Trek au Ladakh : de la vallée de la Markha aux hauts plateaux du Rupshu
- Randonnée
- Inde
- Difficulté :
- Difficile
- Dénivelé :
- Non renseigné
- Durée :
- 3 jours et plus
Cet itinéraire relie les gorges étroites de la vallée de la Markha, située immédiatement au Sud de Leh, aux immensités du Rupshu, prolongement ouest du Changtang (le haut plateau occupant le Nord Ouest du Tibet). – Auteur : Angelique
Accès
Départ de Zinchen à 3400m, accessible en jeep de Leh (compter environ 1 heure).
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Les infos essentielles
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Itinéraire
Ce trek traverse dans un premier temps les petits villages typiques du Zanskar et de la chaîne de Stok, avant d’atteindre les vastes plaines d’altitude peuplées par les nomades Changpa et caractérisées par de grands lacs salés tels que le Tso Kar et le Tso Moriri. Ce trek n’est proposé par aucune agence française. D’une durée de trois semaines, il se parcourt en tente avec l’assistance de chevaux pour le portage.
Départ : Zinchen à 3400m, accessible en jeep depuis Leh (compter environ 1 heure).
Arrivée : Pang à 4500m sur la route Leh - Manali.
Durée du trek : 20 jours, dont 1 journée de repos à Korzog, unique village sur les rives du Tso Moriri.
Cartes : les cartes les plus détaillées existant sur la région sont les cartes Olizane intitulées « Ladakh & Zanskar » au 1 : 150 000. La carte « Centre » couvre la première partie de l’itinéraire jusqu’au Yar La, la carte « Sud » couvre la deuxième partie jusqu’à Pang.
Difficulté : La difficulté vient principalement de la longueur du trek, de son isolement, et de la haute altitude. Il s’agit donc d’un trek engagé et il est indispensable de partir en bonne forme physique. Sur 20 jours de marche, 15 nuits ont lieu à plus de 4500m et il faut franchir 12 cols entre 4900 et 5830m. Pour les trekkeurs ayant une expérience de l’alpinisme, cet itinéraire inclue la possibilité de gravir l’antécime du Kang Yatse, un 6000 « facile » du Ladakh.
Quand faire ce trek ? De juin à septembre, tant que les cols sont franchissables.
Avec qui partir ? J’ai organisé ce trek avec Thukjay Targais, guide Zanskarpa originaire du village de Karsha. Il a une agence à Leh : Lighet Zanskar Tour & Travel (mail : thukjayzkr@yahoo.co.in). Targais parle Anglais et un peu le Français et travaille depuis plusieurs années avec des groupes de trekkeurs français. Je suis partie avec lui et un muletier, Jigmet du village de Korzog, et 4 chevaux.
Itinéraire :
NB : Les temps indiqués sont les temps de marche uniquement, et n’incluent pas les pauses repas, photos etc... Les altitudes données sont une moyenne entre les altitudes indiquées sur la carte et celles relevées par mon altimètre.
Jour 1 : Leh (3600m) - Zinchen (3400m)
Départ pour Zinchen en jeep avec Targais. Après le village de Spituk (où il est conseillé de visiter le monastère) la piste surplombe les gorges de l’Indus, populaires pour le rafting. Compter une heure de trajet depuis Leh. A l’arrivée à l’emplacement de camping, nous retrouvons Jigmet et ses quatre chevaux qui porteront la nourriture et le matériel nécessaires pour les trois prochaines semaines.
Jour 2 : Zinchen - Camp de base du Gonda La (4350m)
3h30 de marche. Les deux premières heures nous remontons des gorges étroites avant que la vallée ne s’ouvre au niveau du village de Rumbok à 3800m. L’été une « tente parachute » y est installée : comprenez un parachute de l’armée indienne récupéré et converti en « tente restaurant / boutique d’artisanat local » pour les trekkeurs. On y trouve nouilles et thé à volonté, coca et autres sodas, des barres chocolatées, des bonnets et gants en laine etc...
Nous poursuivons ensuite vers Yurutse, village constitué d’une seule grande maison entourée de champs d’orge et de petits poids. Targais et moi pique-niquons en compagnie de la propriétaire et de son fils.
