Sortie du 29 octobre 2023 par CourtePatte Le Cheval Noir (2832m) par le col de la Madeleine

Pas de cheval pour moi aujourd'hui ! Mais bien plus de variété que je n'en attendais dans les spectacles et les couleurs de cette sortie.

Itinéraire, carte // Fiche topo

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Conditions météo

Ciel voilé, de plus en plus gris au fil de la journée.
Température encore positive.

Récit de la sortie

Le Col de la Madeleine est un endroit affreux et sublime à la fois.

Affreux, car il concentre tout ce qui peut déparer un paysage de montagne : le fil gris de la route qui balafre les flancs de la Lauzière ; des gargotes sans charme au bord d’un parking visible de bien trop loin ; la froide procession des pylônes des télésièges.

Mais il y a les vues.
L’archipel géant des Grandes Rousses suspendu dans l’espace, les trois bonnets des Aiguilles d’Arves qui se bousculent au-dessus d’une marée de sommets, l’énorme décor de Belledonne nord. De l’autre côté, le regard dévale au long de l’échancrure de la vallée, rebondit au-dessus des reliefs du Beaufortain et vient buter sur la masse du Mont Blanc. Bref, c’est déjà une leçon de géographie alpine.

Et puis, il y a la Lauzière. Sauvage et singulière, avec ses reliefs de granite entaillés, ses combes roides et suspendues, elle domine le col de toute sa masse ; même sans les vues, il me semble qu’à elle seule elle justifierait la visite à ce dernier.

Je rumine tout ça alors que je monte au col depuis Longchamp, par la route et les alpages, dans un matin auquel un voile opaque tendu sur le ciel confère une lumière élégiaque. La météo ne me laissait guère d’espoir : il fera de plus en plus gris au fil de la journée. Alors je me retourne sans arrêt pour apprécier les éclairages parfois miraculeux qu’une aumône de soleil verse sur Belledonne.

Passé le col, on enfile le bref pensum de l’affreuse piste carrossable, et voici déjà le télésiège et le départ du sentier. Très vite j’entre dans un paysage auquel les premières neiges ont ôté toute couleur. Ou presque : de loin en loin surgit encore le hérissement pourpre des myrtilliers.

La géologie du pays est déroutante. À en croire BRGM, il est surtout constitué de flysch plus ou moins gréseux et de schistes. En effet, on aperçoit au flanc de la combe une vaste éventration noire comme l’enfer ; il en suinte un ruisseau dont le fond charbonneux ne déparerait pas les contreforts du Mont Buet. N’empêche que les éboulis sont largement constitués de roches cristallines plus ou moins granitiques ; et plus bas j’aperçois même une surprenante coulée de pélites violettes.

Il me faut maintenant traverser une zone d’éboulis. Sur les roches nappées de neige la progression est malaisée, et ça ne loupe pas : je glisse et je me reçois lourdement sur le pouce. Ouf : écorchures, petit hématome, rien de sérieux et "Le bon côté des choses c’est que pour appliquer du froid il y a tout ce qu’il faut !" me dis-je en saisissant une poignée de neige.

En arrivant sous le col du Cheval Noir le décor se fait plus hivernal, et les rares mottes d’herbe sont emprisonnées dans une gangue de glace. Je prends pied sur le col et je fais trois constatations.

La première, c’est que j’ai maintenant vue sur le pays de l’hiver. Le regard plonge sur une succession de croupes blanches, des petits lacs léthargiques déjà cernés de glace. Après la palette automnale du Col de la Madeleine, le contraste est saisissant.

La deuxième, c’est qu’il règne ici un vent abominable, une bise aussi puissante que glaciale, à vous mordre les doigts en quelques secondes.

La troisième, c’est que je n’irai pas plus haut aujourd’hui. Au col déjà, j’enfonce parfois jusqu’à mi-mollet dans la neige rebroussée par le vent. Je vois bien que plus haut le sentier, à flanc de pente, est par endroits enseveli, et je juge que ce n’est pas pour moi.

À vrai dire je n’y croyais guère. J’avais vu les webcams, et puis 2800m tout de même... Aucune importance. Je monte encore un peu pour améliorer mon point de vue, et après un petit moment de contemplation j’entame la redescente.

Je ne tiens pas du tout à repasser par les éboulis nappés de neige ; aussi, lorsqu’il se présente un sentier de descente alternatif, je l’enfile avec satisfaction. Je juge qu’il va me conduire du côté du lac Blanc, et je suis déjà en train de me recoudre un itinéraire lorsque je m’arrête net. En contrebas, j’aperçois un décor totalement inattendu : des clochetons blanchâtres aux contours déchiquetés, qui ont des faux airs d’aiguilles de Tortisse. Qu’est-ce que ça fait ici ?
Parvenue au pied de cette formation ruiniforme, je me dirige vers les débris qui émaillent la pente. Je suis un peu surprise de trouver... du gypse. Bon, ce doit être le matériau blanchâtre qui drape les aiguilles, et c’est sa dissolution qui a dégagé la roche plus dure dont sont faites ces dernières ; mais la nature de cette roche me reste mystérieuse.

Je reprends mon chemin, entre flaques de fonte et éboulis. Je retrouve le Col de la Madeleine dans les temps pour m’offrir, côté Lauzière, un détour par le Col de Montjoie qui complétera richement ma visite du pays. Bien contente d’en avoir profité avant la prochaine offensive de l’hiver !

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Randonnée réalisée le 29 octobre 2023

Dernière modification : 3 novembre 2023

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Avis et commentaires

Merci !
Ce qui fait tout drôle, c’est de voir que moins d’une semaine plus tard tout était englouti sous la neige : les couleurs, les reliefs...Je ne sais pas si c’est moi, mais j’ai l’impression qu’entre l’interminable été et les premières bouffées de l’hiver on aura été un peu volé de l’automne en altitude cette année.

Bonjour CourtePatte,
Je viens lire ton texte, avec un peu de retard...
Mais - comme à chaque fois - je ne suis pas déçu : c’est ça une valeur sûre ! Merci.
Je le garde.

Merci pour les retours !

Encore un texte bien plaisant et de belles photos.
Contraste saisissant sur la 10, la 26 très jolie, et merci pour les précisions sur le gypse, je ne savais pas que c’était ça....

Un récit très agréable à lire et de bien belles photos, comme toujours.

@Narcisse : merci !
@Yann : je note l’adresse ! A ce jour, pour moi l’un des affleurements qui m’ont le plus émerveillée c’est celui de Terre Blanche, du côté de la Séolane des Besse : altituderando.com/Le-tour....

Des reliefs de gypse il y a en a partout dans le secteur du Col de Chaussy, tu devrais y faire un tour ça te plairait.

Waouh ! le texte n’a rien à envier aux photos, ou l’inverse, je sais plus ! En tout cas bravo !

Merci !
Pour le pouce, la poignée de neige a fait des miracles. Il n’y paraît déjà presque plus.

Belles photos et joli texte !
J’espère que le pouce va mieux ?
A+

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