Elbrouz sommet Ouest (5642 m) par la face Sud

Difficulté :
Alpinisme F
Dénivelé :
2000m
Durée :
3 jours et plus

L'Elbrouz, volcan endormi aux deux sommets caractéristiques, est le point culminant de la chaîne du Caucase et de l'Europe géographique avec ses 5642 m d'altitude pour son sommet ouest. Des vallées qui donnent envie de se prélasser au soleil, des sommets enneigés qui donnent envie de jouer sur la glace bleutée, des gens adorables et accueillants et un sommet à une altitude telle qu'on se croit sur le toit du monde... Le Caucase mérite le détour, aucun doute ! L'ascension est techniquement aisée, mais demande une acclimatation sérieuse du fait de l'altitude et surtout des vêtements chauds et une attention à la météo de tous les instants ! Mais une fois au sommet, l'émotion ne manquera pas de vous prendre à la gorge... – Auteur :

Accès

Le départ proprement dit de l’ascension commence à la station d’Azau à 2180 m d’altitude, dans la vallée. Pour y aboutir, c’est un long chemin soit depuis Naltchik (environ 2h en mini-bus), la capitale de la république autonome de Kabardino-Balkarie au sein de la fédération de Russie (dont le symbole est précisément l’Elbrouz !), soit depuis Mineralnye Vody, située pour sa part dans le kraï de Stavropol, et où est situé l’aéroport permettant d’atteindre la région depuis Moscou (compter 3h de mini-bus environ).

Précisions sur la difficulté

La cotation globale de l’ascension est F, les pentes ne sont jamais très raides. Il faut par contre beaucoup de concentration surtout à la descente, car malgré tout une chute dans la traverse avant la partie sommitale est fatale (des morts chaque année, jusqu’à une dizaine !). Une bonne acclimatation est bien entendu obligatoire, on est rentré dans le domaine de la haute montagne.

Les infos essentielles

  • Carte : il existe une bonne carte au 1:50000 de la région de l’Elbrouz, dont l’ISBN est 978-3-9523294-3-6 et trouvable en ligne sur Amazon ou sur ce site. Elle couvre la région de l’Elbrouz, et contient en plus un plan de Terskol et de Cheget.
  • Altitude de départ : 3700 m, au refuge dit des « Barrels », accessible depuis Azau en téléphérique (2 portions) puis en télésiège
  • Altitude maximale : 5642 m (sommet Ouest de l’Elbrouz)
  • Dénivelé : 2000 m
  • Matériel : des vêtements très chauds pour affronter des températures qui peuvent être franchement négatives (-10 °C à -20 °C est la norme, ça peut descendre beaucoup plus bas selon les conditions), des chaussures en conséquences adaptées ; matériel classique sur glacier (baudrier, mousquetons, corde, piolet, crampons), même si le glacier n’est pas crevassé sur tout l’itinéraire de montée, en bonnes conditions, on ne sait jamais. Des bâtons de randonnées sont très utiles, on peut faire toute l’ascension grâce à eux plutôt que le piolet
  • Conditions météos : LE point le plus important dans une ascension de l’Elbrouz. La météo est très instable, les conditions peuvent changer vite là-haut et rendre une ascension déjà pas évidente en une véritable expédition polaire. Se renseigner le plus possible, sur place ! Et partir tôt, les nuages ont tendance à s’installer durablement à partir de 14h.
  • Autre : il vous faudra un permis d’ascension, ne pas l’oublier ! Ainsi que les assurances, le visa, etc.
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Itinéraire

PRÉAMBULE

Quel est le plus haut sommet de l’Europe ? Question délicate ! Car beaucoup répondront sans trop hésiter le Mont Blanc, dans les Alpes, mais quelle est la véritable frontière de l’Europe, continent géologiquement délicat à définir (ne parle-t-on pas plutôt du continent eurasiatique) ? Il est généralement admis que la frontière Est est constituée de l’Oural, la frontière Sud-Est du Caucase. Et c’est pour ça qu’en réalité, le mythique Elbrouz constitue le point culminant du continent européen !