Trente minutes plus haut nous atteignons le camp de base du Gonda La à 4350m, installé parmi les blocs au dernier point d’eau avant le col. Une « tente parachute » y est aussi présente. Alors que nous montons les tentes une marmotte vient nous rendre visite. Du camp la vue est imprenable sur le Stok Kangri, le sommet qui domine Leh et la vallée de l’Indus du haut de ses 6153m.
Jour 3 : Camp de base du Gonda La - Ganda La (4900m) Skiu (3400m)
5h de marche. La montée au col est plus ou moins rapide selon l’acclimatation (pour ma part, arrivant du Cachemire, je suis montée en 1h30). Du col il est facile de grimper au dessus vers le sommet sur la gauche (vers le Sud) et au delà de 5000m. C’est ce que j’ai fait en attendant Targais, Jigmet et les chevaux puisque j’étais partie avant eux. La descente vers Shingo est facile sur un sentier bien tracé (1h30 environ). A la sortie du village (à 4080m) se trouvent quelques tentes parachute. Le sentier se faufile ensuite dans des gorges étroites avant de déboucher dans la vallée de la Markha au niveau du village de Skiu à 3400m (compter 2h de marche de Shingo à Skiu).
La vallée de la Markha reçoit environ 60% des trekkeurs se rendant au Ladakh (mais heureusement elle est bien moins fréquentée en septembre, au moment où je m’y trouvais). Ainsi on compte d’innombrables tentes parachute dans les villages et au milieu de nulle part ! A tel point que de nombreux trekkeurs choisissent de partir seuls sac sur le dos, et de dormir chez l’habitant tout en se ravitaillant dans ces tentes parachute.
Jour 4 : Skyu - Markha (3780m)
5h30 à 6h de marche. Même si la dénivelée est faible, la distance importante (22km) en fait une longue étape. Il s’agit de remonter les gorges jusqu’au village de Markha, et les paysages sont magnifiques tout le long : pentes arides aux multiples teintes d’ocre, rivière bleu turquoise, verdure des peupliers, maisons et chortens couverts de chaux blanche, champs d’orge dorés par le soleil attendant la moisson... Il est aisé de comprendre l’affluence des trekkeurs dans cette vallée. A Markha, ne manquez pas la visite de la gompa. La vue ne vous décevra pas, et le seul moine qui y vit sera ravi d’avoir de la visite !
Jour 5 : Markha - Tachuntse (4240m)
5h de marche. A la sortie de Markha les gorges se resserrent et il est nécessaire de traverser la rivière à gué plusieurs fois. On laissera sur la droite la vallée qui par de nombreux gués (il y en aurait une centaine !) permet de rejoindre Zangla et la vallée du Zanskar. Au bout de 3h on atteint le village de Hankar à 3990m, lieu idéal pour une pause pique-nique. Ensuite il faut compter 2h pour Tachuntse. Le paysage s’ouvre et le Kang Yatse domine le fond de la vallée du haut de ses 6400m.
Théoriquement si vous souhaitez remonter la vallée qui mène au Zalung Karpo La, il faut prendre la vallée de droite à la confluence qui se situe peu après Hankar. Cependant, je souhaitais faire un détour pour tenter l’ascension de l’antécime du Kang Yatse (6175m), et au lieu de monter directement au camp de base depuis Tachuntse, j’ai préféré passer par Nymaling afin de peaufiner mon acclimatation.
Jour 6 : Tachuntse - Nymaling (4800m)
2h45 de marche. La journée commence mal : ce matin il neige et Jigmet n’a ramené que 3 chevaux sur 4. Un autre groupe de trekkeurs a aussi perdu un poulain : ils l’ont retrouvé mort, vraisemblablement attaqué par des loups pendant la nuit. Targais et Jigmet sont inquiets, car sans la jument manquante, les 3 autres chevaux sont trop chargés et nous ne pouvons continuer comme ça. Nous décidons malgré tout de monter à Nymaling. Situé à 4800m, Nymaling est un vaste alpage utilisé par les habitants de la vallée l’été pour faire paître les yacks et les moutons. Pendant 4 mois ils vivent dans des abris de fortune en pierre. Seule vision incongrue : la tente parachute !
