Sortie du 18 avril 2021 par gegers Bec Charvet (1738m) par le habert de Chamechaude et les Emeindras

Sous Chamechaude, auprès des chamois

Itinéraire, carte // Fiche topo

Topo de référence

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Conditions météo

Nuageux à partir du milieu de matinée.
Neige glacée à partir de 1300m

Récit de la sortie

Se dissimuler du chamois est une entreprise vaine. Il vous a vu, portant votre vilain bonnet rouge, celui des grands froids, estampillé Salomon, votre doudoune matelassée et vos chaussures que vous pensez adaptées au terrain montagneux là où ongles et sabots se font bien plus efficaces que tous les Quechua du monde.

Et s’il ne vous a pas encore vu, il a très certainement humé votre vilain fumet, votre odeur de savon rance, de transpiration fraîche et de café froid. Ainsi, tenter de se masquer, de cacher sa présence, est inutile. Pour approcher le chamois, il est bien plus efficace d’opter pour la franchise, d’avancer à découvert en tenant compte des signaux que l’animal vous envoie. S’il se met à siffler en vous regardant avec sévérité, ce n’est pas la peine d’insister. Chaque pas que vous ferez en direction de l’animal précipitera sa retraite. Son état de stress est ici maximal. Bien sûr, vous n’êtes pas chasseur, le trophée que représente l’animal est pour vous uniquement photographique, mais allez expliquer ça alors qu’il n’y a aucun traducteur chamois / humain dans les environs... pas évident.

Si l’animal vous regarde avec curiosité et une légère inquiétude mais se met malgré tout à paître, activité à laquelle il consacre la majeure partie de ses journées au printemps, pour accumuler de nouveau des graisses après un long hiver, alors l’approche est possible. Modestement, pas à pas, vous pouvez gagner un peu de terrain, affranchir quelques mètres supplémentaires qui vous séparent du noble animal, et espérer l’avoir plein cadre.

Mieux encore, si l’animal se couche, pour profiter comme vous de la chaleur bienfaitrice du soleil accompagnant le jour naissant, alors c’est gagné. En évitant de le quitter trop longtemps des yeux, rapprochez-vous encore un peu plus jusqu’à atteindre une distance respectable, qui n’est inscrite dans aucun manuel mais que vous ressentirez sur le terrain. L’histoire dure 5mn, 10mn, une journée, une éternité. Vous êtes là dans l’intemporalité d’un face à face entre l’autochtone et l’intrus.

Vous avez presque envie de vous excuser d’être là, non seulement pour votre présence à cet instant précis, mais pour l’ensemble de vos actes, personnels, ceux de vos congénères. Mais le chamois s’en fiche. Il est là, il œuvre au quotidien pour sa propre subsistance, et, par extension, pour la survie de la harde, du groupe, de la collectivité, appelez cela comme vous voulez. De toute manière, l’animal est perpétuel, alors que vous n’êtes qu’un inadapté de passage. Ainsi, vous aimez à croire que l’animal vous pardonne, qu’il vous considère comme une curiosité marquant le début de cette nouvelle journée, qu’il ne fera pas plus de cas de votre présence, alors que vous, vous vous rengorgez auprès de vos amis, vous pavoisez en leur montrant vos clichés de toute manière ratés puisqu’ils ne transmettent aucun message si ce n’est votre plaisir égoïste et l’ébahissement niais que vous ressentez face aux beautés simples de la nature.

En mettant votre œil dans l’objectif, vous ne faites que chausser des œillères de lâcheté. Et les effluves qui vous remontent cette fois aux narines sont celles du renoncement et de la bêtise, individuelle et collective. Vous maudissez alors la condamnation prochaine de la meute, de la harde, de la communauté dont vous vous contentez de n’être qu’un impuissant maillon.

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 18 avril 2021

Dernière modification : 19 avril 2021

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Avis et commentaires

superbe !

Merci pour ce joli dialogue...

Un soupçon de pessimisme désabusé ce me semble. Ci-après un petit dialogue tiré de "L’année enfantine de lectures progressives" de Jean Bedel, 1917.

Y-a-t’il trop de Clotildes et pas assez de Marguerites ?

C_ Marguerite, qu’est-ce que tu regardes donc à la fenêtre ?

M_ Quelque chose qui ne t’amuserait pas, ma petite Clo.

C_ Dis-moi tout de même ce que c’est.

M_ Tu es trop petite, tu e comprendrais pas.

Clotilde s’approcha de la fenêtre qui ouvrait sur la campagne.

C_ Mais il n’y a rien du tout ! s’écria l’enfant, après avoir jeté un coup d’oeil au dehors.

M_ Tu vois bien que j’avais raison de dire que tu ne comprendrais pas, repartit Marguerite.

C_ Eh bien, fais-moi comprendre, toi !

M_ Alors, regarde comme c’est joli tous ces arbres en fleurs.

C_ C’est vrai, c’est beau !

M_ Regarde comme c’est doux aux yeux le vert des feuilles nouvelles !

C_ C’est vrai, c’est beau !

M_ Vois comme le petit ruisseau qui passe par nos prés brille sous le soleil ! Est-il assez joli comme cela ?

C_ On le dirait tout en or ! s’écria Clotilde émerveillée.

M_ Ecoute le premier chant des cigales.

C_ J’entends, elles font cri, cri, cri.

M_ N’est-ce pas, Clo, que tout cela est beau ?

C_ Oh ! que tu es savante Marguerite, dit avec admiration la mignonne Clotilde. Dans quel livre as-tu appris ces choses ?

Mais dans aucun, répondit Marguerite ; je regarde dans la nature, et c’est tout : je vois qu’elle es belle, et je l’aime.

roycla

Génial ton teste Geger sur ta rencontre avec les chamois, la fin est un peu sombre mais gardons un bel optimisme

Amicalement

Salut Gegers,
En voilà une bien belle série de photos, bravo et merci !
Ton compte-rendu est à la mesure, joliment écrit, mais je ne comprends pas trop la fin du texte et son amertume... T’avais le blues 🙂 ?

Qu’ils sont beaux ! J’aime bien la 12, où le chamois surveille la vallée...
Et très joli texte...

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