Dans l’Antiquité, l’Elbrouz était déjà terre de légende et de mythes : il était considéré que c’était l’endroit où Prométhée s’était retrouvé enchaîné, entre les deux sommets Est et Ouest, en punition pour avoir osé donner le feu aux hommes. Et de nos jours, voir ce colosse ne pourra que vous évoquer ces mythes et légendes, et ne pourra que vous fasciner. Le Caucase c’est aussi une région aux gens adorables, avec lesquels quelques mots de russe, voire de caucasien — préférer « salam alékoum » pour dire bonjour au traditionnel « dobri djièn » ou plus familier « privièt » (retranscriptions libres du cyrillique !), et un « kalaciè » en lieu et place d’un « kak-dilà » pour « comment ça va ? » sera apprécié au plus haut point — vous permettront bien des sourires et un accueil des plus chaleureux.

ITINÉRAIRE DE L’ASCENSION PROPREMENT DITE

Il existe plusieurs points de départ possibles sur la face Sud. Ainsi, soit l’on part du refuge dit des Barrels (ou Borchki en russe), containers aux couleurs de la Russie, à 3700m environ près de l’arrivée du télésiège, soit l’on part du refuge Diesel à 4060m d’altitude. Partir depuis les Barrels implique un dénivelé de 2000m dans la journée, ce qui est un effort considérable. Il existe donc la possibilité de s’alléger un peu la charge en utilisant des « ratraks », les dameuses du secteur. Pour 500 € on peut monter jusqu’aux rochers Pastukhov à 4700m, et pour 200 € de plus le ratrak peut monter à environ 5000m ce qui rend l’ascension d’autant plus facile. C’est une somme globale, à répartir entre les utilisateurs des ratraks (jusqu’à 12 personnes possibles).

À noter que le sentier est balisé jusqu’au bout par de petits fanions. Les crevasses sont absentes de toute l’ascension (bien aidé par les ratraks jusqu’à 5000 m...), du moins lorsque le glacier est en bonne condition. Le trajet proposé ne passe plus par les cordes fixes qui étaient installées aux environs du sommet.

Depuis les Barrels, soit prendre pied directement sur le glacier (peu confortable), soit rester sur le chemin en terre qui redescend puis remonte vers l’arrivée du tout nouveau télécabine (ouverture 2016), à 3850 m, puis prendre pied sur le glacier à cet endroit. Suivre la trace des ratraks en direction des rochers Pastukhov, en forme de « 7 » (avoir fait le repérage la veille !), pour s’élever confortablement jusqu’à une altitude d’environ 4700 m.

Depuis les rochers Pastukhov continuer à monter la pente modérée (environ 20°) jusqu’à dépasser une vieille dameuse, puis arriver à un replat à environ 5000 m. De là entamer la première traversée horizontale vers la gauche qui contourne le sommet est, afin d’aboutir au col entre les deux sommets à environ 5300 m.

Prendre en direction du sommet ouest, sur la gauche, par une seconde traversée raide (environ 35°) qui contourne le sommet ouest par la droite. On arrive sur un replat, qui est le plateau sommital. De là, rejoindre le sommet par une dernière petite pente et l’on atteint le sommet Ouest de l’Elbrouz, 5642m, toit de l’Europe.

La redescente se fait par le même chemin. Arrivé au col, on peut aussi tenter une petite excursion en direction du sommet Est (5621 m), très esthétique, en le contournant par la gauche depuis le col. Compter alors 400 m de dénivelé en descente et en montée supplémentaires.

RÉCIT DE L’EXPÉDITION, 22 AU 29 AOÛT 2016

Un récit est toujours plus vivant qu’une simple description de l’itinéraire, et de plus ça permet de voir comment s’est déroulée l’acclimatation, je vous livre donc mes impressions de cette formidable aventure que j’ai vécue fin août 2016 dans la région.

Jour 1, ascension de l’antécime du Pic Cheget

  • Dénivelé : 1075 m, point le plus haut 3082 m, départ depuis Cheget à 2050 m
  • Durée : 4h45 sans compter les pauses
  • Météo : grand ciel bleu toute la journée et températures relativement élevées (25 °C à 30 °C)

Après être arrivé la veille au soir dans la vallée, le but du premier jour est de se dégourdir les jambes et d’avoir déjà une première vue sur le colosse de l’Elbrouz. On part de Cheget (prononcer « Tchiégièt »), notre village de base, avec un sentier en forêt très raide dès le début. Après vingt minutes nous arrivons sur une petite crête d’où la vue sur les sommets enneigés de l’Elbrouz est déjà magnifique.