Dans l’après midi la neige cesse de tomber et je décide de monter au Kongmaru La (5240m) 1h au dessus du camp, toujours dans le but de parfaire mon acclimatation. En haut la vue est bouchée et le sommet convoité est invisible, l’ascension de mon premier 6000 semble compromise...
Jour 7 : Nymaling - Camp de base du Kang Yatse
Désert blanc au réveil. Mais alors que nous plions le camp le soleil pointe enfin le bout de son nez ! Autre bonne nouvelle, la jument disparue hier a rejoint le camp ce matin. Elle n’est pas blessée et seule elle pourrait nous dire ce qu’il lui est arrivé. Nous décidons donc de tenter notre chance et de monter au camp de base du Kang Yatse à 4900m. Nous y sommes en 2h30 de marche. Grace au soleil la neige fond rapidement et j’ai confiance. Dans l’après midi, je pars repérer l’itinéraire pour le lendemain, et je monte pendant 2h sur la moraine, jusqu’à 5480m au pied de la face nord, panorama sublime !
Jour 8 : Ascension de l’antécime du Kang Yatse (6175m), retour au camp de base
Avec Targais nous entamons l’ascension de la moraine à 3h00. Bien que j’aie repéré l’itinéraire la veille, à mi chemin nous perdons de vue les cairns (pas évident à la frontale), et nous galérons dans de gros blocs et des pentes d’éboulis instables pendant un bon moment avant de retrouver le « sentier ». A 5500m nous nous équipons avant de prendre pied sur le glacier. La neige tombée les derniers jours ne s’est pas du tout transformée et une épaisseur de 30 à 50 cm couvre la glace. Arrivés à 5750m, nous atteignons un replat. Targais passe devant car je fatigue à force de faire la trace. Soudain il se retrouve avec un pied dans le vide, assis sur le bord d’une crevasse ! Changement de direction. Plusieurs fois le piolet s’enfonce complètement dans la neige, et de nouveau Targais se retrouve avec un pied dans le vide. Nous décidons de faire demi-tour, le terrain est miné, la neige fraiche masque les crevasses et il serait trop risqué de continuer. Nous sommes de retour au camp à 9h30, sans aucun regret car même si le ciel était d’un bleu parfait, les conditions de neige n’étaient pas bonnes, et nous étions totalement seuls !
Jour 9 : Camp de base du Kang Yatse - Konka Nongpo La (5130m) - Camp au pied du Zalung Karpo La (4660m)
4h15 de marche. Nous remontons le Konka Nongpo La qui permet de rejoindre la vallée de la Langtang Chu qui mène au Zalung Karpo La. Le col, que l’on atteint en 40 minutes, est situé immédiatement au pied de la face ouest du Kang Yatse. Cet itinéraire est très peu fréquenté et le sentier à la descente est étroit et parfois exposé (la chute n’est pas permise). J’admire les chevaux et leur agilité ! Le sentier se perd ensuite complètement, il faut traverser une grande pente herbeuse, puis plus bas les cairns et une vague sente réapparaissent. Soudain un cheval tombe sur le côté, il roule pendant quelques mètres dans la pente avant de s’arrêter. Le pauvre s’est pris le pied dans un trou de marmotte et a perdu l’équilibre. Plus de peur que de mal heureusement.
Nous atteignons la vallée de la Langtang Chu à 4400m et remontons jusqu’au dernier emplacement de bivouac avant le col. Cette vallée est totalement sauvage, aucun village, et nous apercevrons plusieurs troupeaux de barhals (sortes de moutons sauvages) au cours de la journée. Ma voila bien loin de la foule et des « tentes parachute » de la vallée de la Markha !
