de soi c’est le vide absolu. On est comme suspendu au-dessus du glacier de Chauvet et l’on a la curieuse impression de voir le lac des Neuf-Couleurs voisiner avec les glaciers du Marinet. "

La descente amorcée, nous arrivons rapidement à l’endroit où il faut prendre une décision. Nous voyons la voie normale et la traversée suspendue au-dessus du couloir Gastaldi comblée par de gros névés. Des toboggans potentiels qui seraient un aller simple vers les étoiles.

Descendre le couloir Coolidge en neige béton nous rebute, c’est voyant orange très foncé... Attendre des heures le décaillage ? Nous décidons de rejoindre le versant Sud et le couloir Gastaldi comme prévu initialement puis nous ferons un nouveau bilan le moment venu.

La traversée des névés est courte et ceux-ci sont en neige encore froide. Un faux pas de notre part est interdit et laissons le destin choisir si ces névés veulent tenir en place. Nous faisons un ancrage avec les piolets puis nous nous assurons avec la corde. Je ne l’aurais pas emmenée pour rien celle-là ! Tout s’est très bien passé, nous retrouvons avec soulagement le rocher.

À partir de la brèche Nérot Vernet nous allons rester dans la petite fournaise du côté Sud jusqu’au bout. Nouveau choix à faire : la voie des ronds blancs et ses petites désescalades en II et III ou la voie de la vire qui mène en haut du couloir Gastaldi ?

Nous optons pour la deuxième option... Nous voilà sur le haut du couloir, la pente est sévère, la neige décaille trop lentement même plein sud. Sachant que l’autre voie de descente dépose plus bas dans le couloir, nous ne tardons pas à prendre la meilleure décision qu’un alpiniste puisse faire. Faire demi-tour ! Nous remontons.

L’itinéraire recommandé descendu, il nous reste une trentaine de mètres à faire en marche arrière sur la partie enneigée du couloir Gastaldi. Plus qu’à dérouler dans la gravasse du cône de déjection et nous pouvons enfin faire descendre la pression. Il n’y a plus qu’à randonner tranquillement.

Nous gagnons le Pas de la Souvagea au plus court sans descendre au refuge du Chambeyron. De là, il y a une vue plongeante sur le vallon d’Aval qui est inédite pour moi. Une descente de 1200 m de dénivelé...

Nous sommes sur les rotules et nous connaissons déjà la partie basse empruntée ce matin (le fameux plus raide sentier d’Ubaye) donc nous prenons un rythme lent en espérant que la raideur des lieux écourte notre supplice physique.

Le retour auprès de la rivière Ubaye signifie que nous avons terminé ce beau voyage en haute montagne. Une énième accolade avec Didier clôture douze heures d’activité sans avoir croisé d’autres regards que les nôtres.

Une pensée pour les absents.

Vive la montagne !

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 8 juillet

Crédits : Livre : Mes quatre premières années de montagne - Jean Coste - G Ficker. Page 135 pour "L'Aiguille" : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65746420/f7.item.texteImage.zoom

Dernière modification : 11 juillet 2024

Auteurs : ,

Avis et commentaires

Merci à tous ! Den’s, la Croix était déjà dans cet état en aout dernier (sortie Rabah). Elle ne présente pas de signe de foudre. Une tige métallique sort du socle et la croix est coincée entre des blocs plus bas. Ma théorie c’est que les cycles gel / dégel couplé aux forces extérieures de la pose de rappels sur la croix par certains ont participé à sa désolidarisation du socle. Ce n’est qu’une théorie...

Bravo à tous les deux !
Superbe sortie sur un sommet mythique. Belle réalisation.

La croix du sommet a été démontée si j’ai bien compris ? 😡

Intemporel ! Une journée en montagne qui sera gravée à vie dans vos mémoires

Bien d’accord avec Polux, c’est la classe avec de belles photos, Merci !

C’est magique comme sortie ! la classe, BRAVO !

Pareil que Sylvain ! Un récit bien inspiré et une ambiance de ouf sur les photos ! Un grand bravo à vous deux !

ENORME ! Bravo l’équipe !
Et merci pour le clin d’œil.
A défaut d’avoir pu être présent, les photos et ton joli texte Mick nous font partager cette aventure avec vous.

Belle bambée
Dommage de ne pas avoir pu vous accompagner
Bravo à tous les deux

Haha, oui coucou !
Un texte qui transpire l’émotion de la course et la passion, des photos superbes qui retransmettent parfaitement l’ambiance et la beauté des lieux. Bravo à vous deux, c’est de la montagne avec un grand M !
Quand à la descente, je serai redescendu par le Coolidge sans hésitation...😅

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