En continuant le chemin maintenant sous le soleil nous arrivons à la station intermédiaire du télésiège de Cheget. Nous suivons la piste de ski pour continuer notre chemin serpentant sous le télésiège afin d’arriver en haut des remontées mécaniques, nous continuons en prenant un chemin qui se transforme en pierrier pour partir en direction du Pic Cheget.

Nous nous arrêterons à environ 3100 m, il est interdit d’aller au-delà sans permis spécial. En effet, la frontière géorgienne est tout proche et nous sommes en bordure de la zone tampon, pour laquelle un permis spécial est nécessaire. Mais qu’importe ! La vue est déjà suffisamment belle sur les 4000’ caucasiens de la frontière russo-géorgienne d’un côté, et sur l’Elbrouz de l’autre, avec son glacier et au premier plan l’observatoire de Terskol.

Le retour se fera en suivant directement les pistes de ski, sous le télésiège.

Jour 2, première acclimatation à l’observatoire de Terskol

  • Dénivelé : 888 m, départ à 2700 m, pic à 3571 m
  • Durée : 5h, sans compter les pauses
  • Météo : ciel sans nuages le matin, puis nuageux et orageux dans l’après-midi avec un épisode pluvieux à 15h

Depuis Cheget nous allons à Terskol, puis arrivé à la mosquée nous prenons la route à droite. Il y a une grille à partir de 2142 m d’altitude, au-delà la piste n’est plus carrossable. Qu’à cela ne tienne ! Nous sommes en mini-taxi dans un véhicule tout-terrain, nous montons donc jusqu’à 2700 m, tout près de la cascade impressionnante qui borde le chemin.

Après s’être rapproché au plus près de la cascade à pied (c’est vivifiant !) nous revenons sur la piste et continuons à pied en direction de l’observatoire astronomique de Terskol, bien visible. Le marquage du chemin est rouge, en forme de cercle avec deux traits à gauche et à droite du cercle, de temps en temps visible.

Arrivé dans une vallée, le chemin s’embranche, nous prenons à droite la piste qui grimpe un peu plus jusqu’à arriver à l’observatoire. Nous continuons à gauche depuis l’observatoire, pour s’élever dans un sentier pierreux et passer sous une sorte de croix, jusqu’à ce que nous atteignons un refuge abandonné. Bientôt nous arrivons en vue du glacier de l’Elbrouz après une redescente dans une moraine, vue impressionnante sur les deux sommets Est et Ouest.

Nous descendons alors sur le glacier faisant face à la station Mir et face aux fameux Barrels. C’est l’occasion de mettre les crampons pour la première fois depuis le début de l’expédition, et de se remettre en jambes quant à la marche sur glacier ! Nous descendons tranquillement jusqu’à la moraine que nous remontons légèrement pour redescendre sur l’autre versant et atteindre le sentier de départ menant à l’observatoire.

À un dernier croisement, au lieu d’aller à l’observatoire, nous continuons à descendre pour finalement revenir au point de départ. Petite mise en bouche sympa, nous sommes restés quelques heures à une altitude moyenne de plus de 3400 m ce qui nous a permis de commencer à nous faire quelques globules pour la suite !

Jour 3, randonnée dans la vallée d’Irikchat et sa cascade

  • Dénivelé : 750 m, départ à 1804 m et pic à 2450 m
  • Durée : 7h40, pauses comprises. Plus d’une vingtaine de kilomètres parcourus
  • Météo : températures clémentes (20 °C à 25 °C) au début ainsi qu’un ciel bleu avec quelques nuages, puis une dégradation au fur et à mesure aboutissant à un épisode orageux vers 13h30, de courte durée

Le but de cette journée est surtout d’avoir du kilomètre dans les jambes, et de découvrir une des vallées magnifiques environnants la vallée de Terskol, la vallée d’Irikchat (dans laquelle coule le torrent Irik).