Jour 10 : Camp au pied du Zalung Karpo La - Zalung Karpo La (5170m) - Gorges de la Sorra Chu (4160m)
5h50 de marche. Nous remontons le lit de la rivière avant d’attaquer la montée pour le col. Il reste encore beaucoup de neige car nous sommes en versant nord. Au bout de 2h nous y sommes, et quel panorama grandiose ! Vue sur le Kang Yatse au Nord, sur les montagnes déchiquetées du Zanskar à l’Ouest, et au loin nous apercevons même le Yar La, le col qui marque la « frontière » avec le Rupshu et que nous franchirons dans 2 jours. La descente est raide et rapidement nous sommes dans le fond de la vallée. Nous longeons la rivière jusqu’à Sorra (4210m) que nous atteignons en 3h20 depuis le col. Sorra est un groupement de petites maisons en pierres très sommaires qui ne sont habitées que l’hiver par des semi-nomades qui l’été amènent leurs troupeaux dans les alpages. Fini les cultures, le terrain est libre pour les marmottes qui pullulent, et qui en cette fin d’été sont absolument énormes ! Juste en aval du village, la rivière s’engouffre dans des gorges étroites et il faut la traverser à gué plusieurs fois. Nous camperons à 30 minutes du village à la confluence de la Sorra Chu et de la Khurna Chu (chu = rivière ou eau en tibétain et ladakhi), où l’herbe abonde pour les chevaux.
Jour 11 : Gorges de la Sorra Chu - Dat (4350m)
3h30 de marche. Nous remontons la Khurna Chu jusqu’à Dat. Au bout d’une heure les gorges s’élargissent puis laissent place à une vaste vallée couverte d’herbe grasse, chose rare au Ladakh. Les falaises calcaires qui l’entourent sont spectaculaires, exhibant plissements en tous sens qui témoignent de la violence de la collision entre la plaque indienne et l’Asie. Dans ce décor surgissent soudain de longs murs de Mani (murs constitués de pierres sur lesquelles sont gravées des prières en tibétain et qui sont entretenus par les moines), indiquant la présence proche d’un village et d’une gompa (monastère). Dat est un autre de ces villages qui n’est habité que l’hiver, bien qu’en cette mi-septembre, plusieurs familles y soient réunies pour couper l’herbe grasse qui nourrira les bêtes pendant l’hiver. Des hommes sur les toits étalent l’herbe au soleil afin de la faire sécher. Ce soir Jigmet rentre au camp avec une jeune jument de 2 ans qu’il vient d’acheter à un villageois, pour 6500 roupies (à peine plus de 100 euros) il pense avoir fait une bonne affaire et il est content !
Jour 12 : Dat - Yar La (4920m) - Lungmoche (4630m)
4h45 de marche. Alors que nous plions le camp les villageois s’en retournent à cheval dans la vallée de Karnak où ils passent l’été. Les réserves d’herbes sont faites, ils ne reviendront qu’à l’arrivée de l’hiver. Juste en amont du village la rivière disparait soudain, et l’herbe grasse fait place à un sol stérile couvert de cailloux. En fait l’eau coule sous les blocs et resurgit à la surface juste au dessus de Dat. Nous remontons la vallée pendant 2h30 avant d’enfin apercevoir le col sur la gauche. Une piste de jeep, visiblement peu utilisée, descend du col en larges lacets et je me demande quelle peut en être l’utilité dans ces contrées si peu habitées. 1h20 plus tard nous sommes au col. Nous quittons définitivement les montagnes du Zanskar. La vallée de Karnak vers laquelle nous descendons marque en effet le début du Rupshu, ce haut plateau qui se poursuit jusqu’au Tibet où il est nommé Changtang. Nous entrons dans l’univers des nomades et de leurs moutons, chèvres et yacks. Le relief s’adoucit, les arbres disparaissent, le ciel parait plus vaste, le vent règne en maitre et l’eau se fait de plus en plus rare. Alors que pour beaucoup ces espaces ne seraient que désolation, des hommes ont su s’adapter à cet environnement rude où les hivers sont longs et féroces.
En une heure à peine, nous sommes au village abandonné de Lungmoche. Tout comme Dat, Lungmoche était jadis habité l’hiver, jusqu’à ce que l’eau vienne à manquer. Il n’en reste aujourd’hui que des ruines.
Jour 13 : Lungmoche - Zara (4600m)
4h30 de marche. Nous remontons la vallée de Karnak jusqu’à Zara, qui comme Lungmoche, est un ancien village en ruines. En chemin, nous apercevons quelques kyangs, ces ânes sauvages qui peuplent le haut plateau. Le paysage, purement minéral, est sublime, le granite y a remplacé le calcaire. Quelques glaciers subsistent encore sur les sommets, mais pour combien de temps ?