Le départ se fait à flanc en vallée depuis le village Elbrouz, en passant devant une cabine de téléphérique vide. Cette dernière est devenue un stand de vente d’habits de laine locaux, tenu par une babouchka qui sera présente plus tard dans la journée. Le sentier s’élève peu à peu en direction de la curiosité géologique de la vallée : une pyramide calcaire, due à l’érosion, au sommet de laquelle se trouve un nid d’aigles.

De temps à autre nous croisons quelques vaches qui sympathisent avec nous. Arrivé à un large replat, qui est un lieu de bivouac idéal au cœur de la vallée, nous rencontrons un berger avec ses tentes : le moment idéal pour une petite pause, à discuter et à manger sa production de fromages et de yoghourts (le yoghourt local mélangé à l’eau minérale de source est une recette locale non seulement délicieuse mais aussi très rafraichissante !). C’est aussi un point de vue idéal sur le sommet Est de l’Elbrouz en fond de vallée.

Après cette pause ma foi fort goûtue, la suite de la randonnée mène à une cascade impressionnante à l’origine du torrent bouillonnant de la vallée. Nous remontons la pente pour rejoindre un point de vue surplombant la cascade, à partir duquel nous effectuons une descente en rappel afin de se rapprocher un plus près du pied de la cascade. Évidemment, descendeur, casque, mousquetons, cordelette et corde sont de la partie !

Le retour se fait peu après, sous la pluie puis un orage bref mais intense, par le même chemin.

Jour 4, deuxième acclimatation aux Rochers Pastukhov (4700 m)

  • Dénivelé : 900 m, départ à 3850 m, pic à 4686 m
  • Durée : 4h45, pauses comprises
  • Météo : ciel bleu, quelques nuages, températures plus que clémentes (15 à 20 °C à 3850 m !), puis un vent glacial arrivé aux rochers Pastukhov ainsi que des nuages de plus en plus nombreux voilant le ciel

Départ à 8h30 de notre hôtel à Cheget afin d’aller à Azau prendre la première gondole montant vers l’Elbrouz. Nous montons ainsi à Mir jusqu’au maximum que permet le nouveau télécabine (à 3850 m), afin de commencer une ascension jusqu’aux rochers Pastukhov, aisément reconnaissables à leur forme en "sept" depuis le télécabine ou les Barrels. C’est aujourd’hui une étape très importante dans l’acclimatation, tout en nous offrant déjà une idée du terrain sur lequel nous évoluerons le jour du sommet. Pour ma part, je vais aujourd’hui atteindre une altitude que je n’avais jamais connue en alpinisme, c’est donc une grande première.

La montée est évidente à suivre, nous prenons pied sur le glacier à un replat au sommet du télécabine, avant de suivre les traces des ratraks vers ces curieux rochers en forme de "sept". Au fur et à mesure la pente devient marquée sans être non plus intense, 25° au maximum. Des petits fanions marquent le chemin, mais ils ne sont pas nécessaires du tout tant la trace est facile à suivre.

Le chemin ne comporte aucune crevasse, nous n’étions donc pas encordés. Pour ma part, je n’ai en plus utilisé les crampons qu’assez tardivement tant la neige était en bon état, quasiment à portée des rochers Pastukhov.

La vue offerte au point le plus haut de notre ascension est impressionnante : toute la chaîne de la Géorgie caucasienne se dévoile à nous, accompagnée de ses glaciers aux dimensions plus que respectables.

La descente se fera sans problèmes, pour un retour mérité au télécabine puis à Cheget, manger des brochettes accompagnées d’une bière qui se laisse déguster !