A Zara nous sommes à quelques kilomètres seulement de la route Leh - Manali, et des ouvriers construisent une piste qui desservira la vallée à partir de la route. Ils sont pour la plupart issus des plaines indiennes et ont installé leur campement à Zara. Pour un maigre salaire ils passent les étés loin de chez eux dans des conditions incroyablement dures. Aucune machine avec eux, aucun bulldozer etc., ils pellettent toute la journée, déplaçant les blocs gênants un par un, pendant que d’autres concassent au marteau des cailloux pour obtenir des graviers. Un travail de fourmi qui est à renouveler après chaque hiver, et après chaque éboulement. Construire et entretenir une route dans ces montagnes, avec de si maigres moyens, est un travail titanesque.
Jour 14 : Zara - Pongunagu (4570m)
4h de marche. Rapidement nous gagnons la route Leh - Manali. Nous la longeons ensuite sur une piste en contrebas jusqu’à la bifurcation qui mène au Tso Kar (tso = lac en Tibétain et Ladakhi). Nous croisons de rares camions, passons un poste de l’armée, et filons vers le lac. Depuis quelques jours le temps est couvert, et aujourd’hui le plafond est très bas. Bientôt le vent se lève et des flocons commencent à tomber. Pongunagu est le seul endroit à proximité du lac où le bivouac est autorisé. C’est aussi le seul endroit où l’on trouve de l’eau, car celle du lac est salée et donc imbuvable. Le lac étant accessible en jeep, les touristes sont nombreux en haute saison, et j’y retrouve donc une tente parachute ! Un camp est aussi dressé tout près pour les touristes voulant y passer la nuit. La neige tombe et tient, peu à peu le sol se couvre de blanc et je passe l’après-midi dans la tente parachute à discuter avec Christian, un Français que j’avais déjà rencontré à Nymaling, et qui se rend lui aussi au Tso Moriri. Christian est un « dur », puisqu’il marche seul sans chevaux. Même s’il essaie de dormir un maximum chez l’habitant, dans ces contrées très peu peuplées, il faut quand même être autonome (ce qui signifie tente, réchaud, nourriture etc. sur le dos) et il est donc très chargé. J’admire sa force et son courage !
Jour 15 : Pongunagu - Horlam La (4950m) - Rajun Karu (4920m)
6h10 de marche. Ce matin il neige toujours et nous hésitons à partir, car nous ne savons pas si les chevaux pourront franchir le col avec la neige. Un groupe d’Allemands qui a campé près de nous décide tout de même de se mettre en marche. Nous chargeons les chevaux. Finalement la neige cesse enfin de tomber, et le ciel semble se dégager. Nous atteignons les rives du Tso Kar en 30 minutes. D’après Targais le lac a perdu beaucoup de sa surface ces dernières années, l’eau qui s’évapore n’est pas remplacée et le sel s’accumule dans le lac. Trois heures plus tard, nous atteignons le village de Nuruchen à 4650m. Alors que nous pique-niquons au bord de l’eau, le soleil sort enfin et la neige commence à fondre rapidement. Nous pouvons donc franchir le col. Nous l’atteignons en 1h10, la vue qui s’est dégagée est superbe sur le Tso Kar en contrebas et les sommets saupoudrés au loin.
Nous descendons dans la vallée de Rajun Karu et allons installer le camp 1h30 plus loin au pied du col qu’il faudra franchir le lendemain. L’été cette vallée est un lieu de pâture où les nomades amènent leurs yacks, moutons et chèvres. De ce fait nous passons de nombreuses tentes habitées par des nomades Changpa (du Changtang). Alors que je passe près de l’une d’elle, une jeune fille me fait signe et m’invite à prendre un verre de thé. J’accepte avec plaisir, et peu après quand les Allemands passent ils sont eux aussi invités sous la tente ! Kusang Dolma nous présente sons père qui est occupé à filer de la laine de yack, et son petit frère de 5 ans. Tandis qu’elle nous sert l’immanquable thé au beurre de yack, elle nous parle d’elle et de sa famille. Kusang Dolma est étudiante infirmière à Bengalore au Sud de l’Inde et parle donc un Anglais impeccable. Elle a profité des seules vacances qu’elle aura cette année pour rendre visite à sa famille qu’elle n’avait pas vue depuis deux ans. La journée sa mère et ses plus jeunes frères et sœurs sont dans les alpages avec les animaux. Les Changpa sont en fait d’origine tibétaine et parlent Tibétain, et non Ladakhi, bien que les deux langues soient très proches. L’année prochaine son petit frère devra quitter la tente et aller en pension à Leh (la capitale du Ladakh) pour être scolarisé. Pour le moment, le petit garçon ne veut pas entendre parler d’école et préfère les grands espaces. Pourtant le monde des nomades est en sursit car nombreux sont les jeunes qui une fois scolarisés rêvent d’un emploi bien payé en ville. Kusang Dolma est un parfait exemple de ce monde en profonde mutation.