Jour 5, ascension du Pic Siltran (3600 m)

  • Dénivelé : 1600 m, départ à 2025 m, point le plus haut à 3600 m (sommet que nous avons nommé le Pic Siltran)
  • Durée : 7h50 (pauses comprises), 30 km en aller-retour
  • Météo : couvert au départ de la randonnée puis de plus en plus plombé jusqu’au sommet. La pluie commence à y tomber et un coup de tonnerre se fait entendre à la descente, tandis que la pluie devient intense pendant le premier tiers du chemin de retour. Le beau temps arrive ensuite et persiste jusqu’à la fin

Dernier jour avant la montée pour trois jours au refuge d’altitude ! Depuis Cheget nous remontons la vallée jusqu’au village Elbrouz, puis nous continuons tout droit jusqu’au village Baksan (du même nom que la rivière parcourant la vallée). De là, à 1600m d’altitude, trois kilomètres de piste non carrossable nous attendent pour rejoindre notre point de départ à 2025m, à 7h30 du matin, en taxi 4x4 local.

Le sentier est très connu (d’où la présence d’un marquage bleu tous les mètres à peu près), il est le lieu d’une course de trail emmenant jusqu’au sommet de l’Elbrouz, rien que ça ! La "Elbrus World Race", 112km de course, le premier en 2016 l’a fait en 18 heures 27 minutes et des poussières de seconde, à vous de voir si vous souhaitez relever le défi !

Après le départ en forêt, où d’excellentes framboises sont à déguster le long du chemin, nous aboutissons dans des alpages. Au fond de la vallée, nous avons une vue sur le sommet Est de l’Elbrouz, sur la droite une très belle formation volcanique et sur la gauche, des chevaux près du torrent.

Nous continuons le sentier en terre, parfois directement au bord du torrent, pour atteindre une cirque de rochers où nous faisons une petite pause. Peu après nous repartons et nous alternons entre rochers et sentiers, afin, après 13 kilomètres de marche depuis notre départ, d’atteindre un lac à 3200 m d’altitude, qui est le premier objectif de la randonnée.

Les deux derniers kilomètres de marche nous permettent, après avoir continué dans un pierrier, d’atteindre d’abord le col Siltran à 3400 m puis, en prenant à gauche en hors-sentier (parfois pénible car en alternance de pierrier et de simili-trace sablonneuse), un sommet à 3600 m d’altitude offrant une vue panoramique remarquable sur les environs.

Le retour se fait par le même chemin, d’abord sous la pluie puis sous le soleil, bien appréciable en fin de journée !

La soirée qui suit offre une fête de fin de saison (en effet, la saison d’été touche à sa fin dans la région de l’Elbrouz), tout le village de Cheget danse et nous participons avec plaisir à la fête ! Quelques verres de vodka sont (bien entendu) de la partie, demain attendra !

Jour 6, montée aux Barrels et mise en jambes

  • Dénivelé : environ 400 m, départ à 3700 m aux Barrels, point le plus haut à 4070 m au-dessus du refuge Diesel
  • Durée : 2h
  • Météo : nuageux en début de journée puis éclaircies, températures clémentes

Premier jour de l’attaque du sommet ! C’est surtout un jour où nous montons au refuge, les fameux Barrels (ou Borchki) et où nous prenons nos quartiers. Ce refuge ne paie pas de mine au premier abord, ce sont des sortes de containers peints aux couleurs de la Russie, mais l’intérieur est, assez étonnamment, confortable avec même des tapis au sol ! Nous montons aussi tout notre paquetage de nourriture et d’eau pour les trois prochains jours, via le téléphérique puis le télésiège.

Dans l’après-midi, petite mise en jambes où nous montons jusqu’au refuge Diesel, le plus haut refuge sur la face sud de l’Elbrouz, à 4060 m. Deux petites heures (en aller-retour), qui permettent aussi un meilleur sommeil le soir (aller 400 m au-dessus du camp de base permet une meilleur nuit le premier jour).

Jour 7, repos et mise en jambes

  • Dénivelé : 671 m, point le plus haut à 4150 m
  • Durée : 3h
  • Météo : nuageux, un petit vent frais

Dernier jour avant le jour du sommet ! Après un petit-déjeuner à 9h du matin (profitons-en de cet horaire tardif de lever, demain ce sera une autre paire de manches...), il est temps de faire une petite excursion tranquille jusque vers 4100 m. Une partie du groupe doit aussi s’occuper du ravitaillement en eau de cuisson sur le glacier.

Et là vient ma première erreur... En effet, trois d’entre nous sont déjà à pied d’œuvre, mais ils ont besoin d’aide. Je me porte volontaire pour aider et interromps la mise en jambes vers 3900 m pour redescendre en bas des Barrels, à peu près 50 à 100 m plus bas. De là il s’agit de porter une dizaine de kilogrammes d’eau jusqu’aux Barrels.

Jusque là, pas d’erreur de ma part. Cette dernière vient après : alors que mes compagnons n’avaient pas encore fait la petite mise en jambes de la journée, ils se décident à partir, et moi bêtement je les suis... Nous allons donc jusqu’à 4100 m ensemble, où nous resterons une vingtaine de minutes avant de redescendre. J’ai donc accumulé beaucoup de dénivelé aujourd’hui, ce qui n’est guère sage de ma part la veille d’un jour de sommet.

Jour 8, jour J du sommet

  • Dénivelé : 2000 m (1000 m réellement en montée à pied, 2000 m en descente), pic à 5642 m, sommet Ouest de l’Elbrouz
  • Durée : 9h20
  • Météo : ciel étoilé et sans nuages au départ, vent frais à 4600 m. Puis dégradation jusqu’au brouillard au sommet (dommage...), pour ensuite retrouver un ciel bleu avec quelques nuages

LE grand jour ! Le jour J ! Le "summit day" ! Les jours précédents, j’ai beaucoup hésité et discuté avec un de mes compagnons, Christian : vais-je tenter l’ascension depuis les Barrels, et donc avaler quelque 2000m dans la même journée ? Je suis très affuté physiquement, mais c’est en fait le mental qui pêche : je n’ai jamais connu une telle altitude jusqu’à maintenant, et je n’ai aucune idée des réactions de mon corps. C’est d’ailleurs en fait une des raisons profondes qui m’ont poussé dans cette ascension : goûter à la très haute altitude, tester mon corps, comprendre jusqu’où je peux aller...

Ainsi, j’ai décidé la veille que pour une première incursion dans la région des 5000’, je vais ne faire "que" 1000 m de dénivelé dans la journée. Je vais donc monter en ratrak avec d’autres compagnons jusqu’aux rochers Pastukhov, à 4700 m. Ça fera déjà une sacrée belle trotte qui nous restera à faire dans les jambes. Christian, quant à lui, tente l’ascension totale, et part donc une heure plus tôt. Nous nous rejoindrons une heure et demie plus tard et continuerons ensemble l’ascension.

Le lever se fait à 2h du matin pour un départ à 3h, après une demi-heure environ de ratrak, nous atteignons les rochers Pastukov. C’est parti pour une marche au pas régulier, à la lueur des lampes frontales. Le lever de soleil a lieu à 5h du matin environ, lors de la traversée à flanc à 5300 m amenant au col entre les deux sommets Est et Ouest. C’est un moment magique et unique, le ciel se teinte en rose, déjà à cette altitude je domine toute la chaîne du Caucase... Le regard se porte au loin, l’émotion commence à poindre, et pourtant il en reste du chemin !

C’est à cet endroit que va se dérouler ma deuxième erreur. Pour mon malheur, alors que je prends une photo, mon bâton me lâche et dévale la pente ! Je cours à sa poursuite et parviens à le récupérer 50 m plus bas. Je me dépêche de remonter, pour reprendre la marche en avant. Ah si j’avais été intelligent, je ne me serais pas précipité ; et je n’aurais pas cassé mon rythme ! Je vais le payer plus tard...

Mais pour l’instant je suis très bien, je profite à fond, et nous rejoignons le col pour faire une pause. Et c’est à la pause qu’un petit mal de tête commence à venir. Mais heureusement, il part très vite, et nous entamons la raide montée vers le plateau sommital. Le temps se dégrade malheureusement et surtout le froid devient plus intense, c’est dans cette montée que la température la plus négative, environ -18 °C, sera atteinte ! Il faut savoir que si l’Elbrouz, techniquement, n’est pas un sommet difficile, il peut le devenir à cause des conditions météorologiques. Le froid, le vent, la fatigue, les orages : autant de causes ayant entraîné des morts par le passé (et encore cette saison).