Alors que la nuit tombe, les troupeaux de chèvres et de moutons sont ramenés dans la vallée pour la nuit. Quelques nomades, adultes et enfants, viennent nous rendre visite. Les hommes portent la « chuba », ce manteau de laine que les nomades portent aussi au Tibet. Les femmes quant à elles portent le « tablier » tibétain traditionnel, aux rayures multi-couleurs. Un petit gamin me montre comment il dirige son troupeau de moutons avec sa fronde. Au moindre écart, les pauvres bêtes sont rappelées à l’ordre par un lancer de cailloux qui les frôle suffisamment pour leur faire peur mais jamais pour les atteindre.
Jour 16 : Rajun Karu - Kyamayuri La (5420m) - Kotse La (5400m) - Gyama (5180m)
4h40 de marche. Il a fait froid cette nuit et la rivière est entièrement gelée ! Deux cols nous attendent aujourd’hui. Nous atteignons le Kyamayuri La en 2h. Malgré le grand ciel bleu, il reste encore beaucoup de neige, et j’admire les chevaux de pouvoir marcher ainsi chargés. Grace à l’altitude élevée du col, la vue est superbe sur les sommets du Changtang couverts de blanc, tandis qu’à leurs pieds l’herbe brulée par le soleil contraste avec le bleu profond du ciel. Nous descendons de 150m à peine puis attaquons le deuxième col que nous atteignons 2h10 après le premier. La descente est rapide (30 minutes) jusqu’au campement de Gyama. Plusieurs tentes de nomades sont installées près de la rivière, et les yacks pâturent au dessus. Je me demande ce qu’ils trouvent à manger, car après plus de 3 mois d’estive, l’herbe est archi tondue et il ne reste rien à brouter. Jigmet commence lui aussi à s’inquiéter pour ses chevaux car ces derniers jours ils n’ont pas pu manger à leur faim. La pause prévue à Korzog demain sera la bienvenue.
Jour 17 : Gyama - Yalung Nyau La (5450m)- Korzog (4620m)
4h50 de marche. Avant d’entamer la montée du col il faut traverser la rivière à gué. Heureusement celle-ci a bien gelé pendant la nuit et nous pouvons sauter d’un bord à l’autre sans nous déchausser (sans la glace elle aurait été trop large). Beaucoup de neige encore et nous atteignons le col en 2h30. Nous apercevons alors enfin le Tso Moriri, cet immense bijou bleu turquoise que l’on croirait niché dans un écrin de diamants puisque tous les sommets l’entourant sont blancs de neige ! En une heure à peine nous sommes au pied du col. Il faut alors traverser une grande plaine avant de traverser des gorges qui débouchent sur Korzog et le lac. Au passage Jigmet rend visite à son père et à son frère qui passent l’été avec leurs bêtes en amont des gorges. 2h20 après le col, nous atteignons Korzog, unique village habité en permanence sur les berges du Tso Moriri. Retour à la civilisation : les tentes parachutes et les maisons d’hôtes y sont nombreuses. Tout comme le Tso Kar, le Tso Moriri est accessible en jeep et nombreux sont les touristes qui viennent admirer les eaux turquoises et salées de ce lac de presque 30 km de long situé au cœur de ce désert d’altitude. Avec Targais nous décidons de dormir chez l’habitant plutôt que de nous agglutiner avec la foule dans le seul campement autorisé le long de la rivière. La petite dame qui nous reçoit est adorable, elle m’ouvre la chambre et met à disposition sa cuisine. Apres plus de deux semaines de marche, j’ai décidé de rester à Korzog deux nuits afin d’explorer le village et de profiter tranquillement du lac. Jigmet rentre donc avec ses chevaux passer la nuit avec sa famille.
Jour 18 : Journée de repos à Korzog (4620m)
Bonne grasse matinée ce matin, puisque je ne me lève qu’a 8h ! Je vais visiter la gompa, puis décide de monter au sommet de la « colline » qui domine le village. La vue y est splendide sur le lac. De retour à Korzog, je retrouve Christian, ce Français que j’avais déjà rencontré à Nymaling et à Pongunagu. Il est arrivé la veille mais n’est pas passé par le même itinéraire que nous. Au lieu du col, il a rejoint la piste par un itinéraire hors sentier et s’est « bousillé » les pieds dans des pierriers. Il ne peut plus marcher et décide donc de mettre fin à son trek et de rentrer sur Leh en jeep.
Dans l’après midi je vais marcher 2h30 le long du lac au Sud de Korzog. Au delà du village la piste disparait, et les berges redeviennent sauvages. Les murs de Mani se succèdent tandis qu’au loin les hauts sommets bloquant l’accès à la vallée de la Spiti se laissent deviner. Le bleu turquoise de l’eau concurrence le bleu azur du ciel et l’on ne peut que se sentir bien et en paix dans de tels paysages !
Jour 19 : Korzog - Yalung Nyau La (5430m) - Col sans nom (5590m) - Camp au pied du Lanyar La (5250m)
5h50 de marche. Ce matin, la petite dame qui m’a hébergée a revêtu ces plus beaux vêtements et son « perak », la coiffe traditionnelle ladakhi ornée de turquoises et qui se transmet de mère en fille. Elle souhaite qu’avant de partir je la prenne en photo, puis que je les lui fasse passer plus tard par l’intermédiaire de Targais. J’accepte avec plaisir.
Finalement c’est Namgyal, le frère de Jigmet, qui terminera le trek avec nous, les chevaux de Jigmet étant vraiment très fatigués. Ceux de Namgyal ne sont pas partis en trek tout l’été et ils ont l’air bien plus robustes. Pour nous rendre au pied du Lanyar La, le col qui nous attend demain, nous devons retraverser le Yalung Nyau La. Nous y sommes en 3h 30 à peine, et la neige a finalement peu fondu à cette altitude. Au col nous rattrapons un nomade qui avec son âne et ses deux chiens se rend à son campement d’été de l’autre coté du Lanyar La. Le petit homme vient de se ravitailler à Korzog et son petit âne trop chargé a du mal à avancer. Namgyal connait un raccourci qui nous évite de descendre sur Gyama puis de remonter. Nous coupons donc. Les chevaux passent devant et nous font la trace. Malgré les températures très négatives la nuit (-15 degrés), la neige qui est très sèche ne gèle pas et parait encore fraiche. Nous franchissons un col sans nom à 5590m, avant de redescendre presque immédiatement à l’aplomb de notre lieu de bivouac. Le petit âne a l’air soulagé d’être enfin déchargé et la pauvre bête me fait pitié.
Jour 20 : Camp au pied du Lanyar La - Lanyar La (5820m) - Zorogong (4920m)
5h10 de marche. Nous entamons l’ascension du plus haut col du trek. Rapidement nous sommes dans la neige, mais heureusement des gens ont franchit le col les jours précédents et une trace est déjà faite. Au bout de 2h30 je suis au col et je bats au passage mon record d’altitude ! Targais qui n’était jamais passé par ce col découvre la vue splendide en même temps que moi : le col est dominé par un « 6000 » d’où s’écoule un beau glacier, les sommets enneigés s’étirent à perte vue, et l’on se sent bien petits ! La pause au col sera malgré tout de courte durée car le vent y est glacial et nous gelons ! La descente dans la poudreuse est un véritable régal, et je m’imagine que skis aux pieds elle doit l’être encore plus ! Nous passons au contrebas d’un lac glaciaire entièrement gelé, puis vers 5400m nous sommes de nouveau sur terrain sec. Nous pique niquons puis poursuivons la descente. Avant d’atteindre la vallée en contrebas nous remontons sur la droite et franchissons une ancienne moraine, malgré les 100m à remonter ceci nous évite un large détour. Et la vue est sur la vallée qui mène au Thelakung La est magnifique ! Les montagnes sont noires de schistes et d’ardoise jusqu’à mi-hauteur, couvertes de neige au delà, tandis que le fond de la vallée n’est qu’un large lit de rivière entièrement sec, couvert de galets et de sable, avec ça et là de pauvres buissons rabougris et coriaces. Alors que nous remontons le lit de la rivière à sec, je me demande où nous allons pouvoir trouver de l’eau. Soudain un peu de verdure apparait au loin : sur 200m environ un mince ruisseau surgit de nulle part, avant de retourner d’où il vient, sous la roche !