Nous atteignons un petit replat, dans le brouillard, avant d’entamer la dernière petite montée sommitale. Les derniers mètres sont faciles, mais fatigants... Mais, à 8h30, j’atteins le sommet Ouest de l’Elbrouz, à 5642 m !! L’émotion est très grande, même si malheureusement le brouillard m’empêche de profiter de la vue. Une première dans la saison : tout le monde, dans notre groupe, atteint le sommet ! Beaucoup de pensées se bousculent dans ma tête, mais avant tout le bonheur absolu et intense d’avoir réussi ce défi lancé à moi-même. De plus, je me sens en pleine forme, pas de soucis, aussi bien en ce qui concerne mon souffle ou ma tête.

Il va bientôt être temps de redescendre. Et là, les conséquences de ma seconde erreur vont m’apparaître dans toute leur splendeur : le mal de tête me rattrape arrivé au col entre les deux sommets, ce qui m’oblige à abandonner mon idée de tenter dans la foulée le sommet Est. Christian et un autre de nos compagnons vont s’y attaquer avec succès. Je continue donc la descente, avec un mal de tête persistant sans être handicapant. Ma grande chance (et ma grande joie) réside dans mon souffle : de toute l’ascension, aussi bien vers le sommet que lors de la descente, mais ce dernier n’a été mis en défaut. Je n’ai pas senti outre mesure l’effet de l’altitude sur mon souffle, ce qui m’a plutôt surpris je dois l’avouer.

Après l’épuisante descente, faite quasiment en courant sur la fin, j’atteins les Barrels où je prends du repos bien mérité, vers les 13h. Un rêve de réalisé, d’autres m’attendent...

Avertissements et Droits d'auteur

Randonnée réalisée le 29 août 2016

Dernière modification : 22 juillet 2022

5 membres ont cette randonnée en favori !

Auteur :

Avis et commentaires
( 5 | 1 avis )

Bonjour,
Qui est partant pour 2024 ou 2025 ? Si vous êtes intéressé envoyé moi un message privé 🙂

Marc Cayla

PPS lire Aluflex peau de phoqués !!!!

Marc Cayla

PS Julien,
Pour la végétation j’ai pu aussi constater que les arbres vont jusqu’à ±2.000m contre 1.700 en France.

Marc Cayla marc.cayla@free.fr

Julien,
Superbe reportage qui me ravive de magnifiques souvenirs, merci. En 1979 j’en avais marre de nos montagnes polluées par des connards fluos et suis allé grimper l’Elbrus en hiver, sur mes vieux Aluflex peaux de chamoisés, j’ai dû m’y reprendre à 3 fois sur 10 jours, depuis un refuge à 4000 un genre de bulle en tôle décatie. J’ai failli en crever... c’est haut b... =:o)
Mon guide super sympa s’appelait Micha. L’as tu rencontré ? Il habitait Tcheget ou Elbrus, il doit avoir 70 ans maintenant.
Il m’avait aussi emmené voir un glacier qui avait été sculpté à la dynamite en forme de croix gammée par les allemands qui cherchaient un chemin vers le pétrole de Bakou pendant la guerre.
Tu as dû te régaler avec les brochettes d’agneau marinées au petit lait et arrosées de yaourt à l’eau pétillante, veinard !
De mon temps il n’y avait qu’un seul téléphérique 15p par 1/2h, est-ce toujours le cas ?
Marc

Merci à vous pour vos commentaires !

Ce topo a mis du temps à sortir (et moi à revenir sur AR), mais le voilà.

En ce qui concerne la végétation, j’ai aussi eu l’impression qu’elle montait plus haut que dans les Alpes, je pense que c’est dû à l’emplacement géographique, bien plus au sud que les Alpes.

Superbe, tu as donné du rêve !

Belle ascension du plus haut sommet d’Europe !

MAGNIFIQUE aventure qui se finit en APOTHÉOSE !
Une parenthèse inoubliable dans une vie !
Et les photos sont superbes ! Elles pourraient fournir un BEST-OF entier à elles seules ! J’avais déjà vu un documentaire animalier dans le Caucase et j’avais déjà trouvé le secteur magnifique. Je trouve que ça fait pas mal penser aux Alpes mais j’ai l’impression que la végétation va assez haut.

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