Jour 21 : Thelakung La (5020m) - Pang (4500m)
6h15 de marche. Longue journée, puisqu’environ 25km nous attendent jusqu’à Pang. Du haut du Thelakung La nous découvrons la vallée entrecoupée de canyons qu’il va nous falloir suivre. Le paysage apparait totalement différent de celui des jours précédents. Les schistes font place aux grès qui grâce au travail de l’érosion sont découpés de part en part par de nombreux canyons quasiment toujours à sec. Pour pouvoir avancer dans ce dédale de canyons nous descendons carrément dans le lit de la rivière. Un mince filet d’eau coule au milieu qui n’empêche nullement notre progression. Mais nous atteignons plus bas une confluence et soudain le débit de l’eau augmente. Plusieurs fois le cours de la rivière nous bloque le long des parois du canyon et nous devons prendre de plus en plus d’élan pour pouvoir l’enjamber d’un bon. J’apprécie vivement la membrane gore-tex de mes chaussures, sans lui j’aurais eu les pieds trempés à la fin de la journée ! Je n’ai pas compté le nombre de fois que nous avons du sauter de blocs en blocs au dessus de la rivière, vingt fois peut être !
Environ 2h avant Pang nous atteignons un camp de nomade situé à une confluence. Pendant que Targais et Namgyal discutent avec eux, une petite mamie assise au soleil pique régulièrement du nez.
Enfin au loin apparait la route, puis les tentes de l’armée, et nous voila à Pang ! Pang n’est en fait rien d’autre qu’une agglutination de tentes de l’armée (les militaires sont présents en nombre dans cette région dû à la proximité des frontières chinoise et pakistanaise) et de tentes parachutes servant d’hôtel - restaurant à mi-chemin sur le route Leh - Manali. Nous décidons donc de camper en contrebas au bord de la rivière. Namgyal décharge les chevaux et repart sans attendre vers chez lui. Il passera la nuit avec les nomades.
Jour 22 : Retour sur Leh en jeep
Nous démontons le camp et faisons plusieurs aller - retours pour monter tout le matériel jusqu’à la route. Targais se met en quête d’une jeep pour rentrer sur Leh, pendant que j’attends en discutant avec le propriétaire d’une tente parachute. La chance est avec nous, une jeep rentre à vide de Manali et le chauffeur accepte de nous conduire à Leh pour un prix dérisoire, à peine plus cher que le bus. Dawa est tibétain et adorable, et c’est sur un fond de musique tibétaine que nous traversons ces immenses paysages jusqu’à la vallée de l’Indus et Leh. Je prévois d’y passer 2 jours avant de repartir pour l’ascension du Stok Kangri et ses 6153m, mais ce sera pour un autre topo !
Auteur : Angelique
Avis et commentaires
Bonjour,
ayant cherché en vain l’agence Lighet zanskar dont tu parles, je n’ai pas trouvé le site en question. Pourrais-tu me donner un contact ou une agence qui ferait ce trek que tu nous as décrit joliment.
Merci
Un itinéraire qui fait rêver ! Merci pour ces infos
pour ceux qui veulent voir à quoi cela ressemble
youtu.be/SXCFub3Gs7s
Bonjour Ju,
J’imagine que oui cet itineraire est toujours possible. Cependant comme les conditions peuvent changer rapidement en montagne (eboulements etc), je vous conseille de contacter une agence sur place qui pourra mieux vous renseigner. Bon trek !
Bonjour,
Ce trajet semble idéal. Cependant comme il date de 2010, pouvez-vous me dire s’il est toujours possible de le faire dans les mêmes conditions au mois de juillet 2017 svp ?
Amicalement,
salut angélique.
On attend impatiemment ton prochain topo pour continuer à nous faire rêver..
amitiés